L’épisode 6 de la saison 2 de The Last of Us est arrivé, et c’est peut-être le meilleur de la saison (voire de la série).
ATTENTION : SPOILERS
Après le très gros coup marqué par le fameux deuxième épisode qui voyait mourir Joel dans d’horribles circonstances, l’une des craintes du public (ou, au moins, de la personne qui écrit ces lignes) était que la saison 2 de The Last of Us ait déjà grillé son clou du spectacle, et que le reste des épisodes semble bien pâle en comparaison.
Mais c’était sans compter sur le talent de Pedro Pascal (oui oui).

(Pas très) joyeux anniversaire
La fin de l’épisode 5 le laissait deviner : l’épisode 6 est essentiellement un flashback, chose qui est confirmée d’entrée de jeu alors qu’on retrouve Joel et Ellie dans leur maison de Jackson. Ce retour à l’époque du vivant de Joel est l’occasion, à travers le récit de différents moments partagés entre les protagonistes au cours des années précédentes, de combler le vide laissé volontairement par la série juste après la mort de Joel. Dans l’épisode 3, on retrouvait Ellie plusieurs mois après le drame, laissée avec toute la colère qu’il en restait.
Mais qu’en était-il réellement du deuil, de la tristesse, et de la prise de conscience de ce qu’elle avait perdu ? La série avait é ça sous silence et avait, quelque part, privé autant le spectateur qu’Ellie de son deuil. Mais c’était pour mieux lui permettre de s’épanouir ici, non pas de manière frontale en montrant Ellie pleurer toutes les larmes de son corps au lendemain du meurtre, mais plutôt à travers l’exploration du squelette de la relation qui unissait le père et la fille de substitution. On le savait, au début de la saison, la relation en question n’était pas au beau-fixe.

Ellie faisait sévèrement la gueule à Joel, qui essayait tant bien que mal de se rapprocher d’elle. Est-ce qu’Ellie faisait une bête crise d’adolescence, est-ce qu’elle soupçonnait encore Joel d’avoir menti sur le massacre de Salt Lake City, ou y avait-il une autre raison mystérieuse ? L’épisode 6 nous répond : tout ça à la fois. Et toutes ces choses n’en formaient, en fait, qu’une seule. On le comprend à travers un épisode presque triptyque, dont les trois grands moments s’articulent autour de trois anniversaires d’Ellie, celui de ses 15 ans, de ses 16 ans, et enfin de ses 17 ans.
L’épisode prend la température de la relation père-fille dans ces années charnières à la lumière de ces trois étapes, partant d’une époque plus insouciante à laquelle l’amour des deux protagonistes se suffit à lui-même (on a notamment droit à une très jolie séquence qui retranscrit le fameux age dans le musée abandonné du jeu), puis en allant vers le temps de l’indépendance et de la remise en question.
Et si mon père n’était finalement pas ce héros ? Si tout le monde en vient un jour à réaliser que ses parents sont des êtres humains comme les autres, les choses sont un peu plus violentes quand on est Ellie, à savoir une jeune fille qui a fait de son mieux, jusque-là, pour croire le mensonge de son père qui lui avait juré que non, il n’avait pas massacré des dizaines de gens pour les empêcher de créer un vaccin à partir d’elle.

Ça m’Eugene un peu quand même
Comme il l’explique, Joel savait que ce jour arriverait, et même s’il essaye désespérément de retenir encore la petite fille qui n’en est plus une et qui lui échappe, c’est comme si le personnage ettait qu’il était temps que tout ce qu’on (le spectateur aussi) peut avoir à lui reprocher lui éclate à la figure. Le problème, c’est qu’il n’imaginait pas qu’Ellie en serait autant la victime, et il s’en rend compte au travers du symbole du papillon que sa fille dessine un peu partout.
Ce qu’il espérait être un symbole d’espoir révèle en fait que la jeune fille a conscience, à un certain degré, de tracer une route marquée dès le début par la mort. Comment peut-elle, à partir de là, vivre la vie que Joel espérait pour elle ? L’homme n’ose sans doute pas s’avouer qu’il a tué cet espoir dans l’œuf sans le vouloir. Comment un acte commis par amour pourrait-il être aussi mauvais ? Mais l’un des coups de génie de l’épisode est de réussir à parler de tout ça en profondeur sans pour autant s’enliser dans des dialogues explicatifs qui ressasseraient toujours le même é.

Au contraire, l’idée est de faire renaître tout ce qui oppose Ellie et Joel au sein d’un nouveau dilemme qui n’existe pas dans le jeu. Celui-ci met en jeu le fameux Eugene (Joe Pantoliano) rapidement évoqué dans le premier épisode de la saison au cours d’un dialogue entre Joel et la psy de Jackson, où cette dernière lui reproche la mort de son mari.
Dans ce age à la tension parfaite, où le spectre et la crainte des infectés deviennent plus puissants que les infectés eux-mêmes (autre coup de génie qui répète, mais de façon beaucoup intéressante, que la vraie violence vient des humains), Joel réitère ses erreurs, persiste et signe dans ses défauts, précisément ceux qui font du mal à Ellie et qui sont révélateurs du mensonge dans lequel il tient l’adolescente depuis trop longtemps.
Le problème posé par Joel n’est pas qu’une (énorme) erreur ée, il est quelque chose de structurel dans la relation de l’homme et de sa fille, et c’est la raison pour laquelle Ellie sent qu’elle ne pourra peut-être pas le surmonter. Si le premier anniversaire était une démonstration d’amour, le deuxième sera celui du doute, et le troisième celui de la rupture. Mais au sein de cette structure globale en trois temps, l’épisode va intriquer une écriture en miroir ionnante, qui va continuellement mettre des éléments en résonance les uns avec les autres pour qu’ils prennent tout leur sens.

Miroir miroir
Au sein de l’épisode-même, cette écriture concerne des éléments “mineurs” (dans la place qu’ils prennent dans l’histoire) comme l’amélioration du gâteau d’anniversaire d’une année sur l’autre, un sous-entendu de la part d’Ellie sur son homosexualité qui devient plus tard une sorte de coming out, ou le motif du papillon qui est d’abord un dessin gravé par Joel sur la guitare d’Ellie et qui devient ensuite le symbole de leur incompréhension mutuelle. Il y a aussi la révélation du fait que Joel a connu une enfance violente, qui ouvre l’épisode à un certain niveau, et qui le conclut avec une compréhension bien supérieure et plus émouvante du problème.
Mais l’épisode manie aussi l’effet du miroir à plus grande échelle : c’est le cas pour toute la (encore une fois très belle) séquence autour d’Eugene qui répond à ce qu’on devinait du tourment d’Ellie dans le premier épisode, et qui vient réactualiser tout le problème en pratique, rendant par la même occasion inutile l’explication que la jeune fille cherchait à obtenir par le dialogue. Dialogue qui se résume finalement au “Tu me l’avais juré” à double sens jeté à la tête de Joel, qui comprend en silence que sa fille fait référence à deux promesses, de deux époques différentes, et qui sont finalement un peu la même.

La leçon que la jeune femme en tire, c’est que Joel et elle ont une conception différente de la vie elle-même, ce qui est dû au fait que Joel a connu le monde d’avant alors qu’Ellie est née post-apocalypse. Et ce n’est pas forcément réconciliable, dès lors qu’on n’est plus une petite fille maintenue dans l’illusion du rêve comme dans la capsule spatiale du musée. Par ailleurs, l’épisode est aussi une réponse à une question posée dans le précédent : lorsqu’Ellie torture Nora, on pense que la WLF apprend à l’héroïne le mensonge de Joel pour la première fois.
Or, Ellie répond qu’elle était déjà au courant. Est-ce qu’elle bluffait, avouait avoir compris seule, ou est-ce que Joel lui avait bien avoué ses torts hors-champ ? Tout se met en place dans l’épisode 6, qui vient combler ce trou béant du récit soigneusement évité dans le premier épisode, et qui n’arrive que lorsqu’on est enfin prêt à écouter. Ce qui renvoie là aussi à la construction du jeu The Last of Us : Part II.

Et tout le sujet de cette histoire qui accumule les effets de miroir est justement de “préparer” le spectateur, certes en suivant le principe basique de scénario appelé “préparation / paiement” (ou “set-up payment”) qui consiste à annoncer une thématique ou une action a priori anodine, puis à la résoudre plus tard en lui donnant une importance insoupçonnée. Cet épisode 6 est en fait le “paiement” de la “préparation” représentée par l’épisode 2, qui montrait la mort brutale de Joel, mais vidée de sens et de substance pour se concentrer sur le choc des faits.
L’épisode 6 assemble les pièces du puzzle, replace le contexte de l’état de la relation entre Joel et Ellie à la veille de la mort, et permet enfin de dire les choses et de panser (un peu) les plaies. C’est enfin le deuil qu’on attendait, plus déchirant mais aussi plus beau que jamais, et qui donne enfin à Joel l’adieu qu’il méritait.
« réalisé par Neil Druckmann lui-même, co-écrit avec Halley Gross (sa co-scénariste sur le deuxième jeu), et toujours excellemment porté par Pedro Pascal (oui oui). »
Le co-créateur du jeu, sa co-scénariste, 2 acteurs formidables, un bon guest (le trop rare Pantoliano): ceci est explique peut être cette réussite.
si un jour vous faites une Réunion Écran Large sur les meilleurs épisodes de série de l’histoire (un appel du pied…), cet épisode devrait figurer dans le Top 5…
Étrange idée que de faire er Joël pour un véritable enfoiré.
Quelle utilité il y a t’il de le faire tuer Eugène?
J’avais dit en commentaire d’un autre épisode que la série, aussi bonne soit-elle, ne me ferait jamais ressentir des émotions aussi fortes que le jeu vidéo … on n’y est pas encore mais j’avoue que cet épisode m’a retourné, ce « when it’s your turn, I hope you do a little better than me » m’a massacré
Spoil énorme au bout de 3 lignes d article. Vous êtes vraiment des tocards…
Pureetj’ai chiallé comme un gosse. Enorme épisode !
Épisode flash Back sur JOËL et ÉLLIE. Elle sait qu’il a menti pour la sauver. Épisode fort en l’émotion à vous faire lacher une petite larme.
La perfection n’existe pas, mais cet episode est aussi bon qu’il est possible de l’être : retranscrire les émotions des cinématiques Joel-Ellie, c’est déjà très fort. Mais les ajouts propres à la série amènent un niveau d’émotion et de lecture qui rehausse encore, tout en restant subtile !
la (fameuse) scène du porche c’est… pffou.. c’est même plus fort que celle du jeu (et dieu sait qu’elle était très belle)
Oui, cet épisode est un bijou !
Un sublime épisode, tant dans sa narration, son jeu, son émotion.
Il fait parfaitement le lien et le liant entre les épisodes et événements précédents.
Pedro Pascal et Bella Ramsey étaient très bons.
Judith Beauvallet a parfaitement résumé cet épisode. Effectivement, en terme de narration et d’écriture, c’est un veritable bijoux. Tous les événements sur une chronologie aussi dense, et dans les moindres details, s’imbriquent et se répondent. Et quel plaisir de revoir Pedro Pascal reformer son duo avec Bella Ramsey. Ils sont tous les deux exceptionnels – une fois de plus.
Sans doute le meilleur épisode de cette saison depuis le numero 2.