Films

Cannes 2025 : les 10 meilleurs films (ou presque) qu’il faudra absolument voir

Par Alexandre Janowiak et Antoine Desrues
26 mai 2025
© Ad Vitam Distribution, Le Pacte

Le Festival de Cannes 2025 nous a offert comme à son habitude son lot de découvertes et de pépites. Retour sur ses 10 films immanquables (ou presque).

Le 78e Festival de Cannes est-il l’un des meilleurs depuis longtemps ? C’est toujours difficile de prendre de la sorte le pouls du monde du cinéma, mais il est clair que cette édition a beaucoup plus convaincu que celle de l’an dernier, remplie d’œuvres mineures ou décevantes d’auteurs confirmés, ou d’expérimentations plus ou moins ratées. En 2025, beaucoup d’artistes importants ont su transformer l’essai, quand d’autres ont créé la surprise, en compétition comme ailleurs.

Bien sûr, la rédaction d’Ecran Large partie couvrir le festival n’a pas pu tout voir, mais elle a décidé de revenir sur 10 films essentiels de cette 78e édition, entre la sélection officielle (qui comprend la compétition, Un Certain Regard, Cannes Première, le hors-compétition, les séances de minuit et les séances spéciales), la Quinzaine des Cinéastes, la Semaine de la Critique et l’ACID.

Résurrection
Une pensée tout de même pour l’un de nos chouchous de la compétition : Resurrection

Pour éviter la redondance, on a évincé de cette liste les films qui ont déjà été traités dans nos colonnes pendant le festival. Vous pouvez donc retrouver nos textes sur les films suivants :

Pour rappel, cette liste (évidemment subjective) permet ainsi de mettre en avant 10 autres films qu’il fallait voir sur la Croisette, afin de vous conseiller de les rattraper en salles lorsqu’ils sortiront. C’est parti, sans ordre précis !

Aleksandr Kuznetsov dans Deux Procureurs
Deux Procureurs aurait également pu avoir sa place ici

SOUND OF FALLING

  • Sélection : Compétition
  • Durée : 2h29
  • Sortie : Prochainement via Diaphana
Sound of Falling
Un regard qui va vous hanter

Cannes est souvent décrit comme une petite réunion d’habitués se repaissant dans un entre-soi légèrement agaçant. C’est parfois vrai (les Dardenne étaient encore en compétition et sont encore repartis avec un prix, par exemple), mais souvent très réducteur puisque le festival est aussi une plateforme donnant naissance à des cinéastes (ceux-là même qui deviendront probablement de futurs habitués). En 2025, on a ainsi pu découvrir Sound of Falling de l’Allemande Mascha Schilinski.

Ce deuxième film en forme de fresque faramineuse raconte l’histoire de quatre femmes vivant dans la même ferme, mais sur quatre générations différentes. Une manière pour la cinéaste d’explorer l’évolution d’une famille sur près d’un siècle, mais aussi la vie de ces femmes, toutes bousculées par un patriarcat agressif, pervers et tristement indéboulonnable. Ainsi, la vie des héroïnes de Sound of Falling n’est presque que douleur et sacrifice.

Une mort lente qui traverse les générations, supplante les époques et envahit les esprits dans un monde désespéré où disparaître semble la seule échappatoire à une existence fantôme. C’est rude et austère, remémorant un peu Le Ruban Blanc de Michael Haneke, mais c’est une claque envoûtante qui méritait amplement le prix du jury.

l’agent secret

  • Sélection : Compétition
  • Durée : 2h40
  • Sortie : 14 janvier 2026 via Ad Vitam Distribution
Wagner Moura dans L'Agent secret
« Allô, oui on m’a dit que vous étiez dans le top 10 des meilleurs films de Cannes pour EL ?

Lors de la Mostra de Venise 2024, le cinéaste brésilien Walter Salles avait raconter l’horreur de la dictature brésilienne avec son magnifique Je suis toujours là. Il était allé jusqu’aux Oscars, remportant la statuette du meilleur film international. Quelques mois plus tard, son compatriote Kleber Mendonça Filho livre une autre version fascinante de cette période trouble du pays avec L’Agent secret. Un titre trompeur puisque le cinéaste déjoue complètement les codes du film d’espionnage, avec un film lent et une intrigue anti-spectaculaire.

Exception faite d’une filature et d’une fusillade violente, L’Agent secret repose avant tout sur de longues plages de dialogues, porte d’entrée à une réflexion poussée de l’Histoire du pays. Dans son nouveau film, encore une fois situé à Recife (sa ville natale), Kleber Mendonça Filho raconte l’oppression d’un système à travers la quête de liberté de son personnage principal (Wagner Moura). Le moyen de dresser un portrait imposant de la dictature du Brésil, ses mystères irrésolues et le travail de mémoire éternel pour retrouver ses fantômes.

Urchin

  • Sélection : Un Certain Regard
  • Durée : 1h39
  • Sortie : prochainement via Ad Vitam Distribution
urchin
Entre deux séances…

Les gens comme Harris Dickinson sont très agaçants : en plus d’être beaux gosses et bons acteurs, ils sont également des réalisateurs prometteurs. Urchin suit Mike, SDF qui évolue comme il peut dans un monde d’indifférence. Au cœur des rues londoniennes, les longues focales écrasent le personnage au milieu de la foule et de ses flux.

Loin du pamphlet misérabiliste, Harris Dickinson dépeint un monde néo-libéral qui oblige à la cruauté. Mike n’est pas un ange, et le réalisateur ne cherche pas à exc ses actions. Il capte en revanche une colère, due à une société qui fait semblant de ne pas comprendre, et qui oblige à la performance constante (entretiens d’embauche, ages devant le juge…).

À la fois drôle et glaçant, le film doit beaucoup à l’implication de Frank Dillane, tour à tour moqueur et désespéré face à l’infantilisation qu’il subit au quotidien. Une belle étude de personnage, fine et coup de poing, qui a permis à son acteur principal de repartir avec le prix d’interprétation d’un Certain Regard.

L’Inconnu de la grande arche

  • Sélection : Un Certain Regard
  • Durée : 1h45
  • Sortie : prochainement via Le Pacte
Claes Bang et Michel Fau dans L'inconnu de la Grande Arche
Une jolie reconstitution pour une construction tragique

2025 sera donc, en partie, l’année des architectes. Après l’incroyable The Brutalist et son architecte hongrois fictionnel revenu de la Shoah, L’inconnu de la Grande Arche raconte l’histoire vraie de Johan Otto von Spreckelsen. Cet architecte danois est à l’origine de la Grande Arche de la Défense (ou de ce qu’il appelait au départ, le Cube). Réalisé par Stéphane Demoustier (La fille au bracelet, Borgo), le film s’attarde ainsi sur les coulisses de ce chantier faramineux, commandé par François Mitterrand au début des années 80, et son architecte, alors quasi-inconnu.

Le cinéaste sait y faire puisqu’il livre une sorte de complément parfait à The Brutalist, explorant encore une fois l’enfer créatif rencontré par un artiste-architecte dont la vision s’écroule devant les arbitrages politiques et économiques (ici d’une très contraignante). Bien sûr, L’inconnu de la Grande Arche n’a pas son ampleur ou sa majesté. Rien qui ne l’empêche de raconter avec une maestria simple cette histoire méconnue, qui pourrait devenir un succès au box-office français. Et puis, Claes Bang de retour dans un film de ce type, on dit oui.

My Father’s Shadow

  • Sélection : Un Certain Regard
  • Durée : 1h34
  • Sortie : prochainement via Le Pacte
Un trio bouleversant

En plus d’être le premier film nigérian en sélection officielle, My Father’s Shadow est un des plus beaux coups d’éclat du festival. Inspiré de sa propre vie, le récit d’Akinola Davies Jr. présente deux enfants, embarqués avec leur père dans la capitale de Lagos en pleine crise électorale de 1993. Avec une douce poésie, la caméra sensible du réalisateur navigue entre inspirations documentaires et réalisme magique, pour capter ce bouillonnement politique à hauteur d’enfant.

Cette approche pourrait sembler galvaudée, mais l’inventivité d’Akinola Davies Jr. est toujours au service de leur regard, à la fois fasciné par leur figure paternelle, courageuse, assurée et aimante, et confronté à la réalité de sa double vie. My Father’s Shadow raconte une désillusion à plusieurs niveaux : ce moment où l’on est mis face à l’imperfection de ses parents, tandis que les horreurs militaires de toute une nation se révèlent.

L’amour qu’il nous reste

  • Sélection : Cannes Premiere
  • Durée : 1h49
  • Sortie : prochainement via Jour2fête
L'amour qu'il nous reste
Encore une grande aventure islandaise

Hlynur Pálmason avait sonné la Croisette en 2022 avec Godland. Ce chef d’œuvre suivant le voyage d’un prêtre danois envoyé dans le froid glacial de l’Islande du 19e siècle avait été tristement relégué à la section Un Certain Regard alors qu’il avait l’allure d’une Palme d’or. Trois ans plus tard, le cinéaste est revenu à Cannes (en Cannes Première) avec L’amour qu’il nous reste. Un film très différent, plus intime, moins ample, mais qui s’inscrit dans la droite lignée des thématiques du cinéaste.

Conflits générationnels, les liens familiaux, la féminité, la charge mentale, la parentalité, la responsabilité, l’art aussi… dans L’amour qu’il nous reste, il est encore question de construction (matériel, familiale, spirituelle), de détruire pour mieux rebâtir et découvrir les conséquences au fil du temps. Pálmason joue ainsi avec les saisons et les plans fixes où la vie défile sans que les personnages n’avancent vraiment, comme figés dans un paysage, lui, en continuel mouvement (quasiment le monde à l’envers).

Avec audace, l’Islandais tente même des percées fantastiques/oniriques/expérimentales, au milieu de son récit, offrant des bouffées d’air frais et parfois beaucoup de rires (assez inattendus). Ce n’est pas toujours aisé de saisir où il veut en venir, mais une chose est sûre, il y a du cinéma ici et de belles réflexions sur ce qu’on crée, perd, transforme, pourquoi et ce qu’il en restera : au moins l’amour ? Espérons.

La Mort n’existe pas

  • Sélection : Quinzaine des Cinéastes
  • Durée : 1h12
  • Sortie : prochainement via UFO
Palme Loup d’or

Pour son troisième long-métrage, le Québécois Félix Dufour-Laperrière fait de son animation (par ailleurs magnifique d’épure et de textures) une jonction entre un onirisme fascinant et un sens du concret qui rattrape en permanence ses personnages. Cette confrontation, le début glaçant du film le développe avec beaucoup de réussite, alors qu’un groupe d’éco-terroristes se voit stoppé dans son élan de violence révolutionnaire. Hélène en sera la seule rescapée, errant dans la forêt en quête de sens.

Hanté par une colère plus actuelle que jamais, La Mort n’existe pas interroge la notion d’engagement, à l’heure où l’inaction climatique pousse de plus en plus la jeunesse vers des solutions radicales. Comment en est-on arrivé là ? Le cinéaste laisse la question en suspens, enveloppée dans des suites de symboles et des points de vue contradictoires, pour éviter de prémâcher une réponse.

Militantropos

  • Sélection : Quinzaine des Cinéastes
  • Durée : 1h51
  • Sortie : prochainement via Potemkine
C’est normal en Ukraaaaaine

Militantropos fait référence à un état d’esprit, celui qu’adoptent les citoyens confrontés à la guerre. En tant que trentenaires qui ont grandi dans une Ukraine indépendante, Simon Mozgovyi, Yelizaveta Smith et Alina Gorlova dépeignent leur pays rattrapé par le conflit. Pas de héros, pas de voix-off, mais des bulles de vie qui s’accumulent et se rencontrent, des quotidiens résignés qui s’habituent comme ils peuvent à la situation.

Par l’épure de leur dispositif, on pense forcément aux documentaires de Sergei Loznitsa. S’il n’affiche peut-être pas le même brio, Militantropos a néanmoins une énergie évidente, et un sens de l’observation qui compose avec délicatesse un portrait exhaustif de l’Ukraine contemporaine. Certaines images absolument saisissantes (des entraînements de futurs soldats, un cimetière qui nécessite l’emploi d’une pelleteuse…) en font le document précieux d’une instantanéité, hantée depuis plusieurs décennies par le fantôme soviétique.

Yes

  • Sélection : Quinzaine des Cinéastes
  • Durée : 2h30
  • Sortie : 17 septembre, via Les Films du Losange
Canard karcher

C’est l’un des chocs les plus spectaculaires de ce Festival de Cannes. Toujours en surrégime, le cinéma de Nadav Lapid affiche avec Yes quelque chose d’éminemment radioactif, bardé de couleurs et de caméras dansantes au milieu d’une soirée décadente avec l’élite d’Israël. Le cinéaste, ouvertement critique du gouvernement de Benjamin Netanyahou, capte avec ce nouveau film un air du temps, la complexité et les contradictions des émotions israéliennes après le 7 octobre, entre deuil, colère et renoncement.

Ce renoncement, c’est celui de Y., musicien et prostitué à ses heures perdues qui accepte de composer un hymne nationaliste appelant à l’extermination des Gazaouis (l’histoire s’inspire d’un fait réel). Tandis que la mise en scène déborde – voire dégueule – par ses excès, Gaza et les Palestiniens resteront toujours dans un hors-champ inconfortable, celui dans lequel essaient en vain de se lover les personnages. Nadav Lapid observe un monde soumis, à commencer par celui des artistes, lèche-bottes littéraux qui dissimulent leur souf réelle (magnifiquement retranscrite dans une séquence énumérant les victimes du 7 octobre) dans une volonté de vengeance aveugle matinée de propagande immonde.

Formellement, le cinéaste se lâche tout en nuançant son propos et les raisons de cette fracture qui ne peut être résorbée. Yes chope par le col pendant 2h30, dépeint la fin lucide d’un État et d’une époque, et s’impose comme l’une des expériences les plus extrêmes de ce Cannes 2025.

Imago

  • Sélection : Semaine de la Critique
  • Durée : 1h48
  • Sortie : prochainement, via New Story
3 mois, mais avec combien de mois de retard ?

Reparti avec le prix du jury de la Semaine de la Critique, ainsi qu’avec L’œil d’or qui récompense le meilleur documentaire, Imago est une sorte d’auto-fiction qui ne peut qu’emporter l’adhésion. Le réalisateur Déni Oumar Pitsaev en est le personnage principal, de retour en Géorgie, dans la vallée de Pankissi. C’est là que sa mère lui offre un bout de terre sur laquelle construire sa maison, dont l’architecture se veut pour le moins originale.

Non content de capter les réactions souvent drôles des gens du coin, son projet réveille au age un traumatisme, celui de la Tchétchénie, juste derrière les montagnes, qu’il a dû fuir comme beaucoup d’autres lors des massacres de l’armée russe. Tout en réinvestissant une terre, il reste un mal du pays, un vide, une frontière qui ne peut être franchie. Petit à petit, Déni Oumar Pitsaev suscite la confiance et permet à ses proches de vider leur sac. Imago a d’ailleurs comme clé de voûte la relation conflictuelle du réalisateur avec son père, qui offre au long-métrage une dernière partie bouleversante.

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