Retour sur Samuel L. Jackson dans un buddy movie d'enfer.
Dans le paysage du cinéma d’action américain contemporain, la saga Die Hard tient une place de premier ordre, pour le meilleur comme pour le pire. En effet, si John McTiernan, a tout simplement révolutionné la structure du genre jusque dans ses fondements, la franchise de John McClane (Bruce Willis, héros hollywoodien toujours au mauvais endroit, au mauvais moment) a connu une déchéance progressive au fil des années.
En effet, son dernier opus en date, Die Hard : Belle journée pour mourir (2013), a été vécu comme une trahison terrible par les fans, en plus d’avoir définitivement tué dans l’œuf une saga légendaire du cinéma d’action américain, dont le héros était devenu une caricature de lui-même au fil du temps. Mais avant les quatrième et cinquième opus très controversés de la franchise, tout le monde s’accordait à peu près à considérer la trilogie originale comme culte, en particulier son troisième volet, Une Journée en Enfer.
Un miroir inversé de Piège de cristal, qui marque le retour du cinéaste John McTiernan à la réalisation, après qu'il ait laissé la place à 58 minutes pour vivre. Mais en plus d’être une suite parfaite au premier film et l’un des meilleurs buddy movie du genre avec son duo culte, Une Journée en Enfer marque également une étape historique dans le cinéma d’action américain. À l’aube d’une nouvelle décennie où les attentats du World Trade Center vont tout simplement changer la donne du blockbuster hollywoodien.
On revient donc sur cette suite qui s’est imposée comme un autre monument du genre, et peut-être même comme l’un des derniers (si ce n’est LE dernier) d’une époque révolue du film d’action américain.
"Sans blague, Ecran Large parle encore de moi, c'est ça ?"
« Simon Says… »
On peut dire qu’Une Journée en Enfer a été un sacré bordel dans son écriture et son développement. En effet, plusieurs scénarios ont été envisagés avant celui pour lequel est crédité le scénariste Jonathan Hensleigh (qui poursuivra par la suite dans la veine des jeux de pistes ludiques, avec Jumanji). La première ébauche proposée était un Die Hard sur l’eau, avec John McClane et sa famille qui se retrouvaient face à des terroristes lors d’une croisière aux Caraïbes. Un script qui fut abandonné suite à la mise en chantier de Piège en haute mer avec Steven Seagal, avant d’être recyclé pour Speed 2 : Cap sur le danger (la saga est donc ée à côté d’une première catastrophe).
La deuxième version proposait quant à elle ni plus ni moins que la prise de contrôle du métro de Los Angeles (une idée qui fait étrangement écho au climax de Speed, le sous-Die Hard de Jan de Bont, avec Keanu Reeves). Bruce Willis s’opposa à cette version, l’interprète de McClane préférant que son héros puisse courir dans une unité de lieu plus vaste pour ce troisième volet. C’est alors qu’apparut sur la table le script de Jonathan Hensleigh (intitulé dans un premier temps Simon Says), que le producteur Joel Silver voulait d’abord utiliser pour L'Arme fatale 3.
Quand Keanu se prend pour McClane
Après quelques réécritures pour coller au style de la saga McClane (Zeus, initialement un personnage féminin, devint un homme, incarné par Samuel L. Jackson), la production se lança à la recherche d'un nouveau réalisateur pour ce troisième film, avant de se tourner de nouveau vers John McTiernan, à qui l’on doit l’original. De son côté, le réalisateur de Predator essuyait les échecs commerciaux successifs de deux projets plus personnels, à savoir d'abord Medicine Man (1992), pour lequel il retrouvait l'acteur britannique Sean Connery, après À la poursuite d'Octobre Rouge.
Puis, Last Action Hero (1993), une brillante réflexion méta sur le cinéma d’action hollywoodien devenue culte, avec Arnold Schwarzenegger, dont l'échec critique et commercial retentissant le mettait dans un sacré embarras.
Dans un besoin de renouer avec le succès au box-office, le cinéaste américain accepta de revenir à la franchise lorsque la Fox lui proposa de réaliser Une Journée en Enfer. Et le retour de McTiernan résonne comme une évidence dans le résultat final, tant ce troisième opus ressemble à une suite directe à Piège de Cristal, pour ne pas dire qu’il en est le miroir inversé sur à peu près tous les aspects, de son écriture à sa mise en scène.
Métaphore du dilemme moral de John McTiernan face à la Fox
Piège à l’horizontale
Si Piège de Cristal a été une révolution dans le genre du cinéma d’action américain, à la fin des années 80, c’est surtout grâce à la structure narrative avec laquelle McTiernan met en scène l’action et le corps de son personnage. Tout le principe du premier opus résidait dans le fait que McClane devait littéralement faire corps avec un building, évoluant tel un personnage de jeu vidéo à travers les étages du Nakatomi Plaza. Une unité de lieu unique, dont la verticalité conférait à sa progression une dimension cathartique.
Il n'est question ni plus ni moins que d’un corps ordinaire (à l’opposé d’un Sylvester Stallone ou d’un Schwarzenegger), qui en prend pour son grade dans ce qui ressemble à un chemin de croix. Un chemin de croix au cours duquel McClane saigne littéralement des pieds. Et avec Une journée en Enfer, John McTiernan renouvelle ce contrat avec son héros, en inversant la tendance de l’unité de lieu, qui devient cette fois-ci horizontale, s’élargissant dans l’entièreté d’une ville (New York cette fois, et non Los Angeles). Un choix qui répond également aux envies de Bruce Willis, qui souhaitait un terrain plus vaste pour l’action (autant dire qu’il a de quoi être servi).
Là où John McClane était seul face aux terroristes dans Piège de Cristal, il se retrouve embarqué dans une nouvelle Journée en Enfer, mais cette fois-ci avec Zeus en guise d’acolyte. La présence de Samuel L. Jackson, engagé sur le conseil de Bruce Willis (après leur collaboration sur Pulp Fiction), permet également de renouveler la dynamique du personnage de McClane, en lui imposant un duo. Cela donne au métrage une dimension buddy movie, certes classique (surtout après L'Arme fatale), mais sacrément efficace. Grâce à deux excellents acteurs, il ne fait aucun doute que l’énergie du duo contribue grandement au renouvèlement de la recette Die Hard pour ce troisième opus.
Et évidemment, le véritable renouveau de cette suite réside dans sa dimension de jeu de pistes, à la fois cruel et extrêmement jouissif. Là où la dimension ludique du premier opus s’illustrait dans le face à face entre Hans Gruber (Alan Rickman) et John McClane (via un talkie-walkie), elle se retrouve cette fois-ci dans les énigmes que Simon (Jeremy Irons) impose à John et Zeus. Sur la base du jeu "Jacques a dit" ("Simon Says", en VO), l’antagoniste de ce troisième film fait courir nos héros à travers les rues d’un New York à feu et à sang, là où John McClane en faisant baver à Hans Gruber dans le premier film, en décimant un par un les membres de son équipe.
Lorsque McClane découvre la véritable identité de sa némésis, Simon Gruber (le frère de Hans, donc), tout devient très clair : Une Journée en Enfer raconte littéralement l’histoire d’une vengeance à grande échelle, comme son titre VO l’indique (Die Hard with a Vengeance, ou Marche ou Crève : Vengeance définitive, dans son titre québécois qui a le mérite d’être encore plus explicite). Au-delà d’être le miroir inversé de son prédécesseur, Une Journée en Enfer est donc la vengeance de Piège de Cristal, ce qui en fait la suite directe et parfaite sur tous les points, voir la définition même du terme "Bigger than life" pour qualifier une suite qui fait toujours plus grand, plus fort.
Tellement plus grand dans sa destruction massive à grande échelle qu’il se confronte même au spectre de son époque, les années 90. Une période où l’on pouvait encore montrer sur grand écran un New York en proie au chaos, avant que deux avions ne viennent percuter les deux tours du World Trade Center le matin du 11 septembre 2001. Un évènement qui va conférer une dimension funèbre à pas mal de blockbusters de cette époque, dont Une Journée en Enfer pourrait être l’un des derniers représentants. Le symbole d’une époque révolue du cinéma d’action américain.
Un antagoniste de taille (et qui a la classe)
Le dernier des Die Hard ?
Une Journée en Enfer est tellement devenu indissociable des attentats du World Trade Center que son contexte de sortie en devient presque annonciateur des évènements survenus le 11 septembre 2001. En effet, le film de John McTiernan sort en mai 1995 aux États-Unis, soit un mois après le tristement célèbre attentat d’Oklahoma City, considéré à l’époque comme l’acte terroriste le plus destructeur sur le sol américain.
Cette attaque avec un véhicule piégé visant un bâtiment fédéral rentre par ailleurs étrangement en coïncidence avec le scénario de Jonathan Hensleigh, dans lequel Simon Gruber et ses hommes prennent d’assaut la réserve fédérale d’or de New York. Un cambriolage avec un plan très réaliste et crédible, qui valut au scénariste d’être interrogé par le FBI, alarmé par les précisions du scénario (notamment en ce qui concerne la proximité entre la banque fédérale et le métro).
Ajoutez à cela que le métrage s’ouvre à l'aube d'une belle journée ordinaire, dans la ville qui ne dort jamais, soudainement interrompue avec une violence rare par un attentat à la bombe sale qui souffle l’entièreté d’un magasin new-yorkais, et Une Journée en Enfer devient un film d’action définitivement ancré dans le contexte de son époque. La proximité entre l’attentat et la date de sortie perturbe tellement McTiernan que ce dernier songe à repousser la sortie du long-métrage sur le territoire domestique, craignant que certaines scènes d’action puissent heurter le public américain, seulement un mois après l'évènement.
De son côté, la n’échappe pas à ce contexte douloureux, puisqu’Une Journée en Enfer sort en juillet 1995, soit durant une vague d’attentats qui frappe Paris (dont un ayant lieu dans le RER B, le 25 juillet). Si cet acte n’impacte pas directement la sortie du long-métrage, qui n’est ni annulée ni repoussée, il jette un voile assez funèbre sur le film d’action, dont la promotion met l’accent sur son côté "explosif" (notamment avec des affiches montrant Bruce Willis, et son débardeur sale, devant une énorme explosion).
Et explosif est un adjectif qui sied parfaitement à ce troisième Die Hard, tant le chaos urbain qui y est mis en scène est assez inédit dans la saga pour son époque, pour ne pas dire dans l’ensemble du cinéma d’action américain, période 90’s.
Un duo un peu moins "buddy movie"
Quelques années plus tard, Die Hard 4 : Retour en enfer (2007) vient tenter de boucler la boucle (non sans quelques maladresses), en transposant l’esprit de la saga à l’heure du Cyberterrorisme, dans une Amérique post-11 septembre. Sur un scénario de Mark Bomback (scénariste d’Unstoppable, dernier film très sous-estimé de Tony Scott), Len Wiseman (Underworld) met en scène un Die Hard 4.0 (ce fut l’un des premiers titres originaux du métrage, avant de devenir Live Free or Die Hard), où les terroristes sont cette fois-ci des hackers qui s’en prennent aux marchés boursiers.
L’or que Simon Gruber volait (en s’introduisant physiquement dans la banque fédérale) est devenu une denrée virtuelle, une donnée informatique à quelques clics de la portée de Thomas Gabriel (Timothy Olyphant), un ancien analyste du FBI qui exécute une vengeance à grande échelle assez semblable à celle de Gruber, mais cette fois-ci depuis un ordinateur. La dimension "Cyber" de cette menace terroriste confirme que la saga a opéré un revirement post-11 septembre avec son quatrième opus, achevant de faire d’Une Journée en Enfer le dernier Die Hard d’une époque révolue.
Thomas Gabriel, un antagoniste vraiment méchant (qui parle aussi au talkie-walkie)
La fin d’une époque
Lors de sa sortie dans les salles américaines au printemps 1995, Une Journée en Enfer ne rencontre pas le succès attendu auprès du public américain, ne récoltant qu’un peu plus de 100 millions de dollars au box-office domestique (pour un budget de 90 millions). En revanche, son score mondial en fait le plus gros carton de l’année, avec plus de 366 millions de dollars (et plus de 3 millions d’entrées en ).
Si les attentats de Paris n’ont pas empêché les Français de se rendre en salles pour découvrir la troisième aventure (très) explosive de John McClane, le succès aura été moindre du côté des Américains. Ce qui peut s'expliquer par l’impact de l’attentat d’Oklahoma City, plus susceptible d’évoquer un trauma collectif chez les Américains que Français, à travers les images de destruction massive du métrage. John McTiernan semblait même craindre l’impact négatif de son film d’action sur le public au point de tourner une fin alternative plus optimiste que la fin originale prévue, que le cinéaste jugea trop cruelle, notamment par rapport à la personnalité de son héros.
Dans cette fin alternative (disponible sur le DVD du film), Simon Gruber parvient à s’échapper avec l’or de la banque fédérale, laissant McClane et Zeus à leur sort. Quelque temps plus tard, alors que Gruber coule une retraite tranquille en Europe de l’Est, c’est un John McClane débarrassé de son insigne de lieutenant qui le retrouve pour le forcer à jouer à un jeu d’énigmes semblable à ses "Simon says…", mais cette fois-ci à la roulette russe, avec une arme sans organes de visée. Lorsqu’il échoue après quelques tours, Simon retourne l’arme contre John… pour finalement se suicider involontairement, le coût partant en arrière.
Une fin pessimiste et intime, à laquelle McTiernan préféra un final plus jubilatoire et explosif, où McClane tire sur l’hélicoptère de Gruber, en lâchant son traditionnel "Yippee-ki-yay". Une décision qui préfigure déjà l’optimisme auquel le blockbuster américain devra se cantonner au début des années 2000 pour panser les plaies d’une Amérique en deuil de ses deux Tours, avant que certains cinéastes ne viennent pousser le public américain à sortir de son déni.
On pense évidemment à la relecture de La Guerre des mondes par Steven Spielberg (2005), avec un Tom Cruise amputé de son héroïsme habituel, mais surtout à La chute du faucon noir, qu’on a classée du pire au meilleur par ici.
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@Hank
Dommage qu’il n’ai pas gardé la fin alternative…trop badass pour le studio…
C’est le meilleur film d’action de tout les temps pour moi, mctiernan est un cas d’école et ce die hard est un modèle de ce qu’il faut faire au niveau du rythme, c’est simple on s’ennuie pas une seconde.
Bruce Willis au sommet de sa coolitude…
En revanche, je viens d’halluciner en me rendant compte qu’il avait à peine 40 balais dans ce film avec sa calvitie bien avancée et sa gueule déjà bien marquée.
Bref…
Super film, même s’il ne pourra jamais atteindre le céleste level de Piège de Cristal.
Personnellement, la trilogy est la seule qui prévale car apres c’est partis en…comme bien d’autre franchise surexploiter au détriment de la qualité etc…
Solide comme film d’action mais ca sera jamais un classique . La fin est foiré, une vieille maquette qui explose ..
Il faudrait réintegrer la fin originale .
Mais bon avec la prod, il fallait un finale « explosif » ..
@End Golden Age : je ne saurais trop te conseiller la fin alternative dispo sur le blu ray, un régal !!
Avec Die hard McT avait réinventé le film d’action « à la verticale », et avec le 3e volet il a réinventé l’action « à l’horizontale »!!
je l’ai revu en partie hier soir, en zappant en même temps de sur La Strada de Fellini, j’ai alterné les 2, je l’avais vu il y a plus d’un quart de siecle au millenaire d’avant! en location avec cassette vhs..
.à plusieurs reprise le personnage de Bruce Willis chambre samuel L Jackson avec ses presupposés raciste, notammant dans la derniere sequence dans le container où ils sont attachés avec les explosifs autour, j’avais pas note trop çà à l’époque,
Jeremy irons est presque aussi bon qu’Alan Rickman,
mais il est long, çà s’etire, la fin avec l’helico est de trop, elle est expediée à l’arrache, j’ai l’impression qu’ils ont rajouté çà un peu gratuitement, pour le fun,
Mc Tiernan est penible, il ne filme qu’en grosse focale,les sequences d’action , à l’epaule, resultat : l’image est souvent de la bouillie indigeste avec un max de motion Blur
çà marque la fin de l’époque dorée de Hollywood, au niveau mainstream
@ludo3101
Merci, docteur Conditionnel !
@ludo3101
J’ai lu ça également sur certains sites anglophones. Je ne sais pas si c’est avéré, vu que ça n’a pas été repris par des sites plus reconnus, et la plupart du temps, plus fiables.
Ça m’a fait assez mal de lire ça aussi. J’espère que ce n’est pas vrai.
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 ludo3101
Si c’est le cas ça fout vraiment les boules. Vraiment triste.