En 2011, Warrior, vrai drame familial dissimulé derrière un grand tournoi d'arts martiaux mixtes.
Depuis janvier 2020, date de sa légalisation dans l'hexagone, le phénomène MMA (Mixed Martial Arts) prend de plus en plus d'importance en . Sport de combat mélangeant techniques de pieds-poings et d'affrontements au sol, cette invention américano-brésilienne – longtemps victime de son image plutôt sulfureuse – a fait son entrée dans les foyers français par l'intermédiaire d'athlètes comme la fierté nationale Cyril Gane et de diffuseurs très impliqués dans sa promotion.
Du côté du cinéma, la récupération de ce sport à l'imagerie extrême ne s'est pas fait attendre. Le premier évènement officiel et encadré de l'ère moderne des arts martiaux mixtes, l'UFC (Ultimate Fighting Championship) a lieu le 12 novembre 1993 sur le sol américain. Même si quelques métrages ont pu, par le é, évoquer la discipline au travers de combats sanglants et/ou illégaux – à l'image du fameux Bloodsport ayant révélé Jean-Claude Van Damme – c'est dans les années 2000 qu'une multitude de films ayant pour sujet central le MMA trouvent le chemin des sorties vidéos (et rarement des salles).
Mais les Never Back Down, Fighting, la tentative française Scorpion ou encore les suites d'Un seul deviendra invincible (la franchise délaisse la boxe pour les arts martiaux à partir de son second volet) se heurtent tous à la même limite : celle d'utiliser le MMA uniquement en tant que prétexte à des affrontements barbares, souvent en marge d'une quelconque réglementation. Warrior, sorti en 2011 et paré d'ambitions tout autres, tente de changer la donne.
Ici, on fait les choses dans les règles
Eye of the tiger
La carrière du réalisateur et scénariste américain Gavin O'Connor suscite généralement assez peu d'enthousiasme. En effet, les Mr Wolff, Le prix de la loyauté ou encore Jane got a gun auront eu bien du mal à ionner les foules, la faute à un classicisme e-partout à minima soporifique. Mais parmi l'amoncellement d'oeuvres à la qualité aléatoire fourni par le cinéaste en activité depuis les années 90, il existe une grande exception. Warrior ne transcende certes pas les principes de mise en scène d'O'Connor, mais dégage une telle ion qu'il parvient à fédérer un public amateur ou non d'arts martiaux mixtes.
Le premier ingrédient du succès du métrage est aussi évident que rare : Gavin O'Connor ne tente simplement à aucun moment de travestir son sujet. Après quasiment 20 ans d'existence, l'évolution et la professionnalisation du MMA ont amené le sport à s'orienter vers une approche plus technique et stratégique, bien loin des empoignades sauvages des premières compétitions. ettons-le d'emblée : les arts martiaux mixtes sont finalement tout sauf cinégéniques. Les longues phases d'observation et de lutte des véritables combats n'ont en effet pas grand-chose en commun avec les compilations sanglantes disponibles sur n'importe quelle plate-forme d'hébergement de vidéos.
En tant qu'élément central d'un certain cinéma d'exploitation, le MMA est assez peu représenté à sa juste valeur, et les combats de série B se contentent d'enchainer les séquences spectaculaires et graphiques, pourtant minoritaires en condition réelle. Gavin O'Connor adopte l'approche inverse, en s'employant à respecter l'argument premier de son film : présenter des affrontements crédibles.
Pour se faire, le réalisateur structure son casting autour de personnalités expérimentées. Joel Edgerton dispose déjà d'un bagage conséquent en tant que pratiquant de jiu-jitsu brésilien, et dans la cage se succèdent le combattant de l'UFC Anthony Johnson et le lutteur olympique et catcheur Kurt Angle (ersatz de la légende russe de la discipline Fedor Emelianenko). Frank Grillo, que l'on retrouvera dans la série centrée autour du MMA Kingdom, apparait en tant qu'entraineur et propriétaire d'un gymnase.
Seul Tom Hardy, vierge de toute expérience du combat, montre quelques réticences avant d'accepter le rôle de la machine à cogner Tommy Conlon. L'acteur s'engage finalement dans une préparation intense impliquant des heures d'entrainement à diverses pratiques martiales et un régime hyper-protéiné. Le résultat, tant physique que technique, est plus que convaincant.
Juste un peu d'entrainement et ça ira
Hard Knock Life
Pour s'extirper de la nasse des films de combat génériques, Warrior choisit de placer les affrontements en cage au second plan. En tout cas, les évènements internes aux rings ne sont jamais une cause, mais plutôt une conséquence des relations établies entres les protagonistes. De cette manière, Gavin O'Connor parvient à conserver la puissance de ses duels sans jamais avoir besoin d'amplifier leur portée graphique. La véritable lutte à bien lieu à l'extérieur de l'octogone, et les combats ne sont plus qu'une issue cathartique aux différents conflits ayant pourri en coulisse.
Warrior n'est donc jamais une série B d'action parmi tant d'autres, mais un véritable drame sportif, genre auquel le réalisateur s'était déjà essayé avec Miracle en 2004. Car oui, le film d'O'Connor est avant tout une histoire de famille brisée, et de réconciliation impossible. Le métrage débute alors que Tommy Conlon, ancien prodige de la lutte, renoue avec son père et ex-entraineur Paddy (Nick Nolte impérial). L'autre membre de la fratrie, Brendan, combattant de l'UFC reconverti en professeur de physique, voit les difficultés financières s'accumuler et le bien-être de sa femme et de ses filles remis en cause.
Tous deux emmenés par la même rage de vaincre, issue de motivations différentes, mais louables, les deux frères finiront par se retrouver dans la cage du Sparta, le plus grand tournoi d'arts martiaux mixtes de l'histoire du sport. Une bonne occasion de trancher entre rancoeur et pardon, à la seule force des poings. Comme le reste de la filmographie de son réalisateur, Warrior se structure autour d'une formule classique, mais efficace, sans se priver de filer droit vers une issue attendue.
C'est d'ailleurs cette construction didactique, et son emploi parfait par le scénariste-réalisateur, qui confèrent au film ce supplément d'âme suffisant à l'élever au-dessus de la production habituelle de son auteur. Gavin O'Connor reconnait ses modèles, et exploite parfaitement leurs ficelles, sans jamais se perdre dans la redite grossière. L'ombre d'un Rocky parfaitement digéré n'est jamais très loin.
Zero tracas, zero bla-bla
Warrior puise donc à chaque instant dans la codification des grands drames sportifs, et de ses archétypes récurrents. Comme durant l'ascension du boxeur de Philadelphie, Gavin O'Connor s'appuie sur le parcours de l'outsider pour donner à ses combats toute la puissance émotionnelle d'un affrontement mythologique entre l'humain et la vie elle-même. Tommy et Brendan, tous deux sonnés par les coups répétés d'une existence chaotique, trouvent sur le ring un moyen d'exister à nouveau.
Dans les faits, cela se traduit par le comportement antagoniste des deux combattants. Tommy, mu par une rage foudroyante, se transforme en machine de guerre inébranlable tandis que Brendan progresse, comme lors de ses combats quotidiens, grâce à sa volonté et une capacité à encaisser quasi surnaturelle. Plus besoin de transformer le MMA en démonstration graphique, l'ascension simultanée des deux frères vers leur chance de rédemption suffit à offrir aux joutes finales la dimension qu'elles méritent.
Encore une fois, c'est en regardant du côté de ses illustres prédécesseurs que Warrior trouve son salut, à grands coups de montages d'entrainements et de situations désespérées qui ne demandent qu'à être retournées pour finalement offrir, au bout de son build-up efficace, la fin parfaite combinant exploit sportif et défaite héroïque, comme si le Balboa des deux premiers Rocky se scindait en une double incarnation à l'écran.
Enfin, Warrior rappelle à nos esprits embrumés par Venom à quel point Tom Hardy pouvait être un acteur formidable, avant de se perdre dans les doutes tragi-comiques de son symbiote extraterrestre. Transfiguré, physiquement impressionnant (plus encore que dans la peau du Bane de The Dark Knight rises), l'acteur dégage une puissance terrifiante, sur et en dehors des rings, en faisant simplement ce qu'il sait faire de mieux : laisser parler son langage corporel et sa prestance naturelle, pour incarner un boulet de démolition prêt à tout détruire sur son age.
Warrior n'est évidemment pas un succès retentissant en salle (le film ne parvient même pas à être rentable, en ne récoltant que 24 millions de Dollars pour 25 de budget), mais bénéficie d'un flatteur bouche-à-oreille critique. Le long-métrage conserve une saveur particulière pour Gavin O'Connor, qui le considère toujours comme son projet le plus personnel et ne désespère pas de l'adapter au format télévisuel. La série, plusieurs fois annoncée depuis 2020, ne semble toujours pas avoir trouvé de diffuseur au moment de l'écriture de ces lignes.
Toujours est-il que malgré son déroulé classique et sans surprise, Warrior continue de briller de par sa sincérité et la force de l'interprétation de son casting à l'implication sans failles. Attendu, parfois un peu tire-larmes, le film porte sur lui les cicatrices laissées par des monuments cinématographiques probablement trop lourds à porter pour les épaules de son réalisateur. Malgré tout, l'histoire de la famille Conlon, bien que racontée mille fois auparavant, peut difficilement laisser indifférent.
Surtout, au moment de considérer les regards sincères et respectueux portés sur une pratique à l'époque déconsidérée — et jugée barbare et dangereuse par les non-initiés — personne ne fait réellement mieux. La boxe a Rocky, Raging Bull ou Ali pour la représenter. Le MMA dispose avec Warrior d'un champion convenu, mais solide, jusqu'à ce qu'un challenger soit assez courageux pour venir le déloger.
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C’est un film génial, et le grand Nick Notle y tient l’un de ses plus beaux rôles.
Perso j’ai trouvé le film excellent et spectaculaire.
Beaucoup d’émotions et de combats bien choregraphiés.
Pour moi, la decouverte de l’acteur Tom Hardy.
Et pour les fans, je conseille le remake indien supervisé par le réalisateur de Warrior qui est aussi bon sinon meilleur : Brothers avec Ashkay Kumar.
Je n’arrive pas a piger que le mma rapporte autant et intéresse tant de gens. Ya vraiment du monde qui paie oour voir 2 gus se castagner? Ça me dee complètement cette soif de violence-spectacle.
Un film pour banlieusard, sensationnaliste et bas du front.
@Marvin alors c’est très réducteur de dire que le MMA est de longues phases d’observation et de lutte. C’est comme la boxe, il y a des combats parfois ennuyeux. Mais bon, Mc Greggor, Diaz, Masvida, Gaethje…. il y a tellement de combattants spectaculaires.
Je suis le MMA depuis le début aussi, d’ailleurs c’est Warrior qui m’a donné envie de m’y interesser.
@zarbiland
Je suis là discipline depuis le début 😉
Les articles doivent s’adresser à tout le monde, mais j’ai bien vu les deux Jones Vs Gustaffson. Bref.
Mon film de combat sportif préféré. Je l’ai vu 3 fois, Tom Hardy est monstrueux et exceptionnel
J’ai versé une larme à la fin et mis la musique de la fin « »about today » dans ma playlist « Best of »
Par contre la description du MMA me laisse penser que l’auteur de ces lignes n’a vu que le combat de Jones contre Gane. Qu’il regarde le match de ce même Jones contre Gustafsson sur youtube pour revoir son jugement.
Excellent film
Le meilleur film sur le MMA, qui est surtout l’histoire d’une famille disfonctionnelle et d’un affrontement fraternel épique.
Du grand cinéma.
C’est mieux que Rocky