Réinventer le Punisher
Aux États-Unis, l’image du vétéran reconverti en tueur de masse de truands a inspiré nombre de réactionnaires. Parmi ces figures, certaines appartiennent même à l’armée ou aux forces de l’ordre, ces derniers associant parfois le crâne blanc du Punisher au mouvement Blue Lives Matter – soit « la vie des policiers compte », un slogan controversé opposé à Black Lives Matter. Évidemment, cette réappropriation d’une icône (et marque) de Marvel gêne assez l’éditeur depuis quelques années.
C’est la raison pour laquelle les récentes séries sur Frank Castle vont revisiter son apparence, son logo et ses couleurs, voire carrément son rapport à ses adorateurs – tout particulièrement les policiers. Et Punisher T01 : retour sanglant, sorti en 2011 aux États-Unis, entame avec brio cette réflexion autour du personnage. De fait, plutôt que de suivre Frank Castle dans sa traque de criminels, la narration adopte le point de vue de ses ennemis, alliés occasionnels ou personnes ant dans sa vie.
Cette manière d’aborder la mythologie du Punisher, Greg Rucka et Michael Lark l’avaient déjà expérimenté avec Batman dans Gotham Central, un récit ionnant suivant le commissariat de Gotham City (et qui a inspiré la série Gotham). La recette a été concluante chez DC, elle l’est aussi chez Marvel.
Le Punisher sans héroïsme
Dans tous les sens du terme, le Punisher n’est donc pas le héros de cette aventure en 12 chapitres. En effet, le scénariste prend de la distance sur le vigilante pour opposer son combat, ses valeurs et son code d’honneur à différents regards. Daredevil, les enquêteurs rendus inutiles, un enfant en quête d’un héros ou Rachel Alves, une Marine engagée sur la même voie que Castle, tous permettent de dresser un portait d’un Punisher perdu dans son combat. Est-il un héros et un modèle à suivre, ou juste un solitaire engouffré dans une guérilla infinie ?
Pour donner plus de puissance à cette interrogation, les illustrations de Michael Lark et Marco Checchetto font fi de l’aura super-héroïque de Marvel. Les artistes adoptent plutôt l’esthétique noire et posée d’un polar, cantonnant ce Punisher mutique aux airs de Solid Snake à quelques apparitions musclées. L’influence des thrillers à la David Fincher transparaît d’ailleurs à chaque page – au point où l’un des détectives a même l’apparence de Morgan Freeman dans Seven.
le Punisher rattrapé par Marvel
Néanmoins, il est regrettable que les derniers chapitres de ce tome 1 perdent ce ton réaliste au profit d’un McGuffin à aller récupérer dans un crossover avec Spider-Man et Daredevil. Surtout que l’ambiance change du tout au tout avec la présence d’un Spider-Man blagueur et des couleurs plus vives.
Toutefois, même dans cet écart un poil décevant, Greg Rucka arrive à sauver la situation. Dans la confrontation des symboles entre le Tisseur et le Punisher, Retour sanglant offre encore une manière de comparer ces deux notions d’héroïsmes, confirmant également au age que Frank Castle n’a que peu à voir avec le reste de l’écurie Marvel.
Même dans ses moments de faiblesse, le comics reste bon
Comme avec Batman et ses ennemis dans Gotham Central, Greg Rucka, Michael Lark et Marco Checchetto mettent le Punisher face à la réalité de ses actions pour mieux pointer ses absurdités. L’anti-héros en ressort d’autant plus complexe, et donc forcément encore plus ionnant.
Punisher T01 : retour sanglant est disponible depuis le 14 février 2024 chez Panini Comics
C’est d’autant plus intéressant que même Disney ne comprend pas bien l’aura du Punisher, puisque la série Netflix se montrait assez complaisante avec les actions du personnage, montrées comme légitimes car résolvant les imperfections du système (des agents corrompus en S1, un sénateur corrompu en S2). Il était traité comme un héros de film d’action assez quelconque, et la dimension morale était totalement mise de côté car Frank Castle n’avait aucune part d’ombre et aucune ambiguïté.
Un petit échec en termes d’adaptation, même si la série restait sympathique.
A voir… Mais si j’en juge uniquement à ce que l’article décrit, rien de nouveau sous le soleil. Toutes les questions et problématiques du personnage decrites ici ont déjà été évoqués et traités dans tout les sens dans la série Punisher Max de Garth Ennis, qui reste a ce jour la meilleure série de comics sur ce perso.
Bizarrement, n’étant pas fan des justiciers réacs, j ‘ai toujours aimé les histoires du Punisher, la 1ère ref restant l’opposition avec Daredevil dans les comics de Frank Miller avec deux conceptions de la justice toujours d’une actualité encore plus actuelle aujourd’hui.
De fait, en matière tv, le Punisher de Netflix reste un grand classique et très bien vu par son interprête Jon Bernthal (et ce côté loup solitaire)
J’ai beaucoup de tendresse pour le Punisher avec Lungen. Dans le contexte de l’époque, l’adaptation est pas si catastrophique et plutôt en avance.
Sinon le personnage reste un vigilant poussé à l’extrême, rien de très extravagant