Films

Joker : Folie à deux – critique d’un clown à côté de la plaque

Par Geoffrey Crété
1 octobre 2024
MAJ : 16 octobre 2024

En 2019, Lady Gaga ret le cirque dans le rôle de Lee Quinzel/Harley Quinn. Avertissement : le miracle n’aura pas lieu deux fois.

© Canva Warner

LE JOKER 2 L’ARGENT

Qu’on l’aime ou pas, il se ait quelque chose avec le premier Joker. C’était un film centré sur l’ennemi ultime de Batman (mais sans Batman), réalisé et co-écrit par l’homme derrière Very Bad Trip. C’était une descente aux enfers portée par Joaquin Phoenix en pleine démonstration de force, et qui finissait par exploser la tête de Robert De Niro pour rendre un *subtil* hommage à Scorsese.

C’était aussi un curieux projet pour DC, sorti entre Shazam et Birds of Prey. Et c’était un miracle industriel, avec plus d’un milliard au box-office pour un budget d’environ 60 millions – soit un taux de rentabilité qui a dû donner le vertige à Warner Bros., comparé aux méga-blockbusters du DCEU à 150-200 millions.

Cinq ans et beaucoup d’argent plus tard, Joker : Folie à deux s’impose vite comme l’antithèse parfaite de Joker. Puisque là, il ne se e pas grand-chose. Tout le monde a pris la confiance, et le budget a triplé pour ne rien raconter de plus, mais avec un emballage chic et toc de comédie musicale. Autant dire que c’est un périlleux exercice de surplace pour Todd Phillips et son co-scénariste Scott Silver, mais aussi les pauvres Joaquin Phoenix et Lady Gaga.

joker 2 : folie à deux lady gaga
« J’ai pas le temps, mon esprit glisse ailleurs »

FAITES ENTRER L’ACCUSÉ

C’est presque une diversion parfaite. Pendant que le scénario tourne en rond, les personnages chantent et dansent. Joker avait laissé Arthur Fleck en prison, dans une ville embrasée par la figure du clown meurtrier, et la suite va chercher du côté du film de procès pour créer un semblant de réflexion sur son propre monde. À l’extérieur du tribunal, la foule en délire et en cosplay représente le public qui aime tellement ce Joker qu’il en a fait une sorte de héros-sticker. À l’intérieur, la thérapie commence, pour rouvrir tous les dossiers du premier film.

Joker : Folie à deux formule des questions à partir des réponses de Joker, et explicite et étale à peu près tout ce qui était raconté dans le précédent film. Sans les décors de comédie musicale clinquante et Lady Gaga avec son piano, ce serait exagérément redondant et répétitif. En l’état, c’est simplement dispensable et lourdingue, surtout avec la forme d’un procès en triangulaire : l’avocate d’Arthur (Catherine Keener) veut démontrer qu’il est malade, le procureur Harvey Dent (avec une bouille digne du prequel de la série Gotham) veut prouver qu’il est coupable, et Harleen Quinzel veut simplement en faire une rock star.

Dans le rôle de la balle de ping pong maquillée, Joaquin Phoenix ressort ses plus beaux rires et traits émaciés. Mais comme il a mille fois moins de choses à jouer que dans le premier, il se contente de tourner en rond. Comme le film.

Joaquin Phoenix dans Joker : Folie à deux
Arthur Flex

SINGING IN THE PAIN

Sachant que Todd Phillips a répété pendant des mois que ce n’était pas une comédie musicale et que c’était le mot d’ordre absurde durant la promo (pensée pour Lady Gaga qui a dit en conférence de presse Venise que ce n’était pas une comédie musicale, mais simplement un film où « la musique est utilisée pour permettre aux personnages d’exprimer ce qu’ils ont besoin de dire »), tout le monde semblait avoir peur de ce joker musical. C’était pourtant le point de départ de la suite, Joaquin Phoenix racontant qu’il avait rêvé pendant le tournage du premier film de Joker qui chantait et dansait.

On peut au moins leur donner un point pour la cohérence puisque Joker : Folie à deux semble effectivement gêné par la comédie musicale. Elle arrive tôt, mais ne trouve jamais sa place dans le film. Peut-être parce que la mécanique change plusieurs fois, ant d’un numéro qui transforme le monde réel à un autre sur une scène fantasmée. Peut-être aussi parce que trop souvent, ça ne raconte rien de plus que la réalité, forçant les personnages à répéter en boucle une idée, voire à hurler une chose déjà évidente.

joker 2 : folie à deux lady gaga joaquin phoenix
La La Lame

Peut-être aussi parce que Todd Phillips ne sait pas quoi faire de ces scènes, tour à tour interludes inutiles et illustrations poussives. Dans ses meilleurs moins mauvais moments musicaux, Joker : Folie à deux se contente d’une petite mélodie pour raconter un petit quelque chose, comme lorsqu’Arthur appelle Lee depuis la prison. Dans les pires, le film se vautre dans des tableaux étonnamment plats et fades, que ce soit dans les paroles, les mouvements ou la mise en scène.

Joaquin Phoenix pousse sa voix dans les tréfonds de la douleur, et Lady Gaga a quelques occasions de faire trembler ses cordes vocales comme si elle était au Stade de , mais ça ne fait pas longtemps illusion. La musique devait souligner la vraie-fausse farce du procès pour la rendre plus grande, mais elle fait tout le contraire : elle rabaisse le film et met en lumière toutes ses limites.

joker 2 : folie à deux lady gaga
Peut-être le Joker du pire numéro musical

HARLEY COUINE

Harley Quinn est l’autre diversion ratée dans cette Folie à deux (du nom du trouble psychiatrique où le délire d’une personne en contamine une autre). Réécrit en profondeur, le personnage créé par Paul Dini et Bruce Timm pour la série animée Batman est désormais une patiente d’Arkham instable et obsédée par Arthur Fleck.

En théorie, c’est elle le moteur du film. Elle réveille le Joker, amène la musique et alimente le chaos. En réalité, elle est comme les numéros musicaux : beaucoup de bruit pour bien peu de choses, comme si Todd Phillips et son co-scénariste Scott Silver ne savaient absolument pas où aller avec le personnage. La scène dans le tribunal où elle monte sur une table pour danser comme une groupie l’illustre peut-être tristement bien.

Caractérisée en deux temps et trois répliques (oh elle est folle et amoureuse ! oh elle n’est pas si folle et amoureuse ?), Lee Quinzel est vite perdue dans le concert de blabla et de rires. Et Lady Gaga avec. Elle a peu d’occasions de briller, du moins en tant qu’actrice puisque la chanteuse a beaucoup d’espace pour exister ; et donc déséquilibrer encore un peu plus le film.

joker 2 : folie à deux lady gaga
Arkham le rouge

Le problème de cette Lee Quinzel devient vite celui du film entier. Joker : Folie à deux tourne autour de cet amour, qu’il soit délirant ou pas, en miroir avec Sophie dans Joker. Pourtant cette relation devient de plus en plus abstraite, lointaine et inintéressante à mesure que le film avance. Todd Phillips a beau mettre le paquet pour créer l’émotion, tout semble étonnamment à côté de la plaque.

Joker : Folie à deux devient alors une longue et curieuse histoire de mauvais timing, comme si chaque note de musique, d’émotion ou de violence était légèrement à contre-temps. Todd Phillips semble constamment courir après le bon tempo, comme s’il coupait toujours trop tôt ou trop tard pour capter ce qui compte. Dans un film qui joue sur le prétendu trouble et inconfort entre réalité et rêverie, ça aurait pu être beau et hypnotisant. Mais là, c’est simplement incompréhensible la moitié du temps.

joker 2 folie à deux affiche
Rédacteurs :
Résumé

Joker : Folie à deux a trois fois plus de moyens pour ne rien raconter de plus, mais avec un emballage chic et toc de comédie musicale. Résultat : un film qui semble constamment courir après son sujet, sans jamais le trouver.

Autres avis
  • Mathieu Jaborska

    Todd Phillips fait le procès de son propre film pendant plus de deux heures. Des idées intéressantes en ressortent (le traitement des troubles psychiatriques), mais pour qui n'est pas à la barre, le temps est long. D'autant que les interludes musicaux sur-explicatifs tapent un poil sur les nerfs.

Tout savoir sur Joker: Folie à Deux
Vous aimerez aussi
Commentaires
Veuillez vous connecter pour commenter
33 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
binjch
binjch
il y a 5 mois

C’est la critique qui est à côté de la plaque, ce film est une tuerie qui comme un bon vin sera considéré à sa juste valeur d’ici quelques années.Qu’on ne l’aime pas est une chose mais considérer que c’est du mauvais cinéma n’est absolument pas fondé. Le film comporte une symbolique puissante, par exemple la fin qui tue le joker et donc batman comme dernier espoir ex-machina qui plane logiquement sur le récit, renforce la désespérance totale qui reste le thème central du film et qui est parfaitement cohérent avec l’univers de gotham city. L’allégorie de la prise du capitole n’est absolument pas lourdingue car le film raconte le vécu des âmes damnées.

at-tlantis
at-tlantis
il y a 7 mois

J’ai enfin vu Joker : Folie à Deux, et s’il y a bien une chose à dire, c’est que le film ne surprend pas. Après avoir beaucoup lu sur ce deuxième opus avant de m’y plonger, je ne peux pas dire que j’ai été déçu, mais sans doute parce que mes attentes étaient déjà très basses.

Autant le dire tout de suite : je n’avais pas apprécié le premier Joker. Pour moi, il s’agissait d’un film quelconque qui n’aurait jamais suscité tant d’attention s’il n’avait pas porté le nom du célèbre personnage. Avec ce deuxième volet, mon impression se confirme. On sent que le projet se repose une fois de plus sur la fascination exercée par la figure du Joker, mais au-delà de ce nom iconique, il y a peu de matière.

La question qui me taraude reste donc : où est é le budget du film, mis à part dans les cachets des acteurs et du réalisateur ? Car visuellement, rien ne le distingue ou ne justifie l’envergure d’une telle production. La réalisation elle-même peine à s’imposer, restant dans une mise en scène fonctionnelle qui ne casse pas trois pattes à un canard.

Le scénario, quant à lui, tient sur un timbre-poste. Et pour ce qui est de l’ambition annoncée du film en tant que « comédie musicale », la déception est à la hauteur des espoirs déçus. Il y avait tant de possibilités pour mêler folie et éclats de musique, mais au lieu de l’audace et du panache qu’on aurait pu attendre, nous avons droit à un résultat terne et sans éclat. Même Chicago de Rob Marshall, pourtant loin d’être une référence infaillible dans le genre, parvient à faire mieux.

En somme, ce Joker 2 souffre d’un manque de souffle artistique, et malgré quelques bonnes performances d’acteurs, le film reste désespérément plat et sans saveur.

Berlingo
Berlingo
il y a 7 mois

J’ai moi aussi du mal à comprendre cette déferlante de haine sur ce film, exactement comme je n’ai pas compris le succès phénoménal du premier. Pour moi Joker était déjà une arnaque mercantile de la Warner, pensant s’en mettre plein les poches avec un personnage clivant et borderline. Todd Philips en a fait un film fourre-tout provocateur et bancal très pompé sur Taxi Driver, mais un film qui se regarde : pour le jeu de Phoenix, pour la descente aux enfers et pour l’ambiance seventies de New York/ Gotham. Le scénario était déjà foireux et sans rapport avec la BD, mais il y avait le côté anarchique sympa. Le 2ème film, c’est la même chose, en plus beau visuellement! La ville est superbement filmée, les lumières et les décors sont extrêmement bien travaillés. Les acteurs jouent bien, certaines scènes sont vraiment réussies. Une fois de plus c’est au scénario que ça coince, et à cette fausse-bonne idée de la semi-comédie musicale. Cette envie de prendre une fois de plus le public à contre-pied est louable, mais contrairement au premier Joker à peu près able, elle est ratée.

BAD
BAD
il y a 7 mois

Le Joker 1 avait fouillé le grenier de Scorsese pour en faire quelque chose de puissant et personnel offrant à Joakim PHŒNIX l’un de ses meilleurs rôles. Le parallèle entre Arthur FLECK et le DE NIRO Travis BICKLE était impressionnant, même corps noueux, au bord de la rupture sur le fil du rasoir; la photo et les plans plutôt bien réusssis: Le travelling avant à contresens du bus où Arthur est assis sur la banquette du fond est simplement prodigieuse avec en gros plan final le visage torturé et inquiétant du héros »malgré lui ». L’attirance/ répulsion de la télévision poubelle se croise avec celle de Taxi où Travis fait basculer et tomber son téléviseur alors que Arthur tire dessus. La puissance des deux films tient dans l’identification du spectateur aux héros. La scène du métro où Arthur est roué de coups par ces ignobles junkies du Dow Jones et où il les tue était attendue, espérée: identification. Bref film parfait. La différence c’est que SCORCESE n’a pas fait TAXI DRIVER II, l’élève T.PHILIPS est renvoyé au fond de la classe pour n’avoir pas suivi son maître jusqu’au bout. Il s’est tiré une balle dans le pied avec cet avatar insipide voulant à toute force donner une suite à son chef d’œuvre qui ne pouvait en avoir. Dommage qu’il ait gâché les talents de GAGA et PHŒNIX qui y survivront n’en doutons pas

Vincent Terranova
Vincent Terranova
il y a 8 mois

A priori, même l’acteur est à côté de la plaque au regard de son récent abandon d’un tournage pourtant bien avancé.

Kelly Anne
Kelly Anne
il y a 8 mois

Rien ne prend véritablement dans ce film. Les ages chantés s’écrasent mollement, les explications peinent à insuffler la moindre vie, et cette relation centrale entre deux personnages sonne faux du début à la fin, comme un mauvais jeu d’acteurs coincés dans un décor de carton-pâte.

On ne parvient jamais à s’immerger dans cette histoire désarticulée, maladroite, où chaque scène semble hésiter, comme si le réalisateur lui-même ne savait pas où poser son regard ni quand vraiment capturer l’essence du moment.

Le film s’étire, se traîne, tout paraît étrangement désynchronisé, et à mesure qu’il avance, il s’efface dans une fadeur déconcertante.

N’y allez pas…. car sinon, vous n’aurez même plus envie de revoir le premier…

chrisb
chrisb
il y a 8 mois

C’était couru d’avance. Le premier Joker n’avait rien du Joker, sinon un maquillage bâclé, et se traînait sur une histoire pas franchement intéressante. Le second est un pur placement de produit. Avec une Lady Gaga, qui elle non plus n’a rien d’une Harley Quinn, et qui se la joue « je suis encore dans le personnage », pour pouvoir vendre son dernier album (de reprises).

LaVar
LaVar
il y a 8 mois

Allez ça dégage tout ça, James Gunn doit en finir avec ces clodos qui ruinent les perso DC, Matt Reeves le prochain j espère

cidjay
cidjay
il y a 8 mois

encore une preuve que le pognon gouverne le monde.
Philips et Phoenix auraient dû dire NON au studio…
Mais si le film marche, Warner va encore proposer un chèque pour une suite…
même sans Phoenix, il trouveront bien de quoi faire…

pierrebellu
pierrebellu
il y a 8 mois

Attention, au film de trop de Joker
Ou alors, avec Batman.