Ultimate Inva… non ?
L’un des plus gros attraits du projet est finalement un pur accident, puisque Jonathan Hickman a repris presque à zéro le travail de Donny Cates, atteint d’amnésie après un grave accident de voiture. Au fil des années, le scénariste s’est construit une réputation de star chez Marvel, avec notamment le superbe Secret Wars de 2015 (qui devrait inspirer le MCU) ou dernièrement son relaunch cérébral des X-Men en 2019.
Aux dessins, le talentueux Bryan Hitch est de retour aux commandes, et on se croirait presque revenu au bon vieux temps des années 2000 et de la série Ultimates. Au vu du titre, on pouvait légitimement s’attendre à un retour de l’univers Ultimate et de ses héros, presque 10 après la fin de la ligne. Pourtant, Ultimate Invasion décide de prendre complètement à revers ses lecteurs.
Ladite invasion a bien lieu, mais elle est bien plus insidieuse que prévu. On suit donc le Créateur, le Reed Richards maléfique de l’univers Ultimate, prenant le contrôle d’une dimension inconnue, la Terre-6160. Son but ? Façonner ce nouveau monde à son image, en éliminant la quasi-totalité des super-héros avant qu’ils n’émergent.
La bonne idée de ce récit est donc d’abandonner la grosse baston attendue, au profit d’une histoire plus philosophique et posée, mettant la ionnante figure du Créateur au centre de l’attention. Cet antagoniste a toujours eu quelque chose d’intrigant en tant que héros déchu, et ce qu’il présente comme sa mission est aussi un reflet de ses obsessions et de sa solitude.
Le résultat de ce choix créatif, c’est qu’Ultimate Invasion n’a pas grand-chose du crossover que Marvel avait vendu. Et, pour tous les nostalgiques qui attendaient avec impatience le retour de l’ancien univers Ultimate, il faudra er son chemin. Pourtant, avec ce canevas vierge, qui n’a presque aucune attache avec l’encombrante continuité principale, c’est un bol d’air bienvenu.
Évidemment, la présence du Créateur, des Illuminati et de plusieurs figures revisitées des comics Marvel rappellent les racines de cette relance. Mais, en se détachant rapidement de ses origines, Ultimate Invasion est une parfaite introduction, autant pour les nouveaux lecteurs que les anciens, sublimée par Jonathan Hickman.
Hickman-gicien
Pour rendre cet event palpitant, il fallait bien sûr compter sur la plume experte du scénariste. Hickman est un bâtisseur, qui construit sur du long terme, et on sent bien que ce récit n’est que la première pierre de quelque chose de plus grand. Un élément qui le rend à la fois frustrant et excitant, surtout à la découverte de nouvelles dynamiques amusantes (qu’on ne spoilera pas ici).
Ultimate Invasion alterne donc entre de longues (parfois trop) discussions métaphysiques, souvent assez hypnotisantes, et quelques scènes d’action mandataires pour rythmer le récit. Mais, comme souvent, c’est dans les dialogues qu’on retrouve toute la force d’Hickman, comme lorsqu’il confronte de manière faussement anodine les deux derniers rescapés de l’univers Ultimate, le Créateur et Miles Morales.
Ces bavardages incessants pourraient alourdir considérablement l’histoire. Ils le font, quelques fois. Mais en plaçant le Créateur, personnage qu’il s’est complètement approprié, au cœur de cette réalité naïve, Hickman a encore une fois trouvé un génial paradigme qui agit comme le pilier de sa narration. La confrontation entre ces héros, presque nouveau-nés, et ce voyageur multiversel fatigué mais porté par un rêve fou est fascinante, et assez unique.
Le scénariste développe une histoire complexe, cachée derrière le prétexte du crossover bourrin. Ultimate Invasion est à ce titre sans doute son plus beau pied de nez, même si sa durée de seulement 4 numéros est insuffisante pour pleinement en profiter. Néanmoins, au milieu de la myriade d’évènements sans âme qui occupent la vitrine de la Maison des Idées, ce retour à une simplicité feinte augure un nouvel âge d’or sous la bannière Ultimate.