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Le Grinch : comment détester Noël est devenu cool grâce à Jim Carrey

Par Elliot Amor
20 décembre 2022
MAJ : 21 mai 2024
Le Grinch : Affiche officielle

Vous avez encore reçu des chaussettes à Noël ? Vous n'osez pas dire à vos proches que Noël vous débecte ? Vous avez notre soutien, et celui du Grinch de Jim Carrey.

Ron Howard, Le Grinch est un film parfait pour les fêtes de fin d'année devenu (un peu) culte grâce, notamment, à la performance clownesque de Jim Carrey dans le rôle-titre. On revient sur ce long-métrage et ce qui le rend si particulier dans nos cœurs aigris.


photoSourire ravageur

 

Le Vert Noël

Le Grinch trouve ses origines dans la courte nouvelle Le Grincheux qui voulait gâcher Noël du Dr. Seuss, également papa du Chat chapeauté, du Lorax et de Horton. Publié en 1957, le livre pour enfants devient très vite un classique de Noël aux États-Unis, ce qui lui vaut d'être adapté par le brillant Chuck Jones dans un court-métrage d'animation quelques années plus tard. Comment le Grinch a volé Noël ! est donc diffusé chaque année à partir de décembre 1966 sur les chaînes américaines. Le cartoon est aujourd'hui encore plus culte que le conte d'origine, c'est d'ailleurs l'œuvre qui a donné le plus d'idées à Ron Howard pour son adaptation en 2000.

En effet, lorsqu'une œuvre littéraire bénéficie déjà d'une adaptation culte, peu importe son format, le réalisateur d'une nouvelle adaptation peut difficilement l'ignorer. Et donc, en plaçant de nombreuses références au chef-d'œuvre d'animation, Ron Howard signe un film cartoonesque et burlesque. Qui de mieux que Jim Carrey pour incarner le personnage principal d'un tel film ?

 

Grinch (Le) : Photo , Jim CarreyUn visage malléable

 

Le Dr. Seuss a longtemps refusé de vendre les droits de son Grinch aux studios de cinéma. Même après sa mort en 1991, sa veuve Audrey Geisel protégeait farouchement le bébé. Ce n'est qu'en 1998 qu'elle proposa de vendre les droits sous certaines conditions. L'une d'entre elles stipulait que le Grinch devait être interprété par un acteur de la trempe de Jack Nicholson, Robin Williams, Dustin Hoffman ou encore... Jim Carrey. En clair, elle limitait le choix à ces quatre acteurs, déjà des monuments à l'époque. La 20th Century Fox a même proposé d'adapter la nouvelle avec Nicholson dans le rôle titre.

Mais Jim Carrey, le plus jeune des quatre, avait un avantage par rapport à ses collègues. Cet avantage se nomme The Mask. L'acteur avait été justement choisi pour incarner le Mask car son talent allait permettre au studio de faire des économies d'effets spéciaux. Son visage élastique étant capable de bien des choses. Et vu que le rôle du Grinch requiert un talent similaire, on pense la question elle était vite répondue. Audrey Geisel accepta de céder les droits à Universal sans trop de difficultés ; les idées de Ron Howard et le talent de Jim Carrey (et 9 millions de dollars) l'ont vite convaincue.

Le tournage commença alors en septembre 1999, non sans difficulté étant donné que le maquillage du Grinch réclamait presque trois heures de travail chaque matin (le premier essai avait duré huit heures et demi) contre une heure de démaquillage le soir. Pour se faire une idée de la difficulté technique (et morale), le réalisateur a tenté l'expérience en revêtant le costume du Grinch pendant toute une journée de tournage. Et après quelques jours de tournage, la légende raconte que le studio aurait engagé un employé de la CIA spécialisé dans la torture pour aider Carrey à er ça tous les jours.

 

fabulousBitch, I'm fabulous

 

Il était une foire

Après l'introduction du narrateur (qui se contente de reprendre le texte de Dr. Seuss), Le Grinch commence comme un teen movie d'horreur. À l'approche de Noël, quatre adolescents se promènent au nord de Whoville (là où vivent les Whos) et aperçoivent une porte menant vers l'antre du Grinch. Ce dernier n'est pas considéré comme un Who par les habitants, il est perçu comme un ogre, un monstre se nourrissant de leurs déchets et qui, par dessus tout, déteste Noël. 

Détester Noël est comme une hérésie à Whoville, un village dans lequel tout le monde rentre bien sagement dans le moule consumériste. Ne pas apprécier les cadeaux, les décorations et les chants est donc impensable pour le moindre Who. Le Grinch n'a donc pas d'autre choix que de se réfugier dans sa montagne, loin des guirlandes et des grelots. Ce côté outsider est ce qui a poussé Jim Carrey à accepter le rôle, au-delà du fait que le personnage soit complètement fou (donc parfait pour l'acteur).

Si on a envie de prendre la défense du Grinch, c'est parce qu'il est un personnage profondément humain auquel on peut facilement s'identifier. Il est moche mais se trouve beau (tout en sachant qu'il est moche), il est dépressif et fier de l'être, casanier, accro à la bouffe, grossier, il fait des allusions sexuelles à la moindre occasion, etc. Dans le monde réel, personne ne se comporte chaque jour comme un Who moyen, mais tout le monde connaît au moins un Grinch. Et si vous n'en avez pas dans votre entourage, c'est peut-être parce que vous êtes le Grinch.

 

photo« Est-ce que je mange parce que je m'ennuie ? », LA question de 2020

 

Le conte d'origine n'inclut que très peu de personnages, alors que le film de 2000 en développe beaucoup. L'intrigue nous propose par exemple une origin story du Grinch. Ron Howard a également eu l'idée de donner beaucoup plus d'importance au personnage de Cindy Lou Who (joué par Taylor Momsen, la fondatrice du groupe The Pretty Reckless) qui est dans un premier temps la seule à tendre la main au Grinch. Elle permet donc au « héros » d'avoir foi en l'humanité et en l'esprit de Noël. Car au fond, le Grinch de Jim Carrey et Ron Howard ne déteste pas Noël, il déteste les gens.

Le film va beaucoup plus loin que la nouvelle du Dr. Seuss dans l'idée que Noël n'est pas juste une affaire de cadeaux sous des sapins. Ron Howard s'attaque ouvertement au consumérisme, à l'hypocrisie et à l'individualisme qui se manifestent à l'approche des fêtes (plus intensément que durant le reste de l'année). Ces concepts que le Grinch méprise de toute son âme sont incarnés par le personnage du maire Augustus (méconnaissable Jeffrey Tambor) et régulièrement remis en question par la petite Cindy Lou, apparemment la seule qui pense par elle-même à Whoville.

 

Photo Jim Carrey, Taylor MomsenMême la princesse Leia n'en fait pas autant avec ses cheveux

 

Green is the new black

La production de How the Grinch stole Christmas a coûté 123 millions de dollars, c'est beaucoup et ça se sent quand on regarde le film. De nombreux plans sont intégralement en images de synthèse, notamment le travelling avant qui démarre le film et nous plonge à l'intérieur d'un flocon de neige, ou le plan final qui en sort ; ce dernier n'est d'ailleurs pas sans rappeler le début de  de Robert Zemeckis.

Le décor de Whoville ayant été construit à l'extérieur des studios d'Universal, tout près du Bates Motel de Psychose, les environs du village ont dû être retravaillés en postproduction. Le paysage, les nuages et le soleil sont donc systématiquement des images de synthèse lors des plans très larges et sont plus convaincants que dans certains blockbusters des années 2010 (on ne vise pas du tout certaines productions Disney, vraiment pas).

De plus, le film utilise des méthodes similaires à la trilogie du Seigneur des anneaux pour créer des « figurants » en images numériques dans les plans qui surplombent Whoville. Ça ne se voit pas trop et ça évite d'avoir à maquiller un millier de figurants car, hormis les enfants, les Whos ont tous des nez de rongeurs, tandis que le cartoon de Chuck Jones les présentait un peu comme le Grinch avec des couleurs différentes et moins de poils. Le film leur donne une apparence plus humaine pour intensifier le contraste avec le protagoniste.

 

photo, Jim CarreyOn ne peut s'empêcher de vous bombarder d'images de cette beauté animale.

 

En plus de sa mise en scène cartoonesque et burlesque, Ron Howard n'accepte aucune ligne droite dans son décor, cette règle s'appliquant au moindre accessoire. Ce qui évoque non seulement le court-métrage de 1966, mais aussi des chef-d'œuvres d'animation comme L'Étrange Noël de monsieur Jack. À cela s'ajoutent de nombreux plans débullés et un montage au rythme effréné et très bien maîtrisé.

Le Grinch a récolté 363 millions de dollars au box office mondial, ce qui a suffi à rembourser les frais de production (123 millions) et de distribution, mais cela ne fait pas de lui un succès mémorable. La presse était également très divisée à l'époque. De notre côté, il nous rappelle que Ron Howard a beau être parfois un yes man, il est aussi un réalisateur avec de vraies idées de mise en scène. Si le film n'a pas su capter votre attention dans les années 2000, peut-être la mérite-t-il aujourd'hui.

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Sanchez
Sanchez
il y a 2 années

Pour l’anecdote :
Le maquilleur de Jim Carey a fait une dépression suite au film tant l’acteur était ignoble avec lui . Il a dit en itw il y a pas si longtemps que c’est l’être humain le plus ignoble qu’il ait jamais vu. Voilà qui écorche un peu la légende

Eric
Eric
il y a 4 années

Je suis allé voir le Grinch lors de sa sortie en salle. Je dois bien dire que je n’en garde pas un bon souvenir. Je n’étais jamais vraiment entré dans l’histoire et l’univers. Mais je dois bien avouer que la lecture de votre article m’incite à aller y jeter un nouveau coup d’œil si l’occasion se présente. Au plaisir de vous relire…