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Escape at Dannemora : Patricia Arquette extraordinaire dans la mini-série la plus glauque de ce début d’année

Par Geoffrey Crété
9 janvier 2019
MAJ : 21 mai 2024

Ben Stiller réalise cette mini-série tirée d’une folle histoire vraie, avec Patricia Arquette, Benicio Del Toro et Paul Dano.

Escape at Dannemora : photo, Patricia Arquette

Escape at Dannemora avec Patricia Arquette, Benicio Del Toro et Paul Dano.

C’est une mini-série discrète, diffusée sur Showtime aux Etats-Unis et Canal + en , qui a gagné en visiblité avec la nomination puis le sacre mérité de David Morse.

Créée par Ben Stiller, cette histoire d’évasion et de relation trouble entre deux prisonniers et une employée est certainement l’une des premières bonnes surprises de l’année.

ATTENTION SPOILERS

 

 

PRISON BREAKING BAD

Derrière Escape at Dannemora, il y a la réalité d’une évasion qui a retourné Dannemora, une petite ville de l’Etat de New York, en juin 2015. Trois semaines de chasse à l’homme conclues par la mort de l’un des deux prisonniers, l’arrestation de l’autre, et une enquête qui a révélé qu’ils avaient été aidés par Joyce Mitchell, une employée de la prison.

Une histoire troublante comme Hollywood les aime, et qui a inspiré le téléfilm New York Prison Break : The Seduction of Joyce Mitchell en 2017. A peu près personne ne s’en souvient, si bien que Ben Stiller à la réalisation des sept épisodes pour la chaîne Showtime, tout était réuni pour avoir une mini-série de premier ordre.

C’était d’ailleurs là l’une des craintes : avoir affaire à un produit trop calibré, une histoire d’évasion classique avec des personnages carrés. Une peur qui sera vite balayée, tant Escape at Dannemora prend un malin plaisir à écorner les stéréotypes, suivre des personnages particulièrement déroutants, et dessiner un monde noir et ambigü.

 

photo, Patricia Arquette Patricia Arquette est Joyce Mitchell

 

PATRICIARCAT

Très vite, il est clair que le coeur d’Paul Dano des acteurs moins doués. Mais ces deux meurtriers emprisonnés, qui creusent un tunnel à force de patience et combines, rentrent dans des cases familières. Tout le contraire de Joyce.

Arrêtée par la police et accusée d’avoir aidé les détenus à s’échapper, la véritable Joyce Mitchell a plaidé coupable. Elle expliquera avoir été à deux doigts d’organiser le meurtre de son mari Lyle, avec l’aide de Richard Matt. Elle est actuellement en prison, probablement jusqu’en 2022.

Mais cette employée de la prison, chargée de superviser les détenus dans un atelier de couture, n’est pas là pour être une victime. Pas plus qu’elle n’est là pour être aimable, respectable, ou honnête. Elle échappe au spectateur, et aux autres personnages, parce qu’elle est habitée par des ions et forces autodestructrices. Petite chose naïve séduite par un prisonnier manipulateur, femme inquiétante lorsqu’elle demande à son amant de l’appeler maman, elle est le visage trouble et fascinant de l’histoire.

 

photo, Patricia ArquettePortrait de l’angoisse

 

Dans ce rôle, Boyhood ne s’embarrasse d’aucun ego ou coquetterie, et Ben Stiller la filme sous un jour souvent impitoyable, à mille lieux des codes habituels.

Mais Patricia Arquette est surtout servie par une écriture excellente, qui refuse de simplifier ce personnage pour qu’il plie et rentre dans les cases. Aucune grille de lecture pour cette femme tour à tour perdue, machiavélique, minable, cruelle, touchante et terrible. Même dans les silences, avec les lèvres pincées et la frange qui lui donnent des allures de prédateur, l’actrice donne vie à cette femme incroyable, sans la tirer vers un extrême ou un autre sur l’échiquier trop facile des gentils et des méchants. Joyce n’est dans aucun camp : elle est là pour elle.

A ses côtés, Escape at Dannemora, et eux aussi sont finalement prisonniers – de leurs vies, leurs choix, leurs sentiments et pulsions.

 

photo, Patricia Arquette, Eric Lange Eric Lange et Patricia Arquette, fantastiques

 

LES ÉVADÈRRIERES

Comme Patricia Arquette et Eric Lange pompent tout l’oxygène, il ne reste plus beaucoup d’espace aux autres personnages. Et dès que la série s’intéresse à la vie carcérale et à la relation entre Richard Matt et David Sweat, ou encore leur gardien attitré (interprété par le non moins excellent David Morse), elle perd en force. 

Paul Dano a plus matière à briller, avec un rôle plus nuancé au fil des épisodes. Le sixième est à ce titre majeur, et met en lumière la réalité de tous les personnages, à commencer par eux.

 

photo, Benicio Del ToroBenicio Del Toro et Paul Dano

 

C’est là aussi que le talent de La Vie rêvée de Walter Mitty. Mais c’est la première fois qu’il plonge si frontalement dans le drame et laisse au vestiaire sa légèreté et son romantisme. 

Il s’en sort si bien que c’est à se demander pourquoi il n’y a pas succombé plus tôt, alors qu’il a trouvé l’énergie de pondre un embarrassant Zoolander 2. Armé d’une caméra impitoyable, investi dans le sujet (il a refusé le projet en 2015, lorsqu’un scénario a été écrit avant que les détails sur les faits ne soient rendus publics), en totale maîtrise de ses acteurs, Ben Stiller démontre un talent de réalisateur indéniable hors de la comédie.

Même lorsqu’il se paye des plaisirs stylistiques, comme un épisode filmé en 16 mm, ce n’est jamais au détriment de l’histoire et des personnages. Epaulé par Jessica Lee Gagné, directrice de la photo venue du documentaire et du pur cinéma indépendant, il compose un univers riche, visuellement fort, qui oscille entre les plongées lugubres et les moments de beauté volée.

Stiller réalisateur résiste aux écueils mélo ou scabreux, et c’est cette belle maîtrise, dans le fond comme dans le ton, qui font d’Escape at Dannemora une mini-série si puissante.

 

photo, Ben Stiller, Patricia ArquetteBen Stiller sur le tournage

 

Malgré une petite baisse de rythme en milieu de saison après un démarrage du tonnerre, et des parties plus faibles du côté des prisonniers, Patricia Arquette.

Lui comme réalisateur, qui s’essaye avec brio à un genre loin de ses habitudes. Et elle comme actrice, avec un rôle puissant, excellemment écrit, et qui lui donne matière à une interprétation fantastique. La voir scruter son monde de derrière ses lunettes et sa frange, comme un prédateur qui s’ignore, est une raison suffisante de regarder cette mini-série.

 

Escape at Dannemora, disponible sur Canal +. 

 

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Tom's
Tom's
il y a 6 années

Une tuerie c’est vrai incroyable patricia arquette,elle est d’une justesse et semble si modeste déja elle as réussit un tour de force avec médium en élévant la serie au dessus de la mélée alors qu’elle était sur un grand network des scenarios très bien écrits et une atmosphère pesante je me suis pris au jeu ;pr en revenir a dannemora, le genre évasion en mode redneck les acteurs principaux d’arquette a dano sont tres fort j’avais un bemol pur del torro mais il est parfois si bon et ses regards inquiétants sont un plus et stiller a la real c’est la révelation

Pseudo1
Pseudo1
il y a 6 années

Punaise, j’ai cru un instant que c’était Jeffrey Tambor dans la série Transparent, en haut de l’article !
Sacré métamorphose la Patricia quand tu te rappelles de True Romance !

CinéGood
CinéGood
il y a 6 années

Rythme assez lent, mais série accrocheuse et maîtrisée.

Patricia Arquette mérite largement son Golden Globe.

Moi
Moi
il y a 6 années

Ma claque de fin d’année !

warriors
warriors
il y a 6 années

elle mérite son Golden Globes superbe mini sèrie !

snake
snake
il y a 6 années

Merci pour le partage de cette serie, votre critique donne indubitablemment envie de se plonger dedans !