jeux The Last of Us, et créateur et réalisateur sur la série, revient sur les choix d’adaptation de l’épisode 6 de la saison 2.
Face à certaines attaques plus ou moins violentes contre la série Craig Mazin, en plus d’en réaliser et écrire plusieurs épisodes.
Est-ce que ça veut dire que la série avec Pedro Pascal est parfaite, et qu’il était la seule personne capable d’adapter les jeux ? Absolument pas. Mais difficile de ne pas sentir qu’il aime et connaît profondément cette histoire, et ces personnages. C’est pour cette raison qu’il a choisi de réaliser l’épisode 6 de la saison 2, aux antipodes du segment qu’il avait réalisé dans la première saison (le deuxième épisode, qui dévoilait le monde hors de la zone de quarantaine, et les claqueurs).
C’est l’avant-dernier épisode de cette deuxième saison, sachant que le génial jeu The Last of Us : Part II sera au moins adapté sur la saison 3 – voire la saison 4, si jamais ils décidaient d’étirer jusque là. Et c’est un moment majeur pour l’histoire d’Ellie, où Neil Druckmann et ses co-scénaristes ont pris quelques libertés, évidemment.
ATTENTION SPOILERS !
CE MOMENT MAJEUR DE THE LAST OF US 2
Pour la saison 1, Neil Druckmann avait choisi de réaliser l’épisode Infectés, écrit par Craig Mazin. Pour la saison 2, il souhaitait faire autrement, comme il l’a expliqué à Deadline :
« Cette fois, je voulais faire un épisode où j’étais co-scénariste, contrairement au deuxième épisode de la saison 1 que Craig a écrit. J’étais intrigué à l’idée de faire un épisode qui était centré sur le drame, et sans « action », ce qui est un peu l’opposé de l’épisode que j’avais réalisé la dernière fois, et qui était centré sur la tension et l’action. C’était l’introduction des claqueurs. Mais vraiment, ce qui m’a aidé à décider, c’est le contenu. (…) On va au cœur des thématiques de l’histoire, particulièrement dans la scène sous le porche, qui remonte à la fois dans le temps jusqu’à l’épisode 1 et qui indique où va la série dans le futur. Tout peut être ramené à cette conversation. Donc j’aimais qu’il y ait des enjeux si forts. »
Cette scène sous le porche est effectivement majeure dans le deuxième jeu. C’est l’ultime flashback, qui intervient à la toute fin de l’histoire, quand Ellie rentre chez elle pour découvrir que Dina est partie. À ce moment, elle a à peu près tout perdu, y compris la possibilité de jouer de la guitare – son dernier lien symbolique avec Joel. Et c’est là qu’elle repense à cette discussion avec lui, qui aurait dû être le début d’un nouveau départ. Mais qui s’est révélée être leur dernier moment paisible ensemble.

Neil Druckmann a co-écrit ce sixième épisode intitulé Le Prix avec Craig Mazin et surtout Halley Gross, sa co-scénariste sur le jeu The Last of Us : Part II. Et il explique comment ils ont décidé de réorganiser les flashbacks, éparpillés dans le jeu The Last of Us 2, pour les rassembler dans cet épisode :
« Quand les gens posent des questions sur les changements entre le jeu et la série, souvent, la réponse est : c’est la différence de médium. Dans le jeu, quand on vit un de ces flashbacks qui sont bien plus étalés à travers l’histoire, ils ne sont pas consolidés de cette manière. Par exemple, celui du musée, c’est quelques minutes dans la série, mais dans le jeu ça pourrait être proche d’une heure si vous explorez chaque recoin. (…) Si on avait pris les scènes qu’on a écrites pour cet épisode, et qu’on les avait étalées dans toute la saison, ça aurait créé quelque chose qui aurait eu un effet négatif je pense.
Premièrement, je ne sais pas si ça aurait marché, parce qu’ils sont relativement courts. Deuxièmement, Joel ne nous aurait peut-être pas encore assez manqué si on les avait éparpillés au fil des épisodes. On s’est dit que ça allait avoir beaucoup plus d’impact si on les réunissait tous, et qu’on les voyait les uns à côtés des autres, pour sentir que la relation se détériore. J’étais également inquiet que les épisodes respectent une sorte de schéma. Ça allait devenir, « Ok, c’est quoi le flashback de Joel cette semaine ? ». »
Chez Variety, Neil Druckmann ajoute une autre raison pour avoir placé cette scène sous le porche dans l’épisode 6, beaucoup plus tôt que dans le deuxième jeu :
« C’est la première fois que je pensais réellement au temps entre les saisons. Beaucoup de choses dans l’écriture sont une question de préparation / paiement, et on aurait préparé certaines choses qui auraient payé des années après. Ça semblait trop long, surtout avec cette saison qui est centrée sur le voyage d’Ellie. (…) Attendre des années avant que la saison 3 arrive, ou peut-être même la saison 4, ça dépendra de comment tout ça se e et combien de saisons on a… Craig m’a facilement convaincu que ce serait trop long. »

UNE IDÉE D’EUGENE
Chez Variety, Neil Druckmann revient sur une autre différence avec les jeux : la manière dont Ellie découvre la preuve que Joel a menti sur les événements dans l’hôpital des Fireflies.
« On voulait que dans cet épisode, Ellie découvre pour de bon que Joel a menti. Dans le jeu, on l’a fait autrement, elle retourne jusqu’à l’hôpital et trouve des documents. On s’est dit que ça allait être tiré par les cheveux dans la réalité de ce monde vu tous les dangers qu’il y a comparé au jeu. Mais aussi, regarder des papiers et explorer l’espace, je ne sais pas si c’est assez captivant dans une série. Le moteur de la série est un peu différent de celui d’une expérience interactive. Donc ça a fini par nous mener à toute la séquence avec Eugene. »
Dans le jeu, Eugene est un simple nom mentionné dans une discussion au début du jeu, puisque c’est lui qui a secrètement installé une planque où il fait pousser du cannabis, et où Dina et Ellie se réfugient durant la tempête de neige. Dans la série, sa femme, interprétée par Catherine O’Hara, apparaît plusieurs fois : c’est la psy (alcoolique) (et blasée) de Jackson. Elle avait évoqué dès le premier épisode la responsabilité de Joel dans la mort de son mari, et l’épisode 6 dévoile ce qui s’est réellement é.

Là encore, il y a eu beaucoup de débats et de tentatives avec les co-scénaristes Craig Mazin et Halley Gross :
« Il y a eu des versions avec beaucoup d’action, de combat et d’infectés, et des versions beaucoup plus petites. Ça ait de moi à Halley à Craig, de moi à Halley à Craig. Pendant longtemps, ça ne semblait pas fonctionner, jusqu’à ce qu’on arrive à Joel qui mente à Ellie à propos de la mort d’Eugene. Et là, tout a semblé marcher. D’un coup, c’était : Ah, VOILÀ comment elle le saura. (…)
Parfois on peut se dire qu’un mensonge est mieux que la vérité, non ? Mais pour Ellie, ce n’était pas le cas, à cause de tout ce qui s’est é avant, parce qu’elle a vu qu’il a trahi sa confiance. Ça allait au-delà de ce moment, ça signifiait que tout ce qui l’inquiétait, la culpabilité d’avoir survécu dans la saison 1, le besoin de justifier la mort de Riley, de Tess, de Henry, de Sam, de tous ces gens, pour que quelque chose de bien en ressorte au final… C’est presque là qu’elle réalise que rien de bien n’en est ressorti. Ce n’est pas entièrement vrai, mais c’est comme ça qu’elle le ressenti. »

Autre petites miettes intéressantes lâchées par Neil Druckmann : ils ont tourné des scènes dans le musée des dinosaures qui ont finalement été coupées ; et Catherine O’Hara a improvisé le moment où elle demande à Joel de s’éloigner d’elle presque en chuchotant, puisque le réalisateur lui avait demandé de hurler sa réplique après l’avoir giflé.
La saison 2 de The Last of Us se terminera avec l’épisode 7, diffusé en sur Max le 26 mai. Et on en reparlera évidemment en long, en large et en travers, avec des articles et probablement un épisode de notre podcast. Parce que oui, Ecran Large a un podcast, qui s’appelle La Réu’.
« Quand les gens posent des questions sur les changements entre le jeu et la série, souvent, la réponse est : c’est la différence de médium. »
Comme quoi, c’est pas toujours une bonne idée d’adapter. Effectivement, il y a des spécificités à chaque mediums, dans les outils que chacun offre pour raconter quelque chose. Un film La Maison des Feuilles devrait forcément être délaissée de la partie littéraire et mise en page du bouquin, pleinement lié à l’expérience et la narration.
C’est pareil pour The Last of Us. J’ai lâché la série, pas qu’elle soit mauvaise (mais très imparfaite), cependant ayant fait les jeux, je vois juste qu’elle fait quasiment tout systématiquement moins bien. Et je ne vois aucun intérêt à revivre une sous-version de ce que j’ai déjà joué.
J’aurais tendance à dire que si la série vous plaît que vous n’êtes pas joueur; essayez malgré tout les jeux. C’était pas parfait non plus, c’est autrement mieux construit, cohérent et impactant. La série est loin d’égaler l’expérience d’origine.