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Les Looney Tunes ent à l’action : l’anti-Space Jam qui a viré au désastre

Par Prescilia Correnti
15 mai 2021
MAJ : 21 mai 2024
Les Looney Tunes ent à l'action : Affiche américaine

Sortis en 2003, ces Looney Tunes étaient dans la lignée que Space Jam, du moins en théorie. Oublié de tous, le film de Joe Dante ne mérite t-il pas d'être réhabilité ?

N’est-ce pas un petit plaisir de savoir que les films qui ont bercé notre enfance résistent à l’épreuve du temps ? On aimerait que ça soit le cas de la plupart de nos longs-métrages adorés, mais ce n’est pas toujours vrai. Space Jam. Pourtant, personne ne se rappelle du malheureux Looney Tunes. À l’époque de sa sortie, tout le monde lui a tourné le dos.

Véritable échec commercial, mais également échec critique, le film de Michael Jordan a été canonisé en tant que chouchou des nostalgiques, tandis que Les Looney Tunes ent à l’action a largement été oublié de tous les esprits. Alors, comment expliquer un tel engouement pour Space Jam, et pas pour Les Looney Tunes ? Et bien, c’est ce qu’on va essayer de comprendre.

 

photo"Et z'est parti" 

 

LE RETOUR DE LA MOMIE

On va rapidement mettre ça au clair : d’accord, l’histoire des Looney Tunes peut paraître maigrelette et faiblarde au premier coup d'oeil. Écrite par Joe Alaskey) exige de Warner Bros qu'il ait son propre dessin animé.

Pas assez populaire puisque ses fans sont comparés à des "gros vivants dans les sous-sols", Daffy est licencié. On retrouve ensuite notre bien-aimé Brendan Fraser en tant qu'agent de sécurité - cascadeur à ses heures perdues - en charge d’escorter Daffy en dehors des studios de la Warner. C’est sans compter sur la ruse de Daffy qui va alors s’échapper, voler la Batmobile et l’écraser sur l'emblématique Water Tower de Warner Bros, ce qui entraîne le licenciement de Drake. Tout ça en même pas cinq minutes.

 

photoC'est forcément la faute au canard

 

Brendan Fraser, alias DJ, rentre chez lui et découvre par le plus pur des hasards (et grâce à Daffy) un message vidéo expliquant que son père Damian (Jenna Elfman), cadre chez Warner Bros., sont envoyés pour réembaucher Daffy (alors que Kate a elle-même été licenciée), car les routines de Bug tombent à plat sans lui.

Les deux duos finissent par se retrouver et se lancent dans une folle course au diamant contre tous les "méchants" des Looney Tunes - Sam le pirate, Elmer Fudd, Taz... -  et le chef diabolique de l'Acme Corporation, M. Chairman (Steve Martin). Pour autant, Les Looney Tunesc’est bien plus qu’une chasse au trésor, avec un diamant unique. C’est une parodie du cinéma, une satire de Warner, racontée avec un tel aplomb de sarcasme que c’est en déconcertant et terriblement drôle. C'est stupide, autoréférentiel, si créatif qu'on mentirait en disait que ce n'est pas un coup de génie.

 

photoLa chasse aux gros bonnets

 

UNE AUTO-PARODIE SALÉE

Le film des Looney Tunes va en réalité s’apprécier à différents niveaux de lecture. Quand on est enfant, on va rire devant la parodie (minable, mais si drôle) de Bugs Bunny façon Psychose, de l’hyperformance trop guindée de Steve Martin ou encore de toutes les mauvaises aventures que va subir ce pauvre Daffy. À présent qu’on est plus avisé (du moins on l’espère), on rit de toutes ces références qui se ent en périphérie de l’intrigue : notamment de l'autoparodie de Brendan Fraser lorsque celui-ci, au détour d'une une conversation avec Daffy sur son métier de cascadeur explique : "Vous vous souvenez de tous ces films de la momie ? J'y joue plus que Brendan Fraser !"

Dans le long-métrage, tout est sujet à l'autoparodie. Brendan Fraser se moque de sa réputation du début des années 2000, puisque son personnage, D.J., est en fait censé être la doublure du "vrai" Brendan Fraser, tandis que Scooby-Doo).

 

photoSeule fois où vous les verrez énervés

 

Comment décrire le style comique des Looney Tunes ent à l'action ? C'est drôle, mais décalé. C'est intelligent, mais suffisamment stupide pour plaire aux directeurs de studios. La réponse : c'est loufoque. Cette esthétique comique est l'une des plus difficiles à comprendre. Tout semble un peu bordélique, comme si l'écriture bégayait, et cherchait à créer cette énergie.

Les artistes à l'origine de cette loufoquerie, Spider-Man), se délectent des scissions et des failles. Ils essaient désespérément de faire er le plus de blagues possible dans un laps de temps de 10 secondes. Peu importe si le matériel sur lequel ils travaillent est naturellement drôle. L'acte même de brouiller et de juxtaposer nous fait rire, quoi qu'il en soit. 

La beauté des Looney Tunes ent à l'action ne réside pas seulement dans les personnages des Tunes, mais aussi dans les personnages humains idiots (le méchant peu convaincant de Steve Martin, les héros de séries fades d'Elfman et Fraser) qui contrebalancent très bien les personnages de dessins animés à l'âme authentique. Nous sommes conscients de l'artifice du film, et il en est d'autant plus riche. En conséquence, le long-métrage est moins sentimental que Roger Rabbit (au détriment de la bonne performance de Bob Hoskins) et moins gimmick que Space Jam. Au fur et à mesure que le dénouement approche, Looney Tunes glisse lentement mais sûrement dans la zone des films injustement incompris. 

 

photoLa Belle et la Bête

 

UNE ODE À L’ANIMATION ET AU CINÉMA

Pourtant, Les Looneys Tunes n’a pas à rougir. Il est réalisé par Simpson et collaborateur du New Yorker, qui soutient son sens aigu de la réalité, Dante a tout le matériel nécessaire pour faire briller son film. Quoi qu'il en dira plus tard, il le fait bien.

S'il est vrai qu'il a eu beaucoup de mal à réaliser le film - Dante a décrit l'expérience comme "l'année et demie la plus longue de ma vie" à cause des cadres du studio qui ne comprenaient pas les personnages ou la comédie -, cela ne se reflète pas à l'écran. Au lieu de cela, il fait son travail comme il se doit et rend un hommage affectueux à l'âge d'or de l'animation, aux Tex Avery et d’autres. Pour les enfants qui ont grandi en regardant ces émissions, c’est un réel plaisir. 

 

photoRègle numéro 1 : le canard a toujours raison 

 

Le film préserve les personnalités classiques des Tunes, rappelant au public leurs célèbres courts-métrages et émissions de télévision. Daffy est agaçant, malchanceux et ridiculement ambitieux. Bugs est intelligent et insolent, et le reste de la bande - qui comprend Wiley Coyote, Sylvestre et Titi, Porky, Marvin le Martien, Taz, et bien d'autres encore - semble être tout aussi fidèle. 

Certes, ils ont un peu moins à faire ici que dans Space Jam puisque l'histoire se concentre sur Daffy et Bugs et les personnages humains, mais ils ont tous leurs moments pour briller. Le Diable de Tasmanie est particulièrement drôle, surtout quand on sait qu'il a été interprété par Brendan Fraser. Décemment, on ne peut que l’aimer, parce qu'il est partout.

Le genre de l’animation n’est pas le seul à être mis en avant : la science-fiction, notamment, a également son moment de gloire. Rappelez-vous, c’est durant cette séquence totalement burlesque au coeur de la Zone 52 (ne pas confondre avec la fausse Zone 51) qu’une explosion intervient et que de nombres monstres et aliens célèbres du cinéma sont relâchés. De Robbie le Robot de Dick Miller.

 

photoUne bonne machine à pop corn somme toute

 

ARRESTED DEVELOPMENT

Pour comprendre comment et pourquoi Les Looney Tunes a été un échec si cuisant, il faut revenir en 1996, à l’époque de la sortie de Michael Jordan

Quand un film fait autant de recettes que Space Jam, il y a forcément une suite. Mais les plans pour faire Space Jam 2 ont fini dans les limbes. Finalement, le projet a été repensé sous le nom de Spy Jam, avec Jackie Chan en vedette.  Lorsqu'il s'est désisté, le projet a pris une autre direction. Après que le projet ait é des années dans les limbes du développement, on a demandé à Joe Dante de le réaliser. 

 

photo, Bill Murray, Michael JordanLa meilleure équipe de basket

 

Tout d'abord, Warner Brothers n'a pas vraiment fait la promotion du film.  De nombreux spectateurs ne savaient même pas que le film était destiné à faire suite à Space Jam. De plus, malgré la popularité de ce film, les fans des Looney Tunes qui avaient été déçus par Space Jam ont pu être réticents à l'idée d'essayer un autre film de Looney Tunes sept ans plus tard.  D'un point de vue créatif, il a été rapporté que Dante était en conflit avec le studio qui avait appris la leçon en donnant au réalisateur un contrôle créatif total sur Gremlins 2 - La Nouvelle Génération.

Dante, qui a dirigé Hurlements, est un homme qui aime le cinéma et les dessins animés. Il était donc un excellent choix pour réaliser un film des Looney Tunes.  Auparavant, Dante s'était vu proposer Space Jam et l'avait refusé. Lorsqu'on lui a proposé de réaliser le prochain film des Looney Tunes, il a signé en pensant que c'était sa chance de faire l'anti-Space Jam. Lui et le scénariste Larry Doyle ont conçu Les Looney Tunes ent à l'action comme un hommage aux dessins animés classiques qu'ils aimaient.

Malheureusement, le réalisateur va vite déchanter. Joe Dante arrive à la réalisation et clairement, ce n'est pas la joie dans les studios. "Je faisais un film pour eux avec ces personnages, et ils ne voulaient rien savoir de ces personnages", a déclaré Dante. "Ils ne voulaient pas savoir pourquoi Bugs Bunny ne devrait pas faire de hip-hop. C'était une expérience assez sinistre tout autour."

 

photoDiaboliquement drôle

 

LE BOX-OFFICE

Avec un budget d'environ 80 millions de dollars, le film n'a rapporté que 68 millions de dollars dans le monde entier. Les causes de l'échec du film en salles sont multiples. Sur le front des films familiaux, Les Looney Tunes ent à l'action a été pris en sandwich entre les sorties de Love Actually

Les Looney Tunes ent à l'action restera 11 semaines à l'affiche. Il terminera sa carrière en salles avec un total de 20,9 millions de dollars sur le territoire américain, 47 millions de dollars à l'international et 68 millions de dollars au niveau mondial. En comparaison, Space Jam finissait avec 240 millions de dollars au box-office mondial. Il convient également de noter que ce film est sorti le même mois qu'un autre film de Warner Bros., Matrix Revolutions, pour lequel le studio a investi davantage de fonds publicitaires.

 

photoBugs Bunny contre attaque

 

Le film n'a fait l'objet que d'un minimum de promotion, se limitant à des publicités avec les partenaires promotionnels du film (Walmart, Sprint, McDonald's, Aflac, entre autres) et très peu de publicités télévisées. De même, très peu de produits dérivés directement basés sur le film ont été commercialisés, à l'exception de jouets fabriqués par Mattel, d'une novellisation junior et d'un ornement Hallmark Keepsake, entre autres.

Le fait est que les mauvais résultats du film au box-office ont découragé Warner Bros. de sortir les nouveaux courts-métrages Looney Tunes et Tom and Jerry ont annulé ceux en cours de production. Les mauvais résultats au box-office ont également incité Cartoon Network à retirer les courts métrages Looney Tunes originaux de sa programmation en octobre 2004,  ils ne reviendront pas avant janvier 2009. En tout point, Les Looney Tunes est une occasion manquée. Dire que le film est sous-estimé serait un euphémisme. Et c’est dommage.

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Geoffrey Crété
Geoffrey Crété
il y a 4 années

@brucetheshark

Visiblement rien, effectivement. Ca arrive de déraper et mélanger des expressions.

brucetheshark
brucetheshark
il y a 4 années

Mon commentaire a disparu… Mais je me demande toujours ce que veut bien dire « s’est éteinte la fleur dans l’âme ? »
Merci de votre réponse

Pat Rick
Pat Rick
il y a 4 années

Un film très sympa, plus réussi que Space Jam.

Toon island
Toon island
il y a 4 années

Un grand classique avec space jam et Roger rabbit

Gregdevil
Gregdevil
il y a 4 années

Ça reste sympa à voir avec ses enfants, dommage que Daniel n’est pas eu le contrôle sur le film, malgré tt il distille des tas de reference aux cinéma tt le long du métrage.

Krakenstein
Krakenstein
il y a 4 années

La poursuite dans le Louvre, c’est une virtuosité en terme d’inventivité mais tout le reste est vraiment pas bon quoi ; aujourd’hui, c’est même plus un plaisir coupable pour moi

Tu veux voir un film qui rend vraiment hommage aux Looney Tunes alors qu’ils sont pas les héros principaux ? Regarde Gremlins 2

Ray Peterson
Ray Peterson
il y a 4 années

Même si le contrôle du film lui a échappé, Dante réussi quand même à sortir ça et là de vrais moments de cinéma ludique et intelligent. La scène où les héros ent d’un tableau à un autre en revivant les différentes périodes des peintres sur la musique de « Promenade » issu des « Tableaux d’une Exposition » de Moussorsky relève du pur génie! Joe Dante revient steuplé.