Films

Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu – critique qui donne envie de Canet

Par Antoine Desrues
20 avril 2025

Avec Jonathan Cohen), mais en oublie le cinéma sur le bord de la route. Et l’humour.

© Pathé

Finito le cinéma

En septembre 2022, le magazine Le Film français (incontournable pour les professionnels du secteur) a publié une couverture polémique pendant le célèbre congrès des exploitants de Deauville. Pour refléter tous les enjeux d’un cinéma français peinant à redécoller depuis la crise du Covid, la revue n’a rien trouvé de mieux que d’afficher fièrement Jérôme Seydoux, le président de Pathé, entouré de Pierre Niney, Vincent Cassel, Pio Marmai, François Civil, Dany Boon et bien sûr, Guillaume Canet.

En bref, les stars pantouflardes des prochaines grosses productions du groupe, avec en tête Les Trois Mousquetaires et Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu. Au-delà de la bêtise d’un titre prônant un “objectif : reconquête” (sic), il y a bien entendu dans cette démarche une incroyable maladresse.

Aucune femme, aucune diversité, mais surtout une naïveté confondante à croire que le public serait de retour dans les salles obscures uniquement grâce à de gros blockbusters franchouillards, basés sur des propriétés intellectuelles déjà adaptées cent fois, et confiés à des “artistes” qui n’ont clairement pas les épaules pour de tels projets.

Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu : photo, Guillaume Canet, Gilles LelloucheC’est tellement nul qu’on va plutôt mettre des réfs à Mission Cléopâtre en légende

Si Le Film français s’est platement excusé en affirmant que la couverture ne comptait en aucun cas envoyer ce message masculiniste et à côté de la plaque, le résultat final est révélateur de la stratégie de Pathé et de ses têtes pensantes. Il est moins question d’agenda politique que de pure bêtise. Sous ce prisme, l’échec cuisant de ce nouvel Astérix n’en est que plus clair. Avec une inconscience presque désarmante, la nouvelle aventure de nos amis gaulois s’affirme en sommet de ringardise, pondu par des gens persuadés d’être encore en haut de la chaîne alimentaire.

D’un autre côté, que pouvait-on attendre de Guillaume Canet devant et derrière la caméra, alors qu’il s’est jusque-là spécialisé dans les egotrips gênants (Rock’n Roll, Lui) et les films de vacances de luxe dans le bassin d’Arcachon (Les Petits mouchoirs, Nous finirons ensemble) ? Là réside la première aberration d’un film qui n’a que faire de confier 65 millions d’euros au premier venu.

Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu : photo, Vincent CasselLe lion ne s’associe pas avec le cafard

Les petits mouchoirs pleins de glaires

Résultat, L’Empire du Milieu plonge tête la première dans les erreurs qui faisaient déjà d’Astérix aux Jeux olympiques un navet de compétition : une suite de sketchs mal agencés, ponctués de caméos opportunistes pour rameuter les 16-25 ans (ou plutôt l’idée que les producteurs se font de cette tranche…). À grands coups de Zlatan Ibrahimović, d’Angèle, de Bigflo et Oli ou de McFly et Carlito, le film voudrait s’auto-persuader de sa modernité, alors qu’il ne fait que confirmer à quel point “l’esprit Canal+” qu’il voudrait ranimer n’est qu’un cadavre putrescent.

À voir José Garcia jouer les grandes folles avec un accent caricatural, comme à la belle époque de ses ages télé avec Antoine De Caunes, on comprend bien que Canet voudrait réitérer la réussite de Mission Cléopâtre, mais sans ettre que le vent a tourné. Alain Chabat savait tirer le meilleur de ses comédiens et de leur univers respectif. Le réalisateur de cette nouvelle mouture est, quant à lui, contraint par un scénario à la fois trop et pas assez écrit, où sa caméra statique s’accorde avec le peu de latitude donné à l’improvisation.

Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu : photo, Zlatan IbrahimovićOn me voit, on me voit plus

Dès lors, si on sauvera Gilles Lellouche et son interprétation plutôt tendre d’Obélix, le reste de la distribution est plombé par une direction d’acteurs catastrophique. C’est bien simple : le raté le plus impardonnable de cet Empire du Milieu est à chercher du côté de Jonathan Cohen. On en vient à halluciner que l’un des talents comiques les plus géniaux du moment (Serge le mytho, La Flamme) arrive à peine à nous tirer un ou deux sourires durant la séance. C’est dire à quel point Guillaume Canet est incapable de modeler son matériau, son casting démentiel et ses moyens démesurés.

Outre l’absence totale de souffle aventureux, le film ne cherche même pas à construire une quelconque scénographie. Tout sent le tournage en studio étriqué, porté par des effets visuels approximatifs et un découpage d’une mollesse sans nom. Forcément, en allant se risquer à des séquences d’arts martiaux qui feraient pleurer des larmes de sang à Tsui Hark et Yuen Woo-Ping, la misère de l’entreprise n’en est que plus flagrante.

Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu : photo, Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Julie Chen, Jonathan CohenCe tombeau sera votre tombeau

Cependant, cette fainéantise serait presque insignifiante si l’inconscience évoquée plus haut ne se reflétait pas également dans l’écriture du film. Puisque les bandes-dessinées d’Astérix jouent sur leur aspect cyclique, avec l’éternel monologue introductif et le banquet final, L’Empire du Milieu profite de cette idée de permanence pour justifier un discours bien arriéré comme il faut. Astérix en a marre de manger du sanglier et de boire de la potion magique ? Ses envies progressistes seront forcément raillées et stoppées par la progression logique du récit. César a un “petit glaive” et se fait tromper par Cléopâtre ? Il finira quand même par “porter la toge” comme le dit si subtilement le film.

Voilà à quoi sont désormais réduits les personnages d’Uderzo et Goscinny : à nos tontons bourrés lors des repas de famille, le tout dans un film qui voudrait ramener les spectateurs dans les salles malgré sa mise en scène indigne du grand écran. Elle est belle, la reconquête…

Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu : photo

Rédacteurs :
Résumé

Jamais drôle et indigent en matière de fabrication, Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu est un bien beau gâchis d’argent qui semble constamment avoir vingt ans de retard. On lui préférera notre titre alternatif : Anachronix et Anecdotix.

Autres avis
  • Geoffrey Crété

    Rien ne va dans cet énorme machin informe, désespérément lent et laid, où tout le monde semble avoir fait exprès pour que tout soit raté.

Tout savoir sur Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu
Vous aimerez aussi
Commentaires
Veuillez vous connecter pour commenter
184 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Zérorix

Toujours le même problème avec les adaptations cinématographiques de bandes-dessinées franco-belges : faute de savoir injecter du rythme, on n’a plus qu’à se contenter d’acteurs français (pas toujours au taquet pour les dialogues) gesticulant en cosplays…
Toujours le même problème avec les films de Guillaume Canet (et avec Canet lui-même) : pas faits pour être agréables, meilleurs quand y a du casse-pieds auto dépréciateur, donc pas génial pour des divertissements Tout Public…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Faire un Astérix ? Défi insurmontable, juste pour créer une œuvre que pourraient enfin voir ses enfants…
C’est compter aussi sur le très Gros problème des adaptations en action réelle de la BD : les films se suivent, mais n’ont aucune continuité, ant leur temps à changer d’acteurs pour cause de disponibilité etc (pas nouveau, regardez les « Ducobu »)…
Sauf que comment les rendre attachants dans ce cas ? Quand on n’a aucun piliers présents tout du long – même Depardieu ne suffisait plus. Tout en essayant de se renouveler, de tenter de bousculer des personnages qui sont obligés d’être figés, inamovibles… Et que les réalisateurs y infusent leurs thématiques personnelles sans faire de hors-sujet ?
Impossible ! Une seule fois ça a été réussi, avec l’inévitable « …Mission Cléopâtre »…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Le « … Empire contre-attaque » des « Astérix » (et de toutes les adaptations de BD franco-belges), car c’est une vraie suite, qui poussait les curseurs plus loin par rapport au premier film.
Avec un seul (très bon) changement d’acteur, des héros qui ne sont plus le seul moteur du récit, une ampleur qui était justifiée par la parodie BD de l’énorme « Cléopâtre » de Mankiewicz – donc très beau (ses tons oranges !), très rempli mais sans mettre en avant Toutes ses guest-stars, tout en ayant Le rythme qu’il faut… Celui qui permet d’avoir un ou plusieurs gags par scène, hilarants, d’époque ou intemporels, certains qu’on a loupés parce qu’on a trop rit aux précédents et qu’on ne chope qu’en revoyant le film…
Et sans que ça ait l’air d’une enfilade de sketches par des acteurs comiques au top (Canal Plus les a juste trouvé au bon moment, point !), pour mieux créer un Tout homogène. Comme la bande-dessinée, dont les pages prépubliées dans le magazine Pilote fonctionnaient individuellement Et quand elles étaient compilées en albums. Ou comme un bon film des ZAZ, car ils font partie de la même famille de satiristes un peu anars. Ceux qui ont inspiré l’humeur et l’humour de Alain Chabat et les Nuls, bien aidée par le culte déjà très fort de « La Cité de la peur »…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Bref difficile d’aller au delà d’un film qui a explosé les limites, arrivant à être cool, super divertissant, cartoonesque et donc aussi véloce… à moins de revenir à l’animation (Astier et Clichy).
« Astérix aux Jeux olympiques » avait tenté de se mettre à la hauteur, mais s’est retrouvé en mode automatique et trop vite conspué avant l’heure, malgré quelques qualités. « … Au service de Sa Majesté » s’est crû plus malin que la BD en plongeant Astérix dans de l’introspection molle, au sein d’un long-métrage itou.
Cet « …Empire du Milieu » possède les mêmes carences que ces films, et existe lui aussi dans l’ombre du film d’Alain Chabat, n’adaptant aucun album mais refaisant le même opus en Chine, ce qui n’est pas si inédit que ça en fin de compte – il faut sauver un royaume exotique, Astérix a un béguin qui lui donne des ailes érectiles, l’impératrice résout tout in extremis etc.
En allant vers la surenchère mais, paradoxalement, en n’ayant pas assez d’ampleur visuelle pour atteindre un bon équilibre…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Car Chabat savait filmer la baston et les grands espaces, et aussi insérer naturellement ses références cinématographiques, ses gags anachroniques et musicaux, nous prenant par surprise quand on ne s’y attend pas… James Brown, c’est une seule séquence géniale, avec une mini amorce au début du film (« galope ! get up ! get ooon up ! ») et une petite à la fin (le cri du chanteur quand Numérobis boit la potion). C’est pas juste un gag récurrent, il y a là une préparation de l’effet et une symétrie, et le spectateur le ressent.
Canet non : l’action est fonctionnelle, mais l’humour est poussif, répétitif… c’est de l’accumulation, pas inventif à part quand, quitte à citer plein de fois Ennio Morricone, on se retrouve par surprise dans une étonnante parodie de « Il était une fois en Amérique » (!!).
Le résultat étant finalement à moitié réussi/raté :

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Si Canet était peut-être fait pour jouer l’arrogant César, comme prévu au départ, il n’est pas assez teigneux et énergique pour être un bon Astérix, héros malicieux mais très conservateur. Alors que Gilles Lellouche endosse avec une jolie bonhommie enfantine les braies et les couettes d’Obélix, lequel a toujours été étonnement plus souple (personnage si naïf qu’il est trop influençable ? ou simplement la gentillesse incarnée ?)…
Si Vincent Cassel a la stature qu’il faut pour un César, tout tombe à plat puisqu’il joue un Empereur aussi décontracté que les gentils – CQFD : pas de contraste… D’autant que c’est également un amoureux en peine, dans une histoire où presque tout le monde galère à pécho – oui c’est ça que raconte le film : les femmes sont fortes, et les hommes en voie de déconstruction (!?)…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Si Jonathan Cohen représente un bon rival en amitié, il aurait fallu traiter complètement la bromance au lieu d’ajouter également une rivalité amoureuse pour le cœur d’une princesse. Et si le numéro de Ramzy Bedia est savoureux, lui aussi se met draguer avec insistance (une reine).
Catégorie anciens acteurs d' »Astérix… », si Gérard Darmon est un narrateur marrant, ça restera toujours Amonbofis dans la tête du public – et que vient faire là José Garcia ??
Dans ce défilé de faux ventres, fesses et même joues, Marion Cotillard, Bun Hay Mean (plutôt clean pour une fois) ou même Orelsan sont plutôt cools… et d’autres font une participation en sous régime, très facultative, voire même embarrassante (Pierre Richard ?! Sport, Chanson et Internet !!)…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Et puis aller en Chine, c’est comme dans l’album où ils vont en Inde : c’est le voyage le plus long qu’ils aient jamais fait, et au age on devrait forcément reer là où les héros sont déjà allés dans de précédentes aventures..? Rien de tout ça pendant ce voyage, qui dure le temps de la moitié du film.
Quant à l’action/Kung-fu on n’arrive évidemment pas à la cheville des productions locales. Il n’y a même pas de chocs des cultures entre Potion magique et Wu xia pian, avec des Gaulois bas du front et des Romains hautains – on n’est pas dans « OSS 117 », la caricature est gentille, ‘s’agit de ne pas se fâcher avec un bon partenaire commercial…

Flo1
Flo1
il y a 1 mois

Même si à cause de la Pandémie, il n’y aura pas eu de tournage sur place, pas de dépaysement et ça a également impacté la qualité de la production…
Mais honnêtement, même en ayant eu plus de confort, plus de temps, et n’étant pas soumis à l’absurde cahier des charges des producteurs… c’est pas sûr du tout que Canet aurait réussi à faire un divertissement pour les plus petits, pour les plus tranquilles (public acquis d’avance) tout en pouvant régaler les esprits un peu plus sophistiqués, comme les aventures d’Astérix sont censées l’être.
Pas quand l’auteur aime trop tendre le bâton pour se faire battre…
Et qu’il n’a pas complétement La vis comica.

Pas magix

Salsifiz
Salsifiz
il y a 1 mois

Oula, vous y allez pas avec le dos de la cuillère là.
Je suis assez d’accord sur le fond; m’enfin juste l’histoire de la couv’, et les qq 6 millions d’entrées qu’ont cet Astérix, ont permis la production d’un film comme Acide, de Just Philippot. Film non dénué d’intérêts, et pour le moins original; malgré son intérêt insuccès au box office, comparé au Règne Animal. Bon les gens avaient plus d’appétit pour Romain Duris à cette période faut croire :)).
Bon après ça mange pas de pain de leur mettre un petit taquet de temps en temps hein ;))