On a binge-watché Netflix ? Quelle drôle d’idée. Et pourtant la firme au N rouge veut sa part du gâteau jeu vidéo, bien qu’elle semble naviguer à vue.
Et pourtant, depuis 2021, la plateforme déploie sa division jeux vidéo. Discrètement. Très discrètement. Tellement que même des abonnés fidèles, du genre à suivre les moindres actus de The Witcher ou à mater BoJack Horseman en boucle, ignorent totalement qu’ils ont déjà accès à des dizaines de jeux, inclus dans leur abonnement. Qui plus est, la proposition est plutôt séduisante : pas besoin de payer plus, pas de pub, pas de pièges à microtransactions façon free-to-play.
Netflix a juste ajouté une collection de jeux disponibles sur mobile, planquée derrière une section de l’application que peu de gens prennent le temps d’explorer. Avec un catalogue qui aligne les superstars du jeu indé comme Hades, Spiritfarer et Braid avec des productions maison comme le jeu de poker Card Blast, Netflix prouve qu’il veut explorer tous les formats, même les plus inattendus. Alors pourquoi cette stratégie de discrétion ? Est-ce que Netflix sait où il va ou est-ce juste un énième coup de poker dans la guerre du divertissement numérique ?

Netflix joue à cache-cache avec ses propres jeux
La logique n’est pas sans rappeler certains secteurs voisins du divertissement : à l’image de casinos.com, qui recense et décrypte les expériences de jeu en ligne, Netflix semble tester un éventail de formats pour trouver ce qui accroche le mieux. Dans les deux cas, la règle est la même, puisqu’il s’agit de capter l’attention d’un public volatil en multipliant les points d’entrée.
Depuis 2021, les jeux Netflix sont disponibles via l’app mobile, à condition de savoir où chercher. Le centre d’aide officiel recense actuellement plus de 80 titres, entre adaptations de licences maison (Stranger Things: 1984, Narcos : Cartel Wars), petits jeux en mode détente pour casual gamers ou joueurs stressés (Cats & Soup, Teeter Up), et productions indépendantes acclamées (Oxenfree, Twelve Minutes).
Mais tout ça reste planqué derrière une interface pas vraiment conçue pour les mettre en avant. De ce fait, l’utilisateur moyen e à côté. Difficile de ne pas penser que Netflix ne sait pas comment faire briller son catalogue de jeux ni comment inciter ses abonnés à aller frayer du côté de son volet jeu vidéo.

Netflix jouable partout, tout le temps, sans manette
Jusqu’ici centrée sur le mobile, l’offre jeu vidéo de Netflix s’étend doucement. Certains jeux ont été testés sur navigateur. D’autres sont désormais disponibles sur App Store et Google Play Store. Une version pour Smart TV est en bêta, avec un concept malin, puisqu’elle propose d’utiliser son smartphone comme manette.
Si le public accroche à la proposition, Netflix pourrait transformer chaque salon en console de jeu, et ce sans hardware, comme ce que fantasme de faire Xbox depuis plusieurs années avec son Game . Pour jouer aux jeux Netflix, il suffirait juste d’un compte, d’un écran et d’un téléphone. Une promesse séduisante pour le grand public… mais encore loin d’être tenue. Car le véritable enjeu, c’est l’accessibilité de l’expérience de jeu. Le but de Netflix serait en réalité de vouloir rendre le jeu aussi simple à lancer qu’un épisode de série. On clique, on joue.

Tascan à la rescousse
En juillet 2024, Netflix a é la seconde. Alain Tascan, ancien vice-président d’Epic Games (là où Fortnite est né), a pris les commandes de la branche jeux. Son objectif est de transformer Netflix en plateforme de jeu accessible, instantanée, fluide. Pour ce faire, son pari est d’utiliser les technologies maison développées par Netflix pour créer une expérience cross-plateforme.
Dans son monde idéal, télé, smartphone, tablette, tout doit être compatible. Le smartphone resterait la manette, et le cloud gèrerait le reste. Le but serait d’appliquer la technologie du streaming vidéo, transposée au gaming. Et clairement, Tascan ne veut pas seulement alimenter le catalogue de jeux Netflix, il veut changer la façon dont on y accède. Là où PlayStation vend du prestige et Xbox mise sur l’abonnement, Netflix veut être le bouton « jouer » sur lequel on appuie sans réfléchir.

Dans une interview donnée à The Game Business en avril 2025, Alain Tascan a expliqué que l’avenir du jeu vidéo, selon lui, ne se jouera pas sur les consoles de salon, mais bien avec un smartphone en main.
« Regardez la nouvelle génération. Est-ce que les enfants de 8 ou 10 ans rêvent d’avoir une PlayStation 6 ? Je ne suis pas sûr. Ils veulent interagir avec n’importe quel écran numérique, peu importe sa nature, même dans la voiture. Avec une console, vous pensez automatiquement à la haute définition, à la manette… […] Si nous suivons ce vieux modèle, je pense que cela nous limitera. »

Familles nombreuses
C’est bien entendu sur l’axe de croissance que représentent les enfants que Alain Tascan veut miser avant tout. Netflix le sait, 15 % de ses abonnés consomment déjà du contenu jeunesse. Pourquoi ne pas leur proposer aussi des jeux ? C’est l’idée derrière des titres comme Vineyard Valley ou Teeter Up, conçus pour être faciles d’accès, calmes, et addictifs.
Et bien sûr, Netflix peut capitaliser sur ses IP maison : la série Baby Boss, Carmen Sandiego, Spirit Rangers… Ici la promesse implicite est simple : sur Netflix, on n’a pas besoin d’être un gamer hardcore. Tout le monde peut jouer.

Alors, est-ce qu’il y a un plan ? Oui. Est-il clair ? Pas tout à fait. Netflix rachète des studios (Next Games, Night School Studio), développe des outils de streaming pour le jeu, et cherche à relier ses jeux à ses séries. Malgré ça, le catalogue est encore un patchwork disparate. Un jour du poker, le lendemain un runner cartoon, puis un visual novel…
Cette approche bac à sable est peut-être ce qu’il faut pour bâtir quelque chose de durable. À force de tester, d’adapter, d’écouter les données, Netflix construit lentement un modèle original, sans console, ni store, ni plateforme cloud gaming traditionnelle… mais avec un peu de tout ça à la fois, en version Netflix.
Il y a aussi un très bon tactical qui s’appelle into the breach dans le catalogue.