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Daredevil Born Again : critique d’une série Marvel sauvée des enfers sur Disney+

Par Owen Carrel
17 avril 2025
MAJ : 17 avril 2025

C’était l’un des projets les plus attendus de l’année 2025 chez Disney+. Mais avec une production chaotique, marquée par une refonte créative totale en plein tournage, la série a suscité quelques inquiétudes. Après la sortie du dernier épisode de cette saison 1, c’est l’heure du bilan, et on peut dire que le pire a été évité.

© Canva Marvel Studios

Un Diable à deux têtes

Il est difficile de regarder Daredevil : Born Again sans avoir en tête son contexte de production. La série a été reprise quasiment à zéro par Dario Scarpadane, ancien showrunner de la série The Punisher pour Netflix. Cette première saison mélange donc une grande partie des éléments de l’ancienne équipe créative aux nouvelles scènes tournées par le duo de réalisateurs composé de Justin Benson et Aaron Moorhead. Deux visages connus du MCU, puisqu’ils avaient déjà officié sur Moon Knight et la saison 2 de Loki.

Ce bricolage se ressent clairement au visionnage, avec la curieuse impression de voir deux visions s’entrechoquer au fil des épisodes. D’un côté, la première mouture de Born Again, drame procédural obsédé à l’idée de se séparer de l’héritage de la série Netflix. De l’autre, une nouvelle version, plus vive et tranchante, désireuse de réinvoquer son aînée à tout prix. Trois épisodes (1, 8 et 9) ont été intégralement retournés, tandis que les autres sont majoritairement composés de scènes déjà tournées et de quelques reshoots.

Le procès de White Tiger, une des grandes réussites de Born Again

À n’en pas douter, Marvel a fait le bon choix en changeant radicalement son fusil d’épaule au cours de la production. Il ne faut pas pour autant rejeter tout ce qui avait déjà été écrit, et qui constitue le gros de cette première saison de Daredevil : Born Again. L’aspect procédural est assez réussi, notamment le premier arc de la série autour du personnage de White Tiger. Reste que cet assemblage jongle entre un rythme étrange et une narration assez inégale, avec des points très forts et d’autres très faibles (et un épisode filler pas désagréable au milieu).

Le meilleur exemple de cette vision bicéphale est sans nul doute le traitement de deux des méchants de la série, Muse et Bullseye. Le premier, pourtant plus présent, est expédié dans un épisode 7 qui est probablement le plus faible de la saison. Le deuxième, quant à lui, jouit d’un épisode 8 brillamment exécuté, où il est bien mieux mis en valeur que son compère serial killer avec un goût prononcé pour l’art. Une déception au vu du potentiel certain du personnage.

Muse-lé

Même chose du côté des scènes de combat, retournées en grande partie sous l’œil expert de Philip Silvera, déjà à l’œuvre sur la série Netflix, et par conséquent assez inégales sur le plan des chorégraphies (il n’y a qu’à voir les deux combats entre Muse et Daredevil, radicalement différents).

Enfin, le traitement des personnages secondaires est également regrettable. Là où ceux-ci faisaient la force de la série Netflix, ils sont ici réduits au rang de spectateurs, dont le rôle consiste à déballer de l’exposition aux protagonistes. La base est là, et est déjà un peu mieux exploitée en fin de saison (notamment le personnage de Michael Gandolfini, très intrigant en jeune fanatique ambitieux), mais Born Again porte les stigmates d’un projet maudit.

Alerte personnages secondaires au chômage

Malveillance max

Pourtant, et c’est là où le miracle se produit, cela fonctionne en grande partie. En premier lieu par la force que dégagent les deux fers de lance de la série, Matt Murdock et Wilson Fisk. Charlie Cox et Vincent D’Onofrio livrent (comme d’habitude) deux performances de haut vol, complexes et nuancées. Born Again e un cap en assumant pleinement de faire de son Kingpin un anti-héros (ou presque) disposant du même temps d’écran que son ennemi et suivant une progression similaire. Ainsi, les deux protagonistes retombent inlassablement dans leurs travers.

Le choix de faire de Fisk le Maire de New York (comme dans les comics de Chip Zdarsky, dont la série s’inspire beaucoup) ouvre la voie à des ressorts narratifs nouveaux et amusants, qui évitent la fatigue du trope du gangster sensible. De son côté, Matt Murdock subit une étude tout aussi fascinante. Anéanti par une perte tragique, qui constitue l’introduction choquante et brutale du premier épisode, Daredevil a rangé son costume au placard. De manière assez maligne, la série déconstruit un élément éculé en abordant la dépression latente du héros, refoulant son traumatisme et incapable de s’engager pleinement dans ses nouvelles relations.

Ils sont tellement mignons

Une réflexion presque meta sur l’ensemble de la série et ses deux visions contraires, augurant le retour au sommet de l’Homme Sans Peur. Cette saison 1 sous contrôle créatif complet du MCU est indéniablement différente des trois saisons de la série Netflix. Born Again trouve ainsi sa propre identité, notamment en se rapprochant plus de l’aspect visuel des comics. La série donne aussi une place significative aux new-yorkais par le biais du BB Report, une fausse émission qui interroge les habitants sur les évènements qui entourent la ville.

Une manière de donner une voix au peuple dans un projet très politique, comme peut-être jamais auparavant chez Marvel. Daredevil : Born Again aborde efficacement une batterie de questions de société, que ce soit au travers d’un voleur récidiviste, d’un super-héros latino ou de policiers corrompus. Alors que la question a bousculé les États-Unis, le rapport d’une partie des forces de l’ordre au Punisher et à sa mythologie est également mis en avant sans concession (et avec plus de courage que dans les comics au age).

Quand on est lundi

Affaire à suivre

Pour se rendre compte de la route que va emprunter la deuxième saison de Born Again, il convient de s’attarder sur les épisodes 1, 8 et 9, qui constituent une véritable profession de foi de la nouvelle équipe créative. À ce titre, si le pénultième chapitre de la série est un modèle d’orfèvrerie, huilé à la quasi-perfection, le final ressemble plutôt à une longue bande-annonce, réussie certes, mais qui par sa fonction intrinsèque s’interdit la résolution de la plupart de ses arcs narratifs.

Originellement conçue comme une longue saison de 18 épisodes, Daredevil : Born Again s’arrête de manière assez abrupte, non sans avoir donné quelques pistes pour ce qui va suivre. Une manière de signifier que cette première saison n’est qu’une mise en bouche, avant un nouveau chapitre encore plus spectaculaire et a priori plus maîtrisé. Il faudra donc se contenter de cette fin quelque peu frustrante, qui nous offre cependant plusieurs moments de bravoure.

Locked in

On ne manquera pas de citer CETTE scène de Wilson Fisk, dont le niveau ahurissant de violence (pour un projet Marvel) devrait finir de convaincre les sceptiques de l’arrivée du personnage et de son monde sanglant sur Disney+. Un constat qui peut s’appliquer à l’ensemble de la série, clairement pas censurée par les pontes de Disney pour plaire à un public familial. Une inclusion plus assumée au MCU promet en revanche plus de connectivité avec le reste de l’univers, ce qui ouvre des perspectives excitantes en vue de la deuxième saison.

En bref, Daredevil : Born Again est loin de la perfection, mais se donne du mal pour convaincre de ses bonnes intentions. Des intentions pas toujours bien exécutées, mais la nouvelle équipe derrière la série a réussi un sauvetage sur la ligne in extremis assez incroyable. Son dernier épisode nous dit donc “revenez, ce sera mieux après”, et, pour une fois, soyons fous, on va choisir de croire une série Marvel.

La saison 1 de Daredevil : Born Again est disponible en intégralité sur Disney+ depuis le 16 avril 2025

Rédacteurs :
Résumé

Cette première saison de Daredevil : Born Again souffre indéniablement de sa production chaotique, mais la nouvelle équipe engagée par Marvel a fait plus que sauver ce qui pouvait l’être. Une belle promesse pour la suite.

Tout savoir sur Daredevil : Born Again
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mikelion1
mikelion1
il y a 1 mois

Je me suis ennuyé du début à la fin.
De plus, le mauvais jeu d’acteur de Cox qui regarde régulièrement « dans les yeux » les autres acteurs lors des dialogues.
Le super héros Daredevil très peu présent…
Ca ne vaut vraiment pas le cmics de franck miller sur DD et le Caïd.

OdrN
OdrN
il y a 1 mois

Ça se regarde, même si j’ai eu tout le long la désagréable impression de regarder un documentaire sur l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, une chose que je n’avais pas vraiment envie de voir. Du coup j’ai zappé pas mal de séquences, généralement avec Fisk et son imbécile de « conseiller » qui me sort par les yeux. Les scènes d’autosatisfaction de vilains ont tendance à m’agacer.

D’ailleurs la série aurait presque pu s’appeler Fist Born Again, tant Vincent D’Onofrio semble avoir presque plus de temps d’image que Charlie Cox.

Après c’est sans doute plus digeste et intéressant si on a vu la série de Netflix (ce qui n’est pas mon cas), le côté émotionnel du premier épisode tombant à plat sinon. Difficile d’avoir de la peine pour un personnage qu’on a vu 2 minutes à l’écran.

maxleresistant
maxleresistant
il y a 1 mois

Magellan a tout dit

Je me suis ennuyé en regardant cette série. J’ai fini par laché l’affaire au 7eme episode car je ne vois aucun intérêt a regarder ça. Ca se met en fond pendant qu’on cuisine, mais ça vaut pas plus.

Vincent Terranova
Vincent Terranova
il y a 1 mois

Pas vu la série originelle, mis à part les 2-3 premiers épisodes et cela ne m’avait pas du tout convaincu.
J’ai donc découvert cette nouvelle itération avec un certain plaisir de telle sorte que je vais redonner sa chance à la version netflix.
Vincent d’Onofrio est comme toujours impressionnant et forme avec sa femme l’un des couples les plus monstrueux du petit écran. Son personnage et ses actions ne sont pas sans rappeler un certain président nouvellement réélu. Ce qui fait littéralement froid dans le dos.
Étonné par la mort de Foggy. J’ignore si c’est le cas dans le comics étant donné que je n’ai plus parcouru une aventure de Daredevil depuis la fin des années 90.
En tout cas, c’est à mes yeux la meilleure et la plus ambitieuse série des studios marvel.
Donc, hâte de découvrir la saison suivante après une fin aussi sombre et désespérée.

Flash
Flash
il y a 1 mois

Ok il y a quelques incohérences assez visibles, mais pour ma part c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé cette série.
Le casting est parfait, j’avais peur que ce soit très édulcoré ( Disney touch), mais ce n’est pas le cas, bien au contraire.
Sinon, j’aurais aimé voir un peu plus le tigre blanc en action, mais bon c’était déjà un personnage de troisième zone dans les comics.
Vivement la saison 2 !

magellan
magellan
il y a 1 mois

C’est nul, ça ne raconte rien, c’est soporifique, mal monté et j’en e …

SaulGood
SaulGood
il y a 1 mois

Les personnages secondaires c’est quand même TOUS le vide absolu…
Le Punisher on dirait une parodie d’un rôle de Bruce Willis des années 90, et les scènes d’actions voulues « brutales » sont filmées tellement cheep qu’on se croirait dans une fan fiction (en faite comme toute la série).
Donc après oui ca se regarde, oui c’est pas aussi honteux que les précédentes apparitions de Daredevil chez Disney… mais est ce que ça justifie de s’en contenter, pas pour moi.

dragibus
dragibus
il y a 1 mois

Comment on peut aimer cette version MCU de Daredevil quand on a vu les 3 premières de Netflix ?
C’est médiocre de a à z, rempli de fillers, ça ne raconte rien et t’as l’impression que les perso ont alzheimer tellement ils sont réécrits. Sans parler des scènes d’action charcutées avec leur shaky cam de mXrde. Non sérieux Disney fait encore un revival pour détruire une bonne licence. On en peut plus, qu’ils coulent.

romainpardon
romainpardon
il y a 1 mois

Heureusement que l’original a créé cette ambiance, car sans elle Daredevil n’aurait été qu’un Hero fade et coloré dans un monde de bisounours.

Pareil, New York, New York, entre Law&Order et Poupée Russe pour la retranscription de la ville.
Bref j’ai adoré, mais maintenant faut assurer pour la suite.
Et sinon pour les personnages je suis partagé, pas assez développé, mais énigmatique, le personnage de buck est « intéressant ».

Va falloir er la seconde pour Bullseye, et surtout Gandolfini que j’ai vraiment adoré pour le coup.
Le 9 c’est vraiment du Teasing.

romainpardon
romainpardon
il y a 1 mois

Bon je suis d’accord à 100% avec la critique, mais mon coeur lui donnera une plus grosse note. 

Je suis d’accord que le traitement de Muse est très spécial, on sent quand même beaucoup de raccourci, de moments peut être tronqué (j’ai du mal à croire qu’originalement on ne voyait Muse qu’une seule fois chez la psy, ça semble être un arc un peu réduit à peau de chagrin, c’est un peu dommage).

Par contre on retrouve le vrai D’Onofrio, pas ce grotesque cartoon de Hawkeye, ou cet impuissant d’Echo. Et ça ça fait vraiment vraiment plaisir.

La scène du 9 est quand même là pour dire, c’est bon, on vous a compris, on va laisser Tom Holland faire ces pirouettes dans son pyjama, et là on explose de la gueule.

Ca rassure aussi pour Punisher, clairement.