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YOU saison 5 : critique qui remet les pendules à l’heure sur Netflix

Par Judith Beauvallet
25 avril 2025

La cinquième et ultime saison de Sera Gamble d’après les romans de Caroline Kepnes, dans un final à la fois représentatif de ses défauts qui mais qui les rattrape aussi joliment, surtout dans son dernier épisode. Encore un joli coup, plutôt inattendu.

©Netflix

Trop de you tue le you

La première saison de YOU avait fait parler d’elle pour sa façon d’être un véritable manuel filmé du parfait psychopathe ordinaire, le genre de “good guy” qui est persuadé d’être un véritable chevalier servant mais qui bascule dans le contrôle obsessionnel de la vie de sa compagne, et ce jusqu’au féminicide. En adoptant le point de vue de Joe et en entrant dans ses pensées (de plus en plus tordues), la série tentait de montrer à quel point les compagnons dangereux ne sont pas des “monstres”, mais bien des hommes a priori ordinaires.

Au fil des saisons, le modèle de thriller psychologique option prévention s’est vite essoufflée, et malgré un niveau toujours correct, YOU a souvent flirté de trop près avec une glamourisation et une sympathie accordées à son personnage principal (difficile d’adopter son point de vue pendant cinq saisons sans tomber dans ce travers). C’était notamment le cas de la saison 4, qui prenait le gros risque de faire de Joe un véritable héros dans sa première moitié, avant de basculer dans la quasi-parodie de psychopathe par la suite.

you penn badgley
Joe n’aime, en fait, que lui-même

Comment la saison 5 allait-elle pouvoir conclure cette histoire de manière satisfaisante, alors que le concept très précis et pédagogique de la première saison s’était envolé depuis longtemps ? Très rapidement, un élément phare de YOU revient symboliser toutes les contradictions internes de la série : la voix off de Joe Goldberg, qui relate les pensées du protagoniste depuis le début, s’appuie une nouvelle fois sur ce fameux “you”.

Au départ, “you” était Beck, la première obsession de Joe. Puis, “you” était devenue sa compagne suivante, et ainsi de suite. Ici, “you” est à la fois Joe lui-même, qui se parle parfois comme s’il était devenu sa propre obsession, mais aussi sa femme Kate, ou son nouveau crush. Aucune cohérence ni rigueur dans l’utilisation de ce gimmick devenu un simple age obligé, et qui glisse le mot “you” à toutes les sauces juste pour bien rappeler au spectateur ce qu’il est en train de regarder. Bref, à peine la série commence que la confusion est visible.

YOU penn badgley charlotte ritchie
Évolution classique d’une écriture un peu paumée : le personnage devient une star pour aucune raison

Eath the rich

Pourtant, le charme continue d’opérer. L’interprétation est toujours bonne, surtout celle de Charlotte Ritchie, qui était l’atout majeur de la saison 4 et qui prouve ici qu’elle mériterait sa propre série. Et heureusement que la série conserve un rythme, une narration et des touches d’humour (cracher sur les riches, c’était déjà le refrain de la saison précédente, et ça marche encore) qui font le boulot, parce qu’en termes d’écriture, beaucoup d’éléments peinent à retomber sur leurs pattes.

Comment Joe peut-il réellement revenir à New York sous son vrai nom, et sous le feu des projecteurs, qui plus est ? Pourquoi est-il si connu en tant que mari d’une femme d’affaires, et surtout, à quoi est-ce que ça sert réellement, dans la série ? Quelles sont les motivations de la sœur de Kate, Raegan, pour être une telle pourriture avec son entourage, quitte à tout risquer ? Autre (gros) élément de la saison qui balbutie pas mal : Bronte (oui oui, en référence extrêmement subtile aux sœurs Brontë), la nouvelle proie de Joe incarnée par Madeline Brewer.

YOU charlotte ritchie
Charlotte Ritchie vole encore la vedette

Ce personnage, qui devient rapidement central dans la saison, pourrait être sympathique si son écriture n’était pas si versatile. Bronte est le sujet de retournements de situation qui sont bien justifiés, mais elle est aussi conçue comme un personnage-fonction entièrement modelé (et remodelé au fur et à mesure) en fonction des besoins du scénario, tant est si bien qu’elle n’est ni crédible, ni attachante. Et c’est dommage, parce que c’est bien par elle que va se jouer l’arc le plus intéressant de la saison.

On regrette simplement que, pour cette ultime saison, la série retombe dans l’automatisme “nouvelle saison = nouvelle meuf” un peu artificiel et se risque à créer un nouveau personnage au débotté, alors que le personnage de Kate, de Marienne ou les simples souvenirs de Beck (qui sont ici très présents) auraient pu suffire à mener Joe là où il le fallait. Et ce avec beaucoup plus de sens et de charisme.

Et dans ce joyeux bordel, les twists sont bienvenus dans un premier temps, et parfois même franchement marrants, jusqu’à ce que la série tire trop sur la corde et finisse par en ab un peu. Le dernier épisode, notamment, semble assez superflu dans ses trois premiers quarts, alors que sa conclusion aurait pu être greffée à l’épisode précédent, qui était beaucoup plus fort.

YOU madeline Brewer
Madeline Brewer est la nouvelle obsession/copine/proie de Joe, on connaît la chanson

Le vrai girl power

ATTENTION : SPOILERS

Car oui, malgré ces défauts qu’il fallait bien souligner, des moments forts, il y en a. Et l’avant-dernier épisode en est un bon exemple, tandis qu’il rassemble les meilleurs personnages féminins de la série et qu’il leur permet enfin de s’entraider comme elles le méritent. Enfin, YOU crée de véritables dynamiques en dehors de l’esprit de Joe, pour laisser ses victimes se réapproprier le récit et reprendre le contrôle de leur vie. On apprécie le discours méta habile et (pour une fois) pas lourdingue.

YOU redevient, petit à petit, le manuel pédagogique anti-psychopathe qu’il avait vocation à être au début, avec une jolie dose d’optimisme. Là où beaucoup d’œuvres se complaisent à peindre des portraits de tueurs de femmes en recrachant des petits cours de féminisme bien lisses et simplistes pour faire bonne figure, YOU prouve que, du côté de cette série, le sujet est compris plus en profondeur. De quoi rattraper tant bien que mal le point de vue ambigu de certaines saisons précédentes.

you madeline brewer
Ça commence à chauffer pour Joe

Ici, ce n’est plus Joe et ses lubies, qui comptent, mais bien la sororité. Pas un bête mantra à base de “sis before penis” (licence poétique), mais une alliance complexe et contradictoire entre des femmes qui pourraient se détester (et se détestent, parfois) mais qui finissent par reconnaître leur ennemi commun et par se faire plus fortes que lui.

Dans la même veine, la série choisit aussi d’être très explicite (et c’est pas plus mal) sur la nature de Joe, car si on l’a vu tuer moult compagnes, le spectateur continue de suivre l’histoire à travers les pensées de celui qui se perçoit comme un prince charmant. Après avoir pointé du doigt le masculinisme comme un danger meurtrier à travers un personnage accessoire, YOU rappelle qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre l’homme ouvertement violent envers les femmes, et un Joe Goldberg, qui se pense tout dévoué à elles mais qui finit par les tuer quand même.

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Un seul et même problème définit ces deux comportements : la misogynie, à laquelle les “good guys” autoproclamés n’échappent pas. Après ce discours habilement amené, et qui recentre le propos de la série, le final porte le coup de grâce à Joe. Non seulement la narration des événements lui est retirée, mais il est aussi rendu pathétique, et la série le prive d’une conclusion tragique ou sublime, d’une mort flamboyante qui serait une trop belle fin pour l’histoire qu’il s’imagine vivre.

Conclusion particulièrement censée pour une saison qui construit savamment le parallèle entre la réalité et la réalité alternative de Joe (qui devient de plus en plus persuadé que sa vie et la fiction ridicule de vampires romantiques qu’il est en train d’écrire ne font qu’une). Superbe symbole final : alors qu’on retrouve Joe tout seul, tout à coup, le silence est roi. La voix off a disparu, et avec, la réécriture des événements par le meurtrier. Resteront les écrits de ses victimes et les projets de ses survivantes, mais Joe ne sera plus, de la pire manière qu’il soit pour lui.

La saison 5 de YOU est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 24 avril 2025

YOU
Rédacteurs :
Résumé

Malgré de gros défauts en partie hérités des saisons précédentes, YOU se conclut en beauté avec une saison 5 à la fois divertissante et éclairée, qui prouve la compréhension intelligente de son propre sujet, et en tire un discours méta bien mené.

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FabyWedy
FabyWedy
il y a 24 jours

Quand on décide de faire un article sur une série pour informer les gens de ce qui s’y e et pour dire notre avis dessus, c’est capital d’être concentré sur les épisodes de la dernière saison et même les épisodes des saisons précédentes.

Et d’emblé on a une preuve que vous avez suivi la série à moitié c’est quand vous critiquez que la dernière saison retombe dans « l’automatisme nouvelle saison = nouvelle meuf » alors que c’est bien expliqué durant la série pourquoi c’est ancré dans Joe qu’il doit sans cesse changé de copine et donc qu’il fallait bien évidemment faire ainsi dans cette ultime saison pour resté cohérent par rapport à toute l’histoire.

Pour revenir sur cette saison 5, le age où vous posez 3 questions qui sont en gros « Comment Joe revient à new York sous son vrai nom ? Pourquoi est-il si connu, à quoi ça sert ? Pourquoi Raegan est une telle pourriture, quelles sont ces motivations ? » ça m’a permis de vite comprendre que vous n’étiez pas concentré car ces 3 questions sont très bien expliqués durant la saison.

Bref, cet article est un symbole d’aujourd’hui, celui de donner un avis sur une série en la suivant qu’à moitié.

Joey Joe Joe Jr Shabadoo
Joey Joe Joe Jr Shabadoo
Abonné
il y a 1 mois

Une de vos consœurs a récemment décortiqué le phénomène de ces films/séries sur des serial killers beaux gosses dont beaucoup de femmes raffolent dans son livre « Désirer la violence – Ce(ux) que la pop culture nous apprend à aimer »
.
Je n’ai lu qu’une interview d’elle mais c’est assez intéressant. Extraits :
.
« Et si Joe était joué par un homme moche ? Les fans auraient-elles toujours envie de rencontrer Joe et qu’il les séquestre ? Il y a fort à parier que non »
.
« A force de nourrir notre imaginaire de fictions où les hommes violents sont super sexy, les dimensions fantasme/menace finissent par se superposer. »
.
« […] la question essentielle, face à tout ça, c’est de savoir à qui profite l’érotisation de la violence masculine ? Aux femmes qui fantasment ? Certainement pas. Aux hommes qui pourront non seulement continuer à la perpétuer sous prétexte que ça leur plaît, mais aussi en gagnant de l’argent de cette façon ! »