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Cannes 2025 : on a vu Eddington, le western fou, chaotique et terrifiant d’Ari Aster

Par Alexandre Janowiak
16 mai 2025
MAJ : 17 mai 2025
© A24 Films

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour le Festival de Cannes 2025. Et c’est l’heure de parler de Ari Aster, réalisateur de Hérédité et Midsommar.

Ari Aster est l’une des nouvelles coqueluches du cinéma indépendant d’horreur américain depuis Hérédité et Midsommar. Et même s’il a largement divisé avec son troisième film, Beau is Afraid, il est incontestablement le roi du malaise contemporain. Pour son quatrième long-métrage, le très attendu Eddington, il refait équipe avec Austin Butler. Le parfait combo pour glaner la Palme d’or de ce Cannes 2025 ?

Attention, ce papier peut contenir de légers spoilers !

ARI MASTER

De quoi ça parle ? Mai 2020 à Eddington, petite ville du Nouveau Mexique, la confrontation entre le shérif (Joaquin Phoenix) et le maire (Pedro Pascal) met le feu aux poudres en montant les habitants les uns contre les autres.

Et ça vaut quoi ? L’affiche teaser de Eddington (visible ci-dessous) reprend le diorama Sans Titre (Buffalos) de David Wojnarowicz. Selon le site de l’Art Institute of Chicago, il « illustre une méthode de chasse traditionnelle amérindienne consistant à rassembler les bisons des plaines vers des falaises, les forçant à plonger vers la mort » mais aussi une « analogie et critique acerbe » puisque « l’image incarne la tragédie de la pandémie [du Sida à l’époque, ndlr] et dresse un réquisitoire contre une nation en conflit avec elle-même ».

Impossible de ne pas comprendre le choix d’un tel visuel en ayant vu le résultat final. Toutes les intentions de Eddington se trouvaient finalement sous nos yeux, Ari Aster pensant avec malice et dans les moindres détails chacune de ses oeuvres. C’était particulièrement le cas de Beau is Afraid où les indices cachés pullulaient tout au long du périple de Beau, déjà incarné par un Joaquin Phoenix terrifié par le monde qui l’entoure.

Affiche teaser d'Eddington

Avec Eddington, Ari Aster continue à explorer cet horreur contemporaine, celle que nous vivons actuellement et plus spécifiquement les Etats-Unis à l’ère post-Covid. Le film commence ainsi doucement avec une satire amusante, voire hilarante, de la gestion de la pandémie dans cette petite ville du Nouveau-Mexique. Le shérif (Phoenix impérial de bout en bout) ne respecte pas la loi (il ne veut pas porter de masque, « il n’en a pas besoin » et en plus il est asthmatique), et ses conflits avec le maire, la police du comté voisin ou les habitants vont sonner le début du chaos.

Même si c’est indiscutablement le meilleur examen de la pandémie de Covid vu au cinéma, Eddington n’en reste pas moins légèrement poussif dans cette première partie. C’est souvent répétitif dans le propos, parfois même un peu barbant et à ce moment-là, Ari Aster semblait, pour la première fois de sa carrière, foncer dans un mur. C’était heureusement sans compter sa faculté à redresser la barre, prendre de court et enflammer une satire impertinente en véritable brûlot sans pitié sur l’état de l’Amérique (et du monde en général).

Joaquin Phoenix et Pedro Pascal dans Eddington
Le début des emmerdes

WORLD BE AFRAID

Difficile de décrire en seulement quelques lignes la densité de Eddington et de sa psychanalyse. Le film contient toujours les marottes d’Ari Aster, entre les « mommy issues » (voire « belle-mère issue » ici) ou sa fascination morbide pour les têtes (et corps) mutilées, mais il évoque aussi, pêle-mêle, le complotisme, le trumpisme, le racisme, le patriarcat, les agressions sexuelles, l’impact des réseaux sociaux sur la désinformation, l’endoctrinement (sous toutes ses formes), l’état catastrophique de l’offre politique (tout bords confondus) et, in fine, l’absurdité tragique de notre monde.

C’est sans doute un peu trop et certains personnages en pâtissent sévèrement (Emma Stone et Austin Butler notamment). Mais en vérité, sur les 2h30, c’est essentiel pour la montée crescendo de l’hystérie collective. Car si, dans un premier temps, le cinéaste raconte cette folie à travers une farce ultra-provocatrice, très politiquement incorrect, à l’humour noir féroce et grotesque, sa démonstration prend une tournure bien plus sombre et violente au fur et à mesure de l’enlisement progressif des personnages face à une situation devenue incontrôlable.

Joaquin Phoenix est complètement dingue

Le rire laisse ainsi d’abord place à l’angoisse à travers un thriller parano mortel (pas sans rappeler Pottsville, 1280 habitants de Jim Thompson) puis à la terreur dans un virage jusqu’au-boutiste hallucinant et imprévisible nous plongeant dans un jeu de massacre aux airs de western bourrin et carnage post-apo. Le geste est audacieux, intense, jubilatoire, flippant et, comme un revers de médaille, il divisera forcément (peut-être autant que Beau is Afraid, voire plus).

Pourtant, c’est aussi toute la force d’Ari Aster que de continuer à remodeler l’horreur au cinéma. Son terrain horrifique préféré n’est pas surréaliste ou fantastique, il est pleinement ancré dans notre réalité à travers nos angoisses (intimes et universelles). Il n’est plus question d’un simple mauvais rêve dont on peut se réveiller, mais d’un véritable cauchemar à ciel ouvert, avec lequel on joue (in)consciemment, qu’on observe sans broncher ou alimente volontairement. Si ça ce n’est pas de l’horreur…

Ça sort quand ? Le 16 juillet 2025 en grâce à Metropolitan Films.

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adrientafforet
adrientafforet
il y a 16 jours

Personne ne parle de grand film cependant…

Berlingo
Berlingo
il y a 18 jours

J’ai vraiment hâte de le voir, ça a l’air d’être le grand film noir américain de l’année. On peut les acc de tout, surtout le Hollywood mercantile et ses franchises attrape-nigauds… mais les américains restent les boss du grand film noir. Les asiatiques les talonnent. Et la est encore en train de se demander comment elle faisait dans les années 60/70, du temps de Melville et de Corneau.

dutch
dutch
il y a 18 jours

Pedro Pascal ne prends jamais de vacances ? 🙂

Monsieur Ari
Monsieur Ari
il y a 18 jours

Est-il encore possible de voir un film en 2025 sans Pedro Pascal dedans ? C’est le Pio Marmai version internationale.

adrientafforet
adrientafforet
il y a 18 jours

trop hâte!