Séries

Dexter : les origines – critique d’une crise d’ado sanglante sur Canal+

Par Judith Beauvallet
1 mars 2025

Personne ne l’avait demandé, mais c’est arrivé quand même : le bien-aimé Clyde Philips, cette nouvelle exploration dans l’univers du boucher de Miami ne promettait que redites superficielles… Et c’est un peu vrai. Mais pas seulement, car Les Origines prend au dépourvu et réserve finalement de jolies surprises.

©Canva Showtime

Des origines pas très originales

Tout d’abord, il faut clarifier l’évidence : effectivement, cette série prequel n’apporte rien d’essentiel à l’histoire originale de Dexter, supprime même des choses intéressantes (comme le personnage d’Evelyn Vogel, à moins que celui-ci ne soit gardé sous le coude pour une éventuelle deuxième saison), et n’échappe pas aux griffes de la nostalgie un peu ringardisante.

Aucune nouvelle histoire majeure ne vient structurer la série au-delà des éléments déjà connus, et surtout, Les Origines abandonne d’emblée l’idée de réellement étudier la manière dont naît la pulsion meurtrière de Dexter et l’identification de son “ager noir” par Harry. En racontant un peu lourdement les premiers meurtres à travers une métaphore inévitable dès qu’Hollywood se penche sur des personnages adolescents, à savoir celle du premier rapport sexuel, la série choisit la facilité plutôt que d’explorer la véritable noirceur de son personnage.

sarah michelle gellar patrick gibson dexter les origines
C’est pour un don du sang ?

Et le fameux code de Harry, dans tout ça, qui devait être au centre de cette période de la vie de Dexter ? A peine cité çà et là, essentiellement réduit à la règle “ne pas se faire prendre”, il n’est absolument pas fondamental dans ce prequel. Pour combler le vide laissé par cet évitement des vrais sujets, Les Origines se contente de resservir la formule des flashbacks de la série originale, sauf que… les flashbacks de la nouvelle série racontent exactement la même chose que ceux de l’ancienne série.

Filmés avec la même photo jaunâtre et ultra-contrastée, ces retours en arrière extrapolent parfois (trop ?) les choses déjà vues dans Dexter, mais se retrouvent aussi parfois à filmer exactement à l’identique des images déjà bien connues (comme le petit Dexter qui pleure dans le sang de sa mère et qui est récupéré par Harry). Tous ces très nombreux ages ne sont finalement que des répétitions inutiles sur le fond et la forme, et qui n’ont pour seul mérite que de donner davantage de scènes à Christian Slater. Dommage.

patrick gibson dexter original sin
Comme une impression de déjà-vu

Dexter tout en dextérité

Mais il serait trop dommage de s’arrêter à ça, si énorme et structurel soit ce problème. Même si la chose défie toute observation rationnelle, force est de constater que Dexter : Les Origines parvient à charmer et à trouver un peu de ce je-ne-sais-quoi qui replonge dans le plaisir de la série originale. Sans égaler son modèle, à cause d’une écriture parfois trop grossière, de personnages parfois trop caricaturaux et d’une incapacité à insuffler un véritable suspense aux séquences de traque ou de meurtre, la série parvient tout de même à accrocher son spectateur.

La première raison qui peut l’expliquer est l’interprétation des acteurs : outre la voix off réconfortante de Michael C. Hall, les performances de Patrick Gibson et Molly Brown en jeunes Dexter et Debra est tout ce qu’on pouvait espérer. Le jeu des deux comédiens fait efficacement écho à celui de leurs aînés sans pour autant les singer, et le casting prend aisément son propre envol. A leurs côtés, Christian Slater, Patrick Dempsey et Sarah Michelle Gellar s’amusent comme des petits fous, et leur présence vient ancrer la solidité globale de l’interprétation.

Molly Brown dexter les origines
Debra versio ado, parfois un peu trop caricaturale, mais finalement touchante

Si Sarah Michelle Gellar n’apparaît que très peu (et c’est l’une des déceptions de la série), on espère très fortement qu’elle pose ici les jalons d’un retour en force dans une potentielle deuxième saison, car la relation qui commence à être construite entre son personnage et celui de Debra est particulièrement touchante. Par ailleurs, le charme des séquences se déroulant dans les bureaux de la police scientifique opère toujours, et voir la manière dont Dexter commence à développer son expertise du sang a quelque chose de particulièrement satisfaisant.

Autre point fort : l’arrivée de LaGuerta, ici incarnée par Christina Milian, qui est aussi rapidement posée comme un personnage nuancé qui devrait prendre toute la place qui lui est due dans la prochaine saison. En bref, si Dexter : Les Origines ne remplit pas vraiment les évidences du contrat qu’on en attendait, la série retrouve suffisamment d’essence de la série initiale pour faire retomber les fans dans l’addiction, et peut-être même en créer de nouveau. Les fondations ne sont pas solides, mais la peinture est belle.

patrick gibson christian slater dexter original sin
1ère règle du code : toujours commencer par faire revenir des oignons dans de l’huile d’olive

Tu es un fumier, Harry !

En revanche, difficile de s’étendre sur la série sans soulever ce qui devrait (du moins, il faut l’espérer) être un très gros sujet dans la future saison, à savoir : Harry Morgan. Ce beau-père et mentor dont Dexter vantait les mérites dans la série originale, et qui est donc incarné ici par Christian Slater, on savait qu’il n’était pas tout blanc. Entre sa contribution « involontaire » au meurtre de la mère de Dexter et la légitimité qu’il a donnée aux pulsions de son fils adoptif, papa Morgan n’a jamais été présenté comme un saint.

Mais le problème dans Dexter : Les Origines, c’est qu’il est présenté comme un salaud qui s’ignore doublé d’un sombre crétin. Au fur et à mesure que les épisodes s’enchaînent, le charismatique et légendaire Harry Morgan devient un salopard persuadé d’être un type bien. Un père qui néglige complètement sa fille au profit de son fils, mais qui trompe sa femme avec une indic soumise à son bon vouloir à qui il fait prendre des risques inconsidérés, jusqu’à ce qu’elle trouve la mort dans d’horribles circonstances (et pourtant, elle l’avait prévenu).

christian slater patrick gibson dexter original sin
L’air satisfait du type qui détruit tout autour de lui en étant persuadé d’être un bon flic

Si Harry veut bien adopter Dexter (chanceux qu’il est que sa femme accepte de se fader le gosse de la maîtresse de son mari), il rejette son frère Brian dès que celui-ci montre des signes d’agressivité (alors qu’on parle quand même d’un gamin qui a vu sa mère être tronçonnée devant ses yeux, précisément à cause de Harry), et qui envoie le pauvre gosse à l’orphelinat en le séparant de son frère pour toujours. En le regardant partir en voiture avec Dexter dans les bras, en plus. Si ça, c’est pas une grosse ordure…

Et pourtant, la série donne à Harry la lumière d’un adjuvant, d’un personnage positif et solide sur ses appuis, qui a certes des failles mais qui reste un modèle pour Dexter. Pourquoi ? Espérons qu’une prochaine saison fasse tomber le personnage de son piédestal et fasse en sorte que toutes ses fautes lui soient enfin écrasées à la figure, parce qu’à ce stade, sa place dans le cœur des autres personnages est assez peu compréhensible. Maladresse de saison 1, ou problématiques habilement posées en vue d’une saison 2 ? Affaire à suivre.

Dexter : Les Origines est disponible en intégralité sur myCANAL depuis le 27 février.

Rédacteurs :
Résumé

Un prequel coincé entre ses imes scénaristiques et son charme indubitable. Les Origines évite soigneusement de satisfaire nos attentes et e à côté de son sujet, mais réussit à séduire là où on ne l’attendait pas.

Tout savoir sur Dexter
Vous aimerez aussi
Commentaires
Veuillez vous connecter pour commenter
4 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
SaulGood
SaulGood
il y a 2 mois

Totalement d’accord avec la série. On a un peu l’impression de voir une fan fiction de dexter jouait pas des lycéens (spoilers) : Deb qui forcément sort avec un gandster, Dexter qui suit un serial killer qui forcément est un proche (et donc X an plus tard plus personne ne parlerait du chef de la police qui tuait des gosses ?), etc…
Remarque annexe : on voit peut Sarah MG en effet et je fus attristé de constater qu’elle était en voir de Nicole Kidmanisation rapide…

at-tlantis
at-tlantis
Abonné
il y a 2 mois

sans surprise mais des acteurs vraiement bien et j’ai adorer regarder cette saison, vivement une validation officiel de saison 2