60, 120, 240… Jusqu’à combien de FPS voit l’œil l’humain ?

Par Clément Goubil
1 avril 2025
© Spy Kids / Montage Écran Large

Dans le milieu vidéoludique comme cinématographique, la fréquence d’image compte. Qu’il s’agisse de production ou de retranscription, le nombre d’images par seconde change une œuvre et notre perception de celle-ci. Mais jusqu’où nos sens peuvent-ils suivre ? ée une certaine limite, pousser ce chiffre toujours plus loin ne relève-t-il pas du gadget inutile ?

Il ne vous aura pas échappé que vos yeux ne sont pas bioniques. Bien que l’on parle déjà de transhumanisme, les implants sont encore très rudimentaires et le futur représenté dans Terminator ou Cyberpunk 2077 reste relativement lointain.

Par conséquent, et malgré nos progrès en la matière, nos pauvres sens humains demeurent assez restreints. Pas de vision nocturne ni à rayons X, pas de perception des hautes vélocités ou de puissant zoom, alors à quoi bon démultiplier les capacités d’écrans dont personne ne profitera ?

acteur qui utilise un ordinateur dans Severance
Qu’elle semble loin, l’époque des gros écrans cathodiques…

Des limites physiologiques

Combien d’images par seconde notre œil peut-il percevoir ? En réalité, cette question n’est pas si évidente car cela dépend grandement du contenu que nous visionnons. Beaucoup affirment que la limite physiologique de l’œil se manifeste au-delà d’un certain seuil de FPS (frames per second), mais cela s’avère inexact car tout est une question de perception. Par exemple, un film projeté à 30 FPS n’en est pas pour autant moins fluide et à l’inverse, un adepte de gaming trouvera God of War : Ragnarök injouable s’il ne dée pas ce seuil.

Parler de limites physiologiques à la perception d’images par seconde revient à considérer l’œil humain comme une machine graphique à part entière. Cela fait fi de la puissance sensorielle du corps humain qui peut tout seul vous créer l’illusion d’un mouvement fluide, même à 12 images par seconde. On parle alors de « persistance rétinienne », autrement dit le fait qu’une image laisse une trace sur notre cornée environ 1/25ème de seconde après sa disparition.

C’est d’ailleurs ce même procédé qui nous permet de ne pas percevoir les frames noires entre les différentes images projetées au cinéma. À cela s’ajoute des raccourcis faits par votre cerveau pour rendre votre perception du monde plus fluide, à l’image de « l’effet phi » qui donne une impression de déplacement entre plusieurs images fixes.

On en connait un qui n’en a que faire de tous ces termes techniques…

24 images par seconde : la norme pour le grand écran

Le cinéma a bien compris l’intérêt de mieux exploiter les qualités d’illusion de notre cerveau car la fluidité n’est pas liée à l’augmentation systématique du nombre de FPS. En effet, les films s’en tiennent généralement à cette fameuse norme des 24 FPS qui fut déterminée dans les années 1920, principalement pour des raisons de coûts : il s’agissait alors du taux minimal d’images par seconde pour donner une impression de fluidité et de réalisme au film.

Au cours des années 2000, on a même vu des petits écrans diff les films en 14 FPS, sans que cela n’impacte grandement le rendu. Il faut dire que notre perception de la fluidité peut aussi varier en fonction de la surface de projection.

Personnage dans Avatar 2 La Voie de l'eau
Avatar 2 alterne entre 24 et 48 images par secondes.

Dans le même temps, il est bon de rappeler que la focale des caméras est capable de capturer le flou de mouvement (aussi appelé motion blur) en 24 FPS, et donc de créer cette illusion que notre cerveau perçoit naturellement. Ce petit détail permet aux films de se er d’un taux d’images par seconde plus élevé, tout en proposant une fluidité réaliste. 

Paradoxalement, les quelques films qui ont tenté de pousser les FPS se sont heurtés à un accueil plus que mitigé. On pense notamment à la trilogie Le Hobbit, qui a véritablement défrayé la chronique lors de sa sortie en 2012 à cause de son rendu jugé artificiel par une partie du public. Sans même parler des maux de crâne dont souffraient certains spectateurs en fin de séance…

Monstre dans le Hobbit : Un voyage inattendu
Premier réflexe en sortant du cinéma : se laver les yeux à l’eau de Javel.

Une plus grande liberté pour le gaming 

Dans les jeux vidéo, c’est assez différent. En effet, le rendu y est bien plus « brut » que celui d’une caméra, ce qui engendre des saccades en 24 FPS. Pour contrer ce phénomène d’images hachées, les développeurs ont donc essayé divers subterfuges avec, entre autres, un flou de mouvement artificiel qui atténue le ressenti de saccades.

Mais revers de la médaille : la visibilité en prend un sacré coup, rendant certains jeux pratiquement injouables avec cette option graphique. Essayez donc d’enchaîner les one shots au sniper dans Call of Duty : Black Ops avec le motion blur, et vous comprendrez.

Viser trois pixels avec du flou de mouvement peut vite devenir extrêmement frustrant.

Finalement, la meilleure solution restait donc d’augmenter le nombre de FPS pour garder un rendu fluide et réaliste, tout en conservant la netteté des éléments ambiants, si importants pour assurer une bonne jouabilité. Et à ce niveau, la limite est assez élevée puisqu’on estime que l’œil humain est capable de percevoir une différence jusqu’à 250 FPS, voire plus pour certains joueurs professionnels. Et au-delà de ce seuil, c’est la perception naturelle du flou de mouvement qui prend le relais.

Mais certains jeux n’ont pas abandonné le motion blur artificiel pour autant. Bien moins amplifié qu’il n’était à ses débuts, il permet en effet d’améliorer le rendu en dessous des 60 FPS et peut être désactivé à tout moment dans les options graphiques. Soit on aime, soit on déteste, mais au moins on a le choix.

Le « motion blur », ou meilleur moyen de tirer sur ses coéquipiers sans même s’en rendre compte.

Des avancées technologiques au profit d’une meilleure fluidité

La tendance semble s’orienter très clairement vers une augmentation des images par seconde sur des écrans de plus en plus accessibles, et le lancement de la nouvelle norme HDMI 2.2 au CES 2025 en est un parfait exemple. En effet, elle sera notamment capable de diff de la 4K jusqu’à 480 Hz, permettant ainsi de profiter d’une fluidité exceptionnelle qui était jusque là réservée aux définitions plus modestes.

Il y a aussi plusieurs fonctionnalités qui ont vu le jour comme le VRR (taux de rafraîchissement variable) pour éviter les saccades et le déchirement de l’image. Une norme que nous retrouvons désormais sur la majorité des écrans de 120 Hz ou plus.

Mais cela nous questionne également sur l’intérêt d’un tel affichage pour la majorité des utilisateurs, et notamment ceux qui ne se servent de leur écran que pour regarder des films et séries de temps à autre. À première vue, il semble difficile de percevoir une différence flagrante entre du 120 Hz et du 480 Hz sans avoir l’œil avisé, si ce n’est sur la facture d’achat…

FPS ou Hz : quelles différences pour quelle finalité ?

Avant tout, clarifions : pourquoi parle-t-on de hertz pour les écrans et de FPS pour le contenu ? Le premier exprime le taux de rafraîchissement dudit écran, soit un rafraîchissement de l’image 240 fois par seconde, pour un 240 Hz. Il en va de même pour les FPS qui, pour un jeu en 60 FPS, produira 60 images par seconde.

Mais si certains les utilisent de manière interchangeable, les hertz sont propres aux écrans et les FPS à ce qui produit les images (par exemple, ici, la carte graphique d’un ordinateur et le programme en question). En somme, l’un est en amont de l’autre, et posséder un écran ayant un nombre de hertz extrêmement élevé restera inexploité si le contenu propulsé tourne maximum à 30 FPS. Les deux se doivent d’être en adéquation pour améliorer les performances de rendu globales, et ce sont des critères importants pour bien choisir une TV ou un moniteur de PC. Autrement, c’est l’équivalent de louer une salle IMAX pour une soirée diapos en famille.

Nos capteurs naturels, aussi fragiles que puissants.

De la même manière, si un contenu tente d’afficher 120 FPS, mais que votre écran est limité à 60 Hz, vous ne pourrez bien évidemment pas le faire tourner à son maximum. Cela suppose aussi de posséder une carte graphique ainsi qu’un processeur puissant pour gérer le tout, d’autant plus si vous souhaitez garder une forte résolution simultanément.

Si toutes les planètes s’alignent et que votre fortune vous permet d’acheter une telle machine de guerre, alors les ressources pourront être exploitées à plein régime. Mais même dans ce cas, pour l’heure, investir dans un tel écran reste un pari sur l’avenir, notamment puisqu’il n’existe que très peu de films ou de contenus intégralement en 120 FPS.

Preuve par l’image (arrêtée) de l’atténuation du flou.

Une technologie inutile ?

Maintenant cela posé, revenons à notre « à quoi bon ? ». Certaines personnes insistent sur l’importance de pouvoir faire la différence au-delà de 240 Hz/FPS et donc tirer parti de telles configurations. Bien que cela ne plaide pas pour des modèles encore plus puissants, comme le dernier écran LG OLED qui a impressionné tout le monde, les solutions actuelles seraient donc à la portée de nos sens.

Cependant, les preuves de cela sont minces, voire inexistantes. La science n’a pas encore pu mettre en évidence, avec certitude, des capacités humaines déant un seuil de 120 Hz/FPS. Si des écrans cadencés à 360 ou 480 Hz peuvent rendre justice au format de certaines œuvres d’art, il est ainsi peu probable que nous en profitions réellement à notre niveau.

Si l’on considère le prix rédhibitoire de tels équipements et les infimes différences au-delà de 60 Hz/FPS, seules des personnes très investies dans le jeu sauteront a priori le pas (voire uniquement des gamers pro). Après tout, la fluidité d’un jeu ou la qualité de ses graphismes n’importe pas à tout le monde, et certains programmes sont techniquement peu exigeants.

Un des seuls domaines où cela importerait : les compétitions de e-sports.

Comment vérifier la fréquence de rafraîchissement de mon écran ?

Si vous avez oublié les spécifications de votre matériel actuel ou bien tout simplement perdu la notice, il vous suffit de pratiquer un test de cette fréquence directement via les réglages de votre moniteur.

Certains clients de jeux proposent aussi un calcul des FPS, comme Steam, pouvant afficher cette donnée dans un coin de votre écran. Si un ou plusieurs jeux vous semblent lents, les vérifier par ce biais peut confirmer qu’il s’agit bien du problème.

Évidemment, des sites existent aussi pour effectuer ce même calcul via un navigateur.

Jonathan Pryce - photo, Brazil, Charles McKeown
« J’ai perdu la notice… »

La force du milieu de gamme

Dans un futur proche, il est plus que probable que les cinéphiles optent plutôt pour des téléviseurs ou vidéoprojecteurs de qualité, et non de tels moniteurs. Seule la frange la plus technophile ou exigeante des joueurs reste en lice pour l’adoption d’écrans aussi performants.

Au-delà d’être sûr que cette différence de performances importe, il s’agira pour ce petit nombre de croire au développement technologique et à l’apparition de bibliothèques de contenus plus adaptées à leur équipement. Car, quitte à mettre plus de 1 000 euros dans un écran, autant s’assurer que le reste finisse par suivre.

Il serait aussi judicieux de s’assurer que les composants électroniques de ces machines peuvent être remplacés. Le pari est devenu bien plus risqué depuis l’irruption de la crise des semi-conducteurs et la raréfaction en cours des matières premières. Se payer le meilleur des écrans mais être en rade de RAM ou de carte graphique, ce serait ironique.

Des mouvements lents et du jeu contemplatif, c’est bien aussi.

Aussi, pour éviter que l’obsolescence ne nous rattrape avant d’avoir pleinement profité du moniteur, le plus fiable reste de se diriger vers un matériel plus qu’honorable, mais pas de pointe. Choisir une bonne configuration – Unreal Engine 5, la nouvelle référence des moteurs de jeux vidéo.

Cela devrait aussi pouvoir faire tourner la majorité des productions à venir en leur faisant honneur, quitte à optimiser vos réglages par de petits programmes harmonisant le ratio entre FPS et hertz.

En somme, il paraît superflu de considérer de telles fréquences de rafraîchissement/d’affichage à la lumière des limites du corps humain, des coûts ou de l’actuel manque de contenu. Certes, ces écrans restent des prouesses techniques, mais leurs applications sont finalement fort limitées.

Co-écrit avec Yan Gamard

Rédacteurs :
Vous aimerez aussi
Commentaires
Veuillez vous connecter pour commenter
4 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Bacraft
Bacraft
il y a 1 mois

Perso je déteste le 24 images secondes ça rend tout saccadé à mes yeux. Une fois l’interpolation d’images activé (par exemple trumotion sur LG) c’est tellement mieux. Et sur pc il y a svp qu’on peut même faire tourner avec l’ia sans artefacts autour des objets en mouvement avec des cartes rtx . Pour moi il n’y a pas photo, la seule raison que je puisse comprendre pour qu’on reste en 24 images secondes c’est que la taille du fichier serait trop grosse.

cidjay
cidjay
il y a 2 mois

le meilleur argument pour prouver que ces histoires de FPS c’est du flan, c’est un taquet sur la tête ! comme ça, on peut dire : hé bah, celui là tu l’as pas vu venir pourtant il était en 240 FPS temps réel, sans lag.

chridoum
chridoum
il y a 2 mois

Et pendant ce temps là les gens regardent leurs films et séries dans le métro… Sur leur téléphone