Venise 2009 en direct

Par Jean-Noël Nicolau
9 septembre 2009
MAJ : 7 février 2025
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Venise 2009 en direct

 

Jeudi 10 septembre

« I feel good »

 

Pas de chronique tardive hier de El Mosafer (The Traveler) avec Omar Sharif. Mais non, je ne me suis pas endormi dans la salle. Juste une grande fatigue mentale à l'idée d'aller parler quelques minutes après la fin de la projection du film qui m'a le plus ennuyé de la compétition, jusqu'ici. On va peut être appeler ça poliment le choc des cultures cinématographiques, toujours est-il que la vie en trois actes, trois journées cruciales de Hassan dans L'egypte de 1948 à 2001, m'a laissé de marbre. Et pourtant, tout commence idylliquement. La magnifique voix de Omar Sharif (que l'on ne verra qu'au bout de 85 minutes) nous fait agréablement entrer dans l'histoire et la première partie offre le charme suranné des productions d'antan, permettant à Ahmed Maher pour son premier film de fiction, de jouer avec bonheur des décors volontairement marqués d'un paquebot. Malheureusement, tout se gâte avec la deuxième date, on a perdu pratiquement tous les personnages du premier acte et le style du film change radicalement. A jouer ainsi avec une telle rupture de ton, le cinéaste prend de gros risques et il perd son pari. Détaché d'un récit et surtout de protagonistes qui n'arrivent pas à créer une réelle empathie, le temps paraît figé et Omar Sharit a beau apporter une folie par l'excentricité de son personnage dans une dernière partie tout aussi longue, rien n'y fait et on subit les multiples fins de El Mosafer avec un sentiment gêné de ne pas être prêt à une telle vision cinématographique (2/5). Coup de fatigue ? Peut être mais les rares applaudissements dans la salle indiquent qu'on n'est pas tout seul. Petit soulagement !

 

 

 

 

Réveil très, très douloureux ce matin. Avant-dernier gurosan dans ma trousse de pharmacie, ça tombe bien, je pars demain. Nico qui vous a préparé une galerie portraits de stars en noir & blanc à tomber par terre, a veillé bien tard et continue à dormir comme un bébé (voulant rester en vie, j'arrêterai là la description mais j'envie miss M. de se lever tous les matins avec une telle image).

 

 

 

Le révéil est d'autant plus difficile quand on sait que le film projeté à 8h30 est le quatrième et dernier film italien de la compétition, La Doppia ora (The double hour). Mais une oeuvre qui va me maintenir bien éveillée tant elle a cette capacité agaçante à alterner le bon et le nettement moins bon. Commençant comme une histoire d'amour banale mais joliment filmée entre deux êtres abîmés par la vie, La Doppia ora change de direction quand l'un des deux amoureux meurt tragiquement, tué par un cambrioleur. On e alors sur un film sur le deuil pour enchaîner sur la folie et puis sur la suspicion (le cambriolage était-il anodin ?,…). Bref, pour son premier long, Giuseppe Capotondi s'amuse à brouiller les cartes, manipule sans cesse le spectateur (ce que l'on voit, n'est pas forcement la réalité ou peut être que si). Le jeu peut être vite irritant surtout quand on n'est pas adepte du twist à outrance. Reste que les deux comédiens principaux et surtout Ksenia Rappoport, d'une belle justesse, parviennent à faire naître une vraie comion pour ce qui n'est au final qu'une drôle d'histoire maudite. Pour eux avant tout, on adhère gentiment le temps de la projection. (2,5/5).

 

 

 

Les projections s'enchaînent ce jeudi puisqu'une heure plus tard, on se retrouve dans la même salle pour le nouveau film de Fatih Akin, Soul kitchen. L'impression est toutefois tout autre comme le prouvent les tonnerres d'applaudissements à la fin de 100 minutes enthousiasmantes. La plus longue, et de loin, ovation du festival laissant présager que Akin ne repartira pas bredouille samedi de la Mostra. Il faut dire qu'au coeur d'un festival où les films sérieux se sont enchaînés, Soul kitchen arrive à point nommé (sa programmation à ce stade de la compétition est-elle le fruit du hasard ?). C'est le « feel good movie » par excellence. Une véritable bouffée d'oxygène qui donne une vraie pêche. C'est la vraie comédie que tout le monde attendait. Les mésaventures de ce propriétaire d'un restaurant des plus singuliers en plein dilemme (copine partie à Shanghai, frère en prison faisant appel à sa générosité, affaire en délicatesse suite à une réorientation délicate dans la carte des menus,…) sont sources de gags réjouissants. Acteurs qui s'en donnent à coeur joie, mise en scène inventive (on n'est pas dans la comédie plan-plan), profusion souvent désopilante d'obstacles au bonheur de notre héros, Akin garde les bonnes cartes jusqu'au bout, surfant avec bonheur sur la prévisibilité d'un tel récit et donne un baume au coeur que l'on garde précieusement à la sortie de la salle. Carton assuré ! (4/5).

 

La suite dans quelques heures car j'ai le papa des Gremlins qui m'attend en table ronde. Joe, here I come !

 

 

Mercredi 9 septembre

Journée longue à la Mostra aka la peur de rater le Lion d'Or.

Je vous avais laissé pour aller voir les zombies de George. Vous savez désormais grâce à Women without men (Zanan bedoone mardan). Un film iranien (co-production allemande, française et autrichienne pour être exact) sur le destin de quatre femmes sur fond de coup d'Etat iranien en 1953, à une heure aussi tardive, sûr que je vais piquer du nez, je me dis. Après un début pour le moins ardu, le charme opère pourtant, grâce notamment à un esthétisme épatant. La reconstitution d'époque est irable, le cadre souvent magnifique (superbe photographie qui joue entre des plans désaturés, presque sépia et des séquences vivement colorées) et l'histoire se met doucement en place. On se familiarise avec ces quatre femmes (les actrices méritent tous les éloges) tentant de s'affirmer dans un monde dominé par les hommes et la réalisatrice parvient avec une réelle habilité à mixer la petite et la grande Histoire. Elle s'offre aussi quelques moments de rêverie stupéfiants où le travail graphique atteint son apogée et a le grand mérite de ne pas faire durer abusivement son récit (3,5/5). 100 minutes seulement pour une histoire chorale et une révolution à mettre en images, y en a qui devraient prendre cela en exemple. J'ai dit Soderbergh et son Che ? Mais non, je ne l'ai pas dit !

 

  

 

Mercredi matin, je me lève bizarrement avec une facilité déconcertante à l'inverse du bon vieux Nico, qui a trop forcé sur le tapis rouge et autres places pour shooter de la star. Résultat, le bonhomme a déé son heure habituelle de dodo (qui je le rappelle n'excède pas le minuit) pour vous permettre d'irer tous ces beaux clichés de fesses et autres décolletés qu'il a pris. Sans parler, messieurs dames (enfin surtout dames pour le cas) que vous avez sur Ecran Large l'unique photo de George Clooney débarquant du ponton du bateau puisque le roublard Nico avait soudoyé le garde du corps et était le seul paparazzi sur le quai à ce moment-là. Chapeau au rookie !

 

 

 

Bon, je reviens à moi, c'est ma chronique quand même, pas la sienne, de toute façon il e son temps à prendre des photos et à boire au bar donc il n'aurait pas grand chose à raconter. Alors que moi, attention, je vais vous parler du cinéma italien. Alors, d'un coup, ça vous calme et vous êtes rivés à votre écran. Il fallait effectivement bien que cela arrive : après avoir réussi, sans le vouloir, à éviter les deux premiers films transalpins en compétition, je n'échappe pas à Il grande sogno. De toute façon, c'était ça ou revoir le Romero ! La vie étant trop courte pour perdre encore 100 minutes précieuses, je tente l'italien avec un bel espoir puisqu'il s'agit du nouveau film de Michele Placido, l'auteur du bon Romanzo Criminale. Bouais ! En grande partie autobiographique, le film décrit les amours de trois jeunes (deux garçons et une fille mais pas façon Jules et Jim) sur fond de révoltes étudiantes en 1968. On pense ici au film de Bertolucci, Innocents qui relataient le même genre d'histoire mais en , mais Placido n'est pas aussi inspiré que son prestigieux aîné lorsqu'il s'agit de mettre en avant les aspiration amoureuses de ses protagonistes. Est-ce du à la pudeur de l'artiste qui se met à nu en évoquant ses souvenirs, toujours est-il que le cinéaste est plus convaincant quand il évoque les événements politiques et sociaux de l'époque. On assiste à une jolie reconstitution d'époque, gentille et propre toutefois, ce côté télévision Rai qui gangrène le cinéma italien depuis des années et on se laisse avec un bonne volonté guider par une troupe de comédiens (à leur tête le Riccardo Scamarcio de Eden à l'ouest) qui mette beaucoup d'eux mêmes pour transcender leurs personnages à la limite du convenu et du stéréotype. Séance suivante ! (3/5).

 

 

 

Pas une séance en fait puisque j'ai rendez-vous avec le père des zombies pour une interview éclair (6 minutes) où l'adorable et gigantesque cinéaste (Nico a bien eu du mal à nous shooter ensemble dans le même plan) se montre honnête sur le produit fini. Avec le sourire, il m'explique que son Survival est arrivé si vite pour la simple et bonne raison que le 5 a cartonné et qu'il fallait continuer sur la lancée. Le père des dead est un bon financier. Ca change quand on se rappelle à quel point il s'était fait enfler sur les droits de La Nuit des morts-vivants. Les temps changent, ses films de zombies aussi hélas. Tant mieux pour sa bourse ! Tant pis pour nos yeux de cinéphages !

 

 

 

Les interviews n'étaient pas finies aujourd'hui mais pas pour Ecran Large. Dans ma grande générosité (Julien, ma note est partie par mail tout à l'heure), j'ai rendu service à un ami et collègue et suis allé interviewer Antoine Fuqua, Wesley Snipes et Ethan Hawke. Du junket millimétré mais super à la bourre (les stars, ça dort plus que nous) qui m'a permis de discuter avec Eric, un des envoyés spéciaux d'allociné à Venise. Parler le français, ça fait du bien en plus !

 

Que retenir de ionnant de ces trois interviews : pour savoir qui pourrait jouer dans le Pablo Escobar de Fuqua, la news est ici. Pour les amoureux de Blade, Wesley aime beaucoup le personnage mais y a rien qui se décide pour le moment. Il attend une vraie et bonne histoire pour éventuellement rempiler. Pas le temps de lui faire avouer que le trois est une grosse bouse mais comme il ne me parle que des deux premiers, le message est é. Concernant le Daybreakers des frères Spierig, Ethan Hawke est super enthousiaste. Il semble avoir adoré la collaboration avec les auteurs fous de Undead. Le comédien est notamment très content d'à nouveau évoluer dans un pur film de genre, ce qu'il n'avait pas fait depuis Explorers.

 

 

 

 

Ayant perdu le fil de ma journée à cause de ces stars jamais à l'heure, je retourne à la salle de presse. Trouvant un fauteuil de libre, un miracle à 15h, je décide d'écrire ma chronique que vous lisez. Par acquis de conscience, je demande sur msn à Jean-No s'il est d'accord avec moi sur le fait de faire l'ime sur Repo chick, le nouveau film d'Alex Cox, précédé ici d'une réputation peu flatteuse. Quoi le réal de Walker !?!, s'écrie le Jean-no (enfin, c'est comme ça que je l'interprète à sa manière de s'exprimer sur msn). Ca peut le faire même s'il n'a rien fait de bien depuis 20 ans, me glisse mon ex-collègue vénitien. Allez, le doute est là et puis c'est au Palabiennale, la salle à l'autre bout du monde de la Mostra, ça va me faire de la marche et l'occasion de prendre une glace au age. 50 minutes plus tard, je suis de retour devant mon écran, prêt à flinguer mon cher Jean-No. Imaginer une sorte de parodie branchée pas drôle, faussement déjantée, avec des acteurs surjouant à l'extrême et vous aurez une toute petite idée du supplice subi. Les fauteuils du Palabiennale étant inconfortables, impossible de dormir correctement. Et puis, il faut toujours, dans un festival, avoir un film où l'on se barre avant la fin. Ca, c'est fait ! Merci Jean-No ! (NDJN : de rien, ça fait toujours plaisir) (1/5)

 

Et maintenant, je pars voir le Omar Sharif dans un film égyptien de plus de deux heures, l'esprit complètement ouvert. Verdict dans quelques heures…si c'est pas le cas, appelez les gens de la Mostra pour leur dire qu'il y a un guignol de journaliste français qui dort dans la salla Darsena. Merci pour moi !

 

 

 

Lundi en enfer ou comment une australienne vous flingue votre journée.

 

Après avoir pris mon pied hier soir sur le film de Steven Soderbergh (la critique est ici), je suis rentré sagement à l'appartement pour préparer ma double interview avec Christophe Lambert et Claire Denis. Et ce matin, j'arrive prêt à shooter toutes mes questions et bing, the bad news : l'attaché de presse me dit que comme il s'agit d'une interview en groupe international, on devra la faire en anglais. J'attends les journalistes pour voir si cette blague sera bien réelle. Coup de chance, je suis avec un belge, un espagnol francophone, une polonaise qui comprend un peu le français et…une australienne. Damned ! La miss ne pipe pas un mot de la langue de Molière et c'est parti devant un Lambert gêné de devoir s'exprimer en anglais face à un tel auditoire. On s'y fera sauf que l'australienne attaque fort. Elle monopolise la conversation, ne e pas la parole. Et surtout n'écoute rien des réponses de Cricri. Il évoque son tournage de Greystoke au Cameroun pour souligner qu'il connaissait déjà le pays, l'aussie enchaîne trois minutes après sur the question : «  êtes-vous déjà allé en Afrique ? ». Poli, j'attends mon tour me disant qu'elle va bien laisser la parole aux autres. Tu parles ! Elle coupe presque l'acteur pour être sûr de placer ses questions sans intérêt. A la 23ème minute de l'interview, j'en place enfin une et demande à Lambert de m'expliquer pourquoi Il était une fois dans l'ouest est son film préféré. En fait, pendant qu'il me répond, j'écoute qu'à moitié car je me projette justement dans un western de Leone où je pourrai flinguer ma voisine de droite. Fin de l'interview mais pas fin de mon cauchemar australien.

Nouvelle table ronde avec Claire Denis et nouvelle obligation de parler en anglais malgré encore une fois la présence de 3 francophones sur 5. Heureusement, ma « charmante » collègue australienne est partie flinguer l'ambiance du groupe avec Isabelle Huppert (petite pensée à mon collègue belge qui était encore avec elle). Yessss ! Noonnnnnn ! Une australienne peut en cacher une autre…Et voici un nouveau modèle à notre table avec le même résultat. Là, j'ai de l'expérience et je place ma première question à la 16ème minute. Comme Claire Denis a du mal à s'exprimer en anglais, le mystère sur son White material reste presque entier à la fin d'une interview ratée où la réalisatrice a confirmé son peu d'enclin pour la compétition, révélant que le programmateur de la Mostra lui avait dit qu'elle avait beaucoup de gens contre elle. Dur monde !

 

Comme les interviews étaient à l'heure, je fonce dans les rues du Lido pour arriver à temps à la conférence de presse de The Informant, avec Soderbergh et Damon en vedette. Sous les applaudissement, la conférence débute et qui pose la première question dans une assistance de plus de 300 personnes ? Ben oui, vous avez trouvé : mon australienne ! Allez comme il n'y avait pas grand chose à sauver, comme souvent, de cette conférence hormis que Soderbergh a fait l'éloge du mensonge comme art de rester en vie, je file à ma troisième interview de la journée. Une table ronde avec Lee Unkrich et Darla Anderson, respectivement réalisateur et productrice de Toy story 3. Et comme dit notre bon vieux diction, jamais deux sans trois, l'ausssie is back et s'assoie à côté de moi pendant que je suis justement en train d'exorciser ma journée sur mon portable. L'interview débute et qui prend la parole en premier ? Qui ? Plus besoin de vous faire un dessin. C'est donc parti pour une table ronde insipide puisque les deux interviewés n'ont pas le droit de parler du film à part ce que l'on sait déjà : Andy a grandi et va désormais au collège et l'on retrouve tous les jouets présents dans les deux premiers épisodes. Pèle mêle on apprend qu'ils sont dans les temps, encore 8 mois avant de boucler le film. Ils continuent avec la franchise Toy story car elle apporte vraiment des bonnes histoires et parce que Woody et Buzz sont un peu les emblèmes de Pixar. Que sans une bonne histoire, la technique n'est rien. Que le film va prendre en compte le fait qu'ils ont tous vieilli, qu'ils ont tous des enfants, ce qui n'était pas forcement le cas à l'époque de Toy story (Lasseter a désormais 3 de ses enfants à l'université si vous voulez tout savoir). Que leur inspiration vient du fait qu'ils font les films qu'ils iraient voir….Bref, un joli enfoncement de portes ouvertes mais très bien organisé (tout démarre à l'heure et finit à l'heure) qui me permet de filer à ma première projection de la journée, Lebanon, film israélien en compétition de Samuel Maoz.

Et là, j'oublie vite ma journée en enfer pour me plonger dans un tout autre enfer. Le vrai, celui-là puisque Lebanon nous entraîne au coeur d'un char israélien lors du premier jour de la 1ère guerre du Liban. J'y suis, j'y reste serait-on tenter d'écrire puisque le saisissant parti-pris de Maoz est de ne jamais nous faire quitter ce char. Le cinéaste ne propose que de plans exigus de l'équipage qui va petit à petit perdre toute son innocence et la vision du monde extérieur et des ravages de la guerre n'est visible que par la lunette du tireur du char. Deux options que le réalisateur marie avec une incroyable dextérité. On pense forcement au Das Boot de Wolfgang Petersen, épopée claustrophobique dans un sous-marin allemand mais aussi à La bête de guerre de Kevin Reynolds qui suivait un char soviétique en pleine guerre d'Afghanistan. Sans être aussi définitif que ces deux énormes films, Lebanon atteint son douloureux objectif : nous faire ressentir à quel point la guerre détruit tous ceux qui doivent y participer. Enormes et longues salves d'applaudissements à la fin de la projection et un sérieux candidat à un prix de la mise en scène.

 

Direction maintenant pour les deux derniers films de la journée : L'Elite de Brooklyn et Napoli, Napoli, Napoli d'Antoine Fuqua avec son quatuor de stars, Ethan Hawke, Richard Gere, Don Cheadle et Wesley Snipes et d'Abel Ferrara. A demain matin pour mon avis.

 

 

 

Mardi 8 septembre

Greystoke est un seigneur !

Finalement, je l'aime bien mon australienne. Sans elle, je n'aurai pas er 90 minutes en tête à tête avec Christophe Lambert. Car, l'homme est sans aucun doute le comédien le plus sympathique, adorable et humain que j'ai pu rencontré à ce jour. A la fin de notre interview de lundi, il s'est montré bien gêné pour moi qui me retrouvait avec une interview en anglais difficilement exploitable ou du moins incongrue pour vous lecteurs français. Il m'a donc proposé de recommencer l'interview quand je voulais. Je lui laisse ma carte et il me dit qu'il m'appelle pour fixer une rencontre à son hôtel le lendemain. Et Highlander est un homme de paroles. Lundi soir, dring dring sur mon cell : « Allo, c'est Christophe Lambert ». Ca le fait, allez je vous la refais juste pour mon petit plaisir : « Allo, c'est Christophe Lambert ». Rendez-vous est pris pour mardi à 12h30 au sympathique palace de l'Hôtel des bains. Une interview dense où l'acteur revient sur son expérience enthousiasmante sous la caméra de Claire Denis, dans le très bon White material, évoque son nouveau film avec Sophie Marceau ou encore décrypte ses 10 films préférés. Bref, y a du boulot au derushage comme on dit.

 

 

 

 

Mais pas le temps de souffler, que je cours rattraper le film d'Napoli, Napoli, Napoli que je n'avais pas vu hier pour cause de projection décalée. Si Herzog fait du Ferrara à Venise, Ferrara fait du Herzog à Venise. Il s'agit ici d'un documentaire mixé avec de la fiction pour montrer dans quel état de désolation est la ville de l'ancien dieu du football argentin, Maradona. Une cité gangrenée par la mafia et Ferrara de filmer une galerie de désoeuvrés (souvent en prison) qui ont tous subi de près ou de loin l'influence néfaste de la pègre napolitaine. Un constat affligeant d'autant que les solutions semblent difficilement applicables avec un désistement dramatique de l'Etat. Dommage que Ferrara s'embarque en parallèle avec une fausse fiction censée démontrer ce que disent ses participants. La vérité est en eux et lorsqu'il se contente de la faire sortir avec des questions simples et justes, le cinéaste remplace toutes les fictions du monde. (3/5)

 

 

 

L'autre gros film de la journée, lui aussi présenté hors compétition, c'était The men who stare at goats du scénariste de Good night and good luck. On va encore dire que décidément j'aime beaucoup de films à Venise mais comment ne pas être enthousiaste et hilare devant George Clooney, Ewan McGregor, Jeff Bridges et Kevin Spacey embarquer dans une folle histoire de soldats persuadés d'avoir des super-pouvoirs psychiques. On dirait plus d'une fois du grand Coen par l'humour loufoque et décalé des situations, les acteurs en font des tonnes avec une réussite maximale. Bref, le lolo, il a ri aux éclats et ça a fait un bien fou ici après tant de films sombres et sérieux. (4/5) Critique dans quelques heures car là, c'est Romero et ses zombies qui m'attendent et mon petit doigt me dit que je ne vais pas trop rigoler !

 

 

 

 

 

Dimanche 6 septembre : 17h.

 

Suite et fin de la longue journée de samedi. Vous savez désormais tout le bien que je pense du Michael Moore, sentiment renforcé après une nuit de sommeil. Mais vous ne savez pas ce que j'ai pensé du dernier film que j'ai vu car, ici, les responsables de la salle de presse ont des horaires bien plus sympathiques que les miens. A 22h35, la salle de presse ferme. Et comme ce matin, j'ai enchaîné les projections, suis allé écouter Moore parler de son film (rapidement) et me suis débattu avec une connexion internet pourrie pour envoyer les interviews tournées en vidéo (que vous aurez par écrit à moins que le style Rec filmé par un sous Michael Bay sous ecstasy vous séduise), je n'ai pu écrire que maintenant. Mon espoir d'aller tâter de la plage est donc à l'eau puisqu'à 18h 45, c'est The Informant de Steven Soderbergh.

 

Donc, je m'égare et je reviens donc sur La Horde qui était le dernier film de mon périple de samedi. Dire que le film m'a plus qu'embarrassé, est une doux euphémisme. Quoi, Ecran Large va encore taper sur le badass movie de cette fin d'année ? Pas du tout, bien au contraire. Au bout de vingt minutes de projection, j'envoie un texto à Thomas pour lui dire que je trouve ça hyper bien jusqu'ici. Il me répond que je vais donc adorer puisque lui avait trouvé que cela sonnait faux dès la séquence d'ouverture. 70 minutes plus tard, c'est la confirmation. La Horde est le meilleur film français de genre (horrifique) que j'ai vu depuis… je ne sais même plus. Et moi qui ait donc publié il y a une semaine une critique (fort bien écrite et aux arguments pertinents au demeurant) qui disait plus ou moins le contraire. Mince, flûte, ou plus vulgairement fait chier ! Car La Horde, c'est tout le cinéma que j'ai aimé (et aime toujours tiens), celui que Starfix défendait. C'est Romero, Carpenter, Friedkin, Mc Tiernan, Tarantino,… C'est la rencontre jubilatoire entre le film d'action et le film d'horreur. Alors bien sûr, le budget autour des 2 millions ne permet pas toujours d'obtenir ce que l'on espérait : plus de zombies, plus de baston élaborée, plus d'utilisation de cette tour qui voit l'union contre nature entre malfrats et flics venus venger la mort d'un des leurs (la fameuse horde du titre) pour éviter de se faire bouffer par des morts-vivants sortis de nulle part. Mais c'est bien peu face au plaisir énorme de voir un récit habilement construit, sorte de jeu vidéo live avec niveaux de plus en plus complexes à franchir mais qui n'oublie pas pour autant d'offrir des personnages sacrement charismatiques (Claude Perron, je t'aime). Ça jacasse pas mal effectivement dans cette Horde mais les mots sont si truculents qu'on en redemande (Yves Pignot en ancien de l'Indochine explosant tout le monde dans le domaine). Et puis quand ça charcle, ça fait pas semblant comme on dit. Amateurs de gore et de sang qui gicle à tout va, vous allez avoir de quoi hurler de plaisir. La scène que vous avez peut être vue (elle est furtivement dans le trailer) avec Martins sur une voiture entourée de zombies, n'aurait pas fait tâche dans le Braindead de Peter Jackson. Et si on s'amuse à juger un film à l'aune de sa fin, nul doute que La Horde est un putain de bon film. Dahan et Rocher avaient promis un badass movie, ils ont sacrement tenu parole. On fera donc bientôt amende honorable avec une critique contre qui se ressemblera à peu près à tout ceci mais moins fouillis… les heures de sommeil, ça sert à ça.

 

 

 

 

Justement le sommeil, je pensais en récupérer pas mal ce dimanche matin en esquivant la projection de 9h du matin. Mais un Nico en forme presque olympique (il faut dire que le bougre dormait hier à 23h alors qu'on était censé se retrouver à une soirée à minuit et demi), prêt à shooter de la star (il a d'ailleurs tenu parole, allez voir dans les galeries), m'a sorti de mes doux rêves. Et puis ma conscience de méga pro m'a convaincu que je serai mieux préparer pour mes interview de lundi avec Claire Denis et Christophe Lambert si j'allais voir White material le plus tôt possible.

9h donc et je suis dans la Sala Perla pour découvrir le nouveau film de celle qui m'avait scotché avec 35 rhums il y a tout juste un an ici même. 100 minutes plus tard, le sentiment est presque le même et je n'arrive toujours pas à comprendre comment elle a fait. Car, cette histoire de « colons » blancs gérant une plantation de café dans un pays d'Afrique en pleine guerre civile, n'avait rien pour me séduire en apparence, moi, l'homme qui quelques heures plus tôt prenait son pied devant du déssoudage de zombies à la mitrailleuse. Mais, c'est aussi ça la magie du cinéma et aussi ma grande ouverture sur tous les genres cinématographiques (qui fait dire à certaines mauvaises langues que tous les films ont une chance avec moi…même Truands et G.I Joe, spéciale dédicace à certains lecteurs qui lisent mes chroniques vénitiennes). Suivant au pas l'étrange Isabelle Huppert, ne voulant pas abandonner son domaine malgré le danger qui plane sur sa famille avec l'arrivée des rebelles, je me retrouve happé par le rythme lent et décousu de ce White material. Avec ses personnages complexes et en souf (mention spéciale à Nicolas Duvauchelle en fils de Huppert et le très sobre Christophe Lambert), le film de Claire Denis tarde à livrer ses secrets, et c'est sûrement ça qui me séduit. Dans l'incapacité d'appréhender totalement les tourments de ces êtres en perdition, fasciné par la beauté d'une Afrique pourtant en plein déchirement, je sors de White material avec des images et des sentiments plein la tête. A l'image d'un final totalement déroutant, ultime pied de nez à un public qui, chose rare, n'applaudit ni ne siffle le film. Comme pour la rencontre avec Refn, le réalisateur de Valhanna Rising, j'attends avec impatience les interviews de demain avec Claire Denis et son acteur principal.

 

 

 

 

Pour me refaire une santé (mentale), direction la Sala Grande pour le premier des hommages rendus à John Lasseter avec la projection de Toy story en 3D. Un vrai plaisir de revoir ce petit bijou d'animation qui s'offre une mini cure de jouvence avec cet ajout d'une dimension. De quoi me mettre du baume au coeur pour écrire ce que vous venez de lire même si les aléas techniques de mon eeepc m'ont vite fait descendre de mon nuage (deux heures pour arriver à bout de tout ceci). Mais ceci est une autre histoire que je ne vous raconterai pas…pour cause de début de queue à faire pour le Soderbergh.

 

 

 

 

Jour 4 – samedi 5 septembre 2009

 

18h 30, samedi 5 septembre.

 

Quand le lauréat du prix de la jeune critique de , et accessoirement votre ami et collègue, Julien Welter, lit vos chroniques vénitiennes et vous envoie ses commentaires, il y a deux choses à en conclure :

  1. Il ne se e vraiment rien à Deauville pour qu'il vous lise un samedi après-midi et vous avez bien fait d'opter pour la Mostra au lieu d'aller au festival américain de Deauville.

  2. Vous avez intérêt à suivre ses conseils car le monsieur sait de quoi il parle. Il est lu et apprécié.

 

Alors le père Juju me dit que mes chroniques sont « pas mal » mais qu'il faudrait que je mette plus de trivial (sandwich) dedans et moins m'attarder sur les critiques de films que vous ne verrez que dans deux cents ans (bon ok, là, je sens un peu la frustration du mec à Deauville qui aimerait voir mes films mais bon ons).

En bon élève appliqué, je mets en application cette missive facebook dès mon retour de Tetsuo, the bullet man. Grâce à Julien, vous saurez uniquement que le film de Tsukamoto est dans la droite lignée des épisodes précédents de la saga : complètement barré. Et vous allez avoir le droit à mon épopée culinaire de la journée qui a failli me faire rapatrier à Paris.

 

 

 

 

Pour ceux qui ne le savent pas (c'est à dire, tout le monde sauf 4 personnes sur cette terre), j'ai pris depuis quelques mois les conseils de Megan Fox à la lettre. Lors de mon interview avec la miss, elle m'avait suggéré de travailler mes obliques pour ressembler aux mecs de Twilight. D'où désormais une hygiène alimentaire nettement plus étudiée et un régime à la clé. A Venise, je suis donc aux barres protéinées… Encore faut-il penser à les prendre dans son sac le matin avant de partir à l'aventure. Et quand on dort une poignée d'heures, on n'a pas forcement toute sa tête au réveil. Et ce matin, bing, ça n'a pas raté : je les ai oublié.es Pas de problème puisque comme vous suivez parfaitement bien mes chroniques, vous savez que Nico le photographe a dormi plus longtemps que moi. Un texto plus tard, je m'assure que lorsqu'il émergera de son sommeil, il me ramènera mes précieuses barres. Seul hic au programme, comment se retrouver ? Car le Nico, aujourd'hui, est déchaîné : il chope du photocall et tapis rouge à tout va, il va guetter les stars sur l'embarcadère, il tente de photographier de la modèle devenue actrice dans une chambre d'hôtel. Bref, il tire plus vite que son ombre et pour le choper, il faut être plus rapide que Guy l'éclair. A chaque sortie de projection, c'est donc le même rituel : un texto qui dit plus ou moins ça : «  t'es où j 'ai faim ». Et les projections de s'enfiler sans que le Nico ne réponde. Résultat, j'erre de salle en salle en évitant bien de croiser une échoppe vendant de la pizza ou du panini (un vrai exploit ici, bien plus que de ne pas fermer les yeux devant le Chéreau) et mon ventre commence à sérieusement déranger mes collègues dans la salle. Et à 18h30, fin du calvaire puisque je croise enfin Nico dans la salle de presse, tranquillement en train de faire le tri de ses 230 000 photos prises aujourd'hui. « tiens, j'ai tes barres au fait » me lance t-il. Sans blague, donneeeeeee….Et me voilà rassasier, prêt à repartir au combat pour aller voir le Michael Moore. Et en plus, j'ai fait plaisir au meilleur jeune critique de .

A tout à l'heure pour mon avis sur le Moore à moins que vous préfériez que je vne ous raconte une nouvelle histoire de sandwich. Pressez 1 ou 2 pour me dire votre choix…

 

Samedi 5 septembre

De plus en plus tôt, le réveil sonne (7h 15 ce coup-ci). Je pars seul (Nico, en bon photographe qui se respecte, réfléchit encore à son art dans son lit) pour affronter ma plus longue journée depuis le début du festival : 5 films de 8h30 à minuit. Ma récompense : une soirée sous le signe de Woodstock en sortant de la dernière projection. Enfin si j'arrive jusque là.

Car, si le première projection de la journée s'est irablement bien ée, en l'occurrence Accident, une production Johnnie To qui débute comme un Destination finale (un meurtre impressionnant suite à une série d'accidents fortuits) pour devenir vite un thriller paranoïaque à l'efficacité redoutable, la suite a été nettement plus douloureuse (je ne remercie pas au age la non moins efficacité du Guronsan qui m'a empêché de m'assoupir).

 

 

 

 

Le nouveau de Patrice Chéreau, Persécution, avec son trio de stars, Romain Duris, Charlotte Gainsbourg et Jean-Hugues Anglade, m'a fait vite comprendre que les 100 minutes qui allaient suivre, seraient ardues. Romain est mal dans sa peau. Il aime Charlotte mais n'arrive pas à construire quelque chose avec elle. Charlotte est perdue ou flottante (au choix). Elle aime Romain mais n'arrive pas à accepter ce sentiment. Jean-Hugues est un inconnu qui poursuit Romain parce qu'il en est amoureux.

 

 

 

 

Voilà donc trois personnages en souf que la caméra de Chéreau ne lâchera pas pour ne pas perdre une miette de leurs émois intérieurs et leurs prises de conscience douloureuses. A ce petit jeu, c'est le personnage d'Anglade qui s'en sort le mieux, apportant une certaine dérision et légèreté par son côté haut en couleurs (il rentre de tous les côtés, apparaît sans qu'on s'y attende et lance quelques phrases philosophiques savoureuses).

Dommage qu'il ne soit pas véritablement au coeur de l'histoire, laissant la place à un Duris qui surjoue un peu trop le jeune homme qui tente de trouver un sens à sa vie. On n'ira pas jusqu'à écrire que le film nous a fait subir son titre mais l'aspect torturé du récit et de ses protagonistes finit par . L'accueil plus que mitigé dans la salle, semble confirmer ce premier sentiment.

 

 

 

 

Mais ce n'était rien à côté de Lourdes. Car oui, après deux jours de chasse à la souris avec le film de Jessica Hausner, je l'ai enfin vu lors de son ultime projection. Et je ne peux m'empêcher cette facile boutade : point de miracle dans Lourdes. J'ai même assisté à mon premier enfer cinématographique du festival. 99 minutes de pub pour Lourdes et l'Eglise Catholique que ne pourront pas sauver les quelques pointes d'ironie et l'interprétation parfaite de Sylvie Testud (les grandes actrices sortent toujours intactes du pire des films : Sylvie est décidément une très grande comédienne).

 

 

 

 

Hausner nous propose le premier film virtuel sur Lourdes. Vous avez envie de savoir comment tout se e là bas mais vous n'avez pas envie de faire le déplacement : Lourdes est là pour ça. Vous avez envie de voir un film de cinéma qui questionne le rapport à la foi, qui met en scène des personnages touchants : Lourdes n'est pas là pour ça. Pour être sûr de l'aspect ferveur catholique dégagé par le film, il m'a suffi d'entendre les applaudissements (les plus importants depuis le début du festival) à la fin de la projection. Au pays du Pape, il y a des signes qui ne trompent pas !

 

 

 

Et maintenant, c'est au tour de Tetsuo The Bullet Man de tester ma résistance de cinéphage. Verdict dans quelques heures…

 

 

 

Jour 3 – vendredi 4 septembre 2009

 

Vendredi 4 septembre : 21h

C'était décidemment la journée Herzog à la Mostra puisque le film surprise n'était autre que My son, my son, what have ye done ? Deux films en compétition du même réalisateur, Venise n'avait jamais vu ça de récente mémoire. En producteur exécutif de cette histoire singulière, on retrouve le nom de David Lynch et l'ombre du cinéaste plane plus que de raison dans un récit au bord de l'étrange et de la folie. Basé sur une histoire vraie, le film nous embarque dans une prise d'otages bien particulière : Brad Macallam (Michael Shannon dans une performance presque aussi folle que celle de Bug) vient de tuer sauvagement sa mère et l'inspecteur de police interprété par Willem Dafoe va tenter de lui faire entendre raison. Pour cela, il aura besoin de l'aide de la petite amie de Brad (Chloë Sevigny) et de leur metteur en scène de théâtre (Udo Kier). A travers des flashbacks, ces deux-là vont raconter la lente dépression de Brad pour tenter d'expliquer comment il a pu commettre l'irréparable.

 

 

 

C'est dans ces retours en arrière que le film part dans des zones troubles qui rappellent l'univers lynchien. Mais il y a aussi l'horreur de la situation qui refait surface lorsqu'on revient dans les rues de San Diego et pour Herzog, de réaliser son premier film horrifique réaliste. On assiste impuissant à la dépression d'un homme ordinaire qui sans aucune raison particulière mis à part la frustration de ne pas pouvoir être le comédien amateur qu'il voudrait être, va doucement péter les plombs. En nous faisant rentrer dans l'intimité de ce personnage, ni plus sympathique ou antipathique qu'un autre, sans porter aucun jugement, Herzog trouve une vraie justesse de ton. A 67 ans, le cinéaste, plus enclin à faire dans le vrai-faux documentaire ces derniers temps, semble avoir trouvé un nouveau souffle. Bonne nouvelle car on l'aime le Werner !

 

Vendredi 4 septembre : 18 h

Je me suis fait lourder de Lourdes, quatrième film de la compétition. Après avoir déjà renoncé à le voir hier soir pour cause de projection très tardive, mon petit doigt me dit que le film risque bien d'être au palmarès, histoire de me mettre les nerfs le dernier jour. Enfin, il y a une bonne raison pour cette omission : je suis allé interviewer Nicolas Winding Refn pour comprendre son Valhalla rising et comme je lui ai dit, pour faire de ma critique déjà publiée ici, un work in progress.

Un moment fort agréable avec un cinéaste d'une rare intelligence et qui m'a confirmé que ne pas comprendre son film n'est pas horrible, l'important est le voyage vécu durant la projection. Mission accomplie, Nicolas, je pense encore à ton film et oui, je vais monter ma note comme tu me l'as si gentillement suggérer. Et deux pour le prix d'un puisque One Eye alias Mads Mikkelsen s'est t à nous durant l'interview. Un grand moment de n'importe quoi que j'ai filmé (on verra si c'est présentable à Paris) où la discussion est partie sur qui est le meilleur joueur de foot du monde (Mads étant un fan de foot, et la réponse n'a pas tardé : Mikael Laudrup, ah ces danois, encore plus chauvins que nous) mais aussi sur qui remportait un combat entre le Conan de l'époque et One Eye. Réponse de Mads : " Conan est un guerrier. One Eye est un dieu. Je lui casserai la tête. Sûrement pas derrière mais je l'abats." Enfin la bonne nouvelle pour vous, chers lecteurs, c'est que Valhalla rising va sortir en…mars 2010. Allez encore quelques mois à attendre et d'ic là, j'aurai peut être fait les ajouts à la critique. 

En partant, je boucle des interviews avec Claire Denis et Christophe Lambert  pour lundi (chouette, je vais pouvoir lui poser les questions qui manquaient à mon interview carrière, lire ici pour les retardataires) et je file à l'évènement de cette soirée : un film surprise. Une habitude ici à la Mostra sauf que cette année, les organisateurs ont décidé de garder le secret jusqu'au bout et je quitte donc la salle de presse pour faire la queue pour un film dont j'ignore tout. A tout à l'heure pour le nom et l'avis. 

 

Vendredi 4 septembre : 11h

Ca y est, j'ai vu Bad Lieutenant de Werner Herzog avec Nicolas Cage dans le rôle titre. Et alors ? Ca a le mérite d'être déroutant. Je vous préviens tout de suite : à part le nom du film et le fait que le dit lieutenant est accroc aux drogues, les ressemblances avec le film de Ferrara n'ont pas lieu d'être. Petit joueur le Cage comparé au Keitel. A tel point qu'on se demande parfois s'il mérite vraiment son titre de « bad ». Bon d'accord, il se fait branler par une meuf devant le copain de cette dernière, il menace une vieille avec son magnum et il abuse gentiment de toutes les drogues qu'il peut trouver, mais tout ceci est fait sur le ton d'un humour décalé, propre d'ailleurs à la carrière du comédien. Bad lieutenant, film phagocyté par Cage ? Pas sûr puisque le Herzog a aussi un humour spécial et les deux semblent s'être trouvés. De là d'accoucher d'un film aussi mémorable que celui de Ferrara ? La réponse est non, trois fois non mais au rayon des films décalés et barrés, qui vivent leur propre vie sans se soucier de ce que peuvent penser ses spectateurs, Bad Lieutenant 2009 a sa petite place.

 

 

Cliquez sur la photo pour accéder au tapis rouge de Bad Lieutenant

 

Pour me remettre de ce que je viens de voir, j'ai la grande idée d'aller suivre la conférence de presse de Valhalla rising, histoire de voir si Nicolas Winding Refn va apporter de l'eau à mon moulin et me permettre de comprendre ce que j'ai vu hier. Peine perdue, le bonhomme est aussi complexe et hermétique que son récit. On apprend tout juste qu'il fait des films violents pour s'exorciser et apparaître normal face à ses enfants. Et qu'il fait ses films à chaque fois comme si c'était le dernier. Un bien étrange personnage que ce Nicolas que je vais tenter d'aller interviewer aujourd'hui. Quant à Mads Mikkelsen, j'ai enfin entendu sa voix à Venise mais le comédien était de toute évidence encore dans son personnage de One Eye : 50 mots prononcés. Visiblement, il a souffert du tournage confirmant d'ailleurs qu'il ne era pas de si tôt des vacances en Ecosse. Dur la vie d'un acteur !

Celle d'un journaliste est nettement plus terre à terre : il est où mon sandwich, il est 12h 30, j'ai faim !

 

 

 

L'état de grâce ne pouvait pas éternellement durer. Après avoir rencontré le duo Balaguero-Plaza et leur dire tout le bien que je pensais de leur Rec 2 en anglais pour cause de partage d'interview avec une charmante consoeur autrichienne (je rends service mais c'est vous qui allait en pâtir, chers lecteurs, car maintenant y a du sous-titres à faire), avec au age la triste nouvelle de la journée (Rec 3, ce sera sans eux, malgré mes hurlements de tristesse), j'ai vu le premier film très moyen de la sélection. Au bien sûr, on est encore loin des purges de l'an dernier (qui ont presque dégoûté Jean-No de revenir sur la lagune) mais Prince of tears du chinois Yonfan ne restera pas dans ma mémoire. Basé sur une histoire vraie et inspiré de l'enfance du cinéaste, le film offre un indigent pudding de mélo à la chinoise. Sous couvert de montrer les ravages de la chasse anti-communiste dans le Taiwan des années 50 sur une famille entière, Yonfan en fait des tonnes. Si l'innocence et le naturel des jeunes filles ent encore bien, le triangle amoureux (la femme, son mari et le frère de ce dernier) est traité avec un manque de finesse fatal. Malgré des plans exagérément beaux (là aussi, c'est appuyé), Prince of tears sonne faux et n'arrive jamais à lier petite et grande Histoire comme il le voudrait si bien.

Une fin de soirée difficile qui me fait zapper la première projection de Lourdes avec Sylvie Testud. Le rendez-vous est pris pour demain à moins que les premiers avis éventuellement négatifs me donnent envie d'aller tester la plage à la place. Bonne nouvelle, je me couche plus tôt que d'habitude (2h) et serai en forme pour le Bad Lieutenant d'Abel Ferrara.

 

Rendez-vous dans quelques heures pour le verdict. Si quelqu'un arrive à suivre la chronologie de ses chroniques vénitiennes, qu'il en soit remercé ici tant l'auteur de ces lignes a même du mal à suivre.

 

 

 Jour 2 – Jeudi 3 septembre 2009

Reccccccccccccc ! Après avoir attendu toute la journée, c'est en compagnie de Jaume et Paco que j'ai pu voir ). On est d'autant plus aux anges que tout à l'heure à 17h, on a rendez-vous avec les deux réalisateurs (si vous avez des questions, faites er) et qu'on a qu'une hâte : leur dire que ce sont des génies et surtout pourquoi on n'a pas les mêmes en  ?

 

 

 

Avec un telle fin de journée, on en oublie tous les aléas du festival (se battre pour avoir une place pour bosser, trouver un endroit pour manger autre chose qu'un sandwich aussi pourri que cher, trouver ses repères dans une Mostra en totale reconstruction – mais il est où mon casier ? -). Il faut dire que juste avant Rec 2, j'ai pu donc voir The Road, le deuxième film de la compétition (n'ayant pas vu Baaria, le film de Giuseppe Tornatore, s'il remporte le Lion d'Or, cela continuera à entretenir la légende du mec qui voit à Venise tous les films sauf le vainqueur à l'exception de l'an dernier où The Wrestler, j'avais vu juste, merci pour moi).

 

 

 

Très, très attendue, l'adaptation du best-seller de Cormac McCarthy ne déçoit pas. Pour son deuxième film, John Hillcoat (The Proposition, western détonant et toujours scandaleusement inédit) nous amène loin dans l'émotion. D'une sobriété magnifique, porté par une direction artistique sublime et des acteurs habités (Viggo est énorme), The Road touche plus d'une fois au sublime de par sa capacité à nous rappeler que l'amour est tout et que la vie est tragiquement éphémère. A la sortie, on avait envie de sauter dans les bras de ses voisins et leur dire qu'on les aime. Pas de bol, j'étais seul dans ma rangée. Donc je vous le dis là maintenant, amis-lecteurs d'Ecran Large, je vous aime. Et une spéciale dédicace à Alexis P. au vu de cette histoire d'un père et d'un fils traversant une Amérique ravagée et tentant tout simplement de  survivre (oui, l'histoire de The Road, c'est ça pour les incultes comme moi qui n'ont pas lu le roman). La critique en ligne pour ce soir.

 

 

 

C'est donc avec une banane énorme que je suis rentré à la casa, réveillé le père Nico (ah ces photographes, é minuit, y a plus personne) qui avait tellement bien planqué la clé dans le pot de fleurs que j'ai mis autant de temps à la trouver que de faire la queue à Rec 2. Mais, bon, il en aurait fallu bien plus pour enlever le sourire que j'avais sur mes lèvres. Un sourire renforcé par tous ces textos d'amour de mes amis : « je te hais, t'es une grosse salope »  (ajout depuis la publication de cet article, Melle S. et son très distingué " t'es un gros enculé") après leur avoir écrit un petit compte-rendu de ma journée au paradis du cinéma.

 

Et avant-première, le début de ma deuxième journée.  Un réveil extrêmement difficile, ça promet pour la suite du festival. Mais quel plaisir de se retrouver au petit matin avec les névrosés, pervers, freaks sortis de l'imaginaire de Todd Solondz. Troisième film de la compétition, Life during wartime n'est pas aussi jubilatoire que Happiness mais après 5 ans d'absence, ça fait un bien fou de revoir le politiquement incorrect Solondz gratter l'envers du décor et nous montrer le vrai visage de son Amérique. On en reparle…j'ai de la critique sur le feu, une interview à préparer et un viking danois qui m'attend (Valhalla rising). A suivre…

 

 

 

Jeudi 3 septembre 15h 45

Déconcerté mais assuré d'avoir un OFNI, je sors de Valhalla rising en cherchant à reprendre ses esprits.On le savait depuis quelques temps déjà, le nouveau film de Nicolas Winding Refn n'allait pas être le furieux film de vikings allant chercher son inspiration du côté de Conan le barbare ou du 13ème guerrier. Ce qu'on ne savait pas, c'est qu'on allait avoir en face de nous un auteur qui rappelle les fantômes de Bresson et Bergman  (l'austérité est ici de mise) tout en faisant corps avec la nature (paysages magnifiques) comme un certain Malick. Avec un tel mélange et son nombre de dialogues réduit à sa portion congrue (à côté, les Leone, c'est Benigni sous amphétamine), Valhalla rising possède tous les éléments pour désarçonner ses spectateurs. Reste que Refn est sacrement malin et surtout il ose et reste fidèle tout du long à son récit initiatique (si on peut l'appeler comme ça). Les rares moments de violence agissent ainsi comme un douloureux électro-choc (dommage pour le sang en CGI). Et Mads Mikkelsen, sans prononcer le moindre mot, impose une présence peu commune.

On va laisser ça mijoter la soirée pour revenir dessus demain. Direction maintenant, l'hôtel Excelsior où les deux auteurs de la bombe Rec 2 m'attendent si tout va bien. 

 

 

 Jour 1 – mercredi 2 septembre 2009

Venise 2009, c'est parti…ou presque. On avait oublié à quel point la Mostra est un festival d'un autre monde avec ses particularités. Il n'aura pas fallu longtemps pour se rappeler au bon souvenir de ce festival qui fête son 66ème anniversaire en faisant peau neuve cette année. On avait oublié ainsi que la Mostra est sans doute l'un des rares (le seul) festivals qui annoncent une date d'ouverture en projettant les films un jour avant. Pour Ecran Large, on avait appelé ça la course à Rec 2 et l'on vous annonce tout de suite que vous n'aurez pas le dénouement dans cet article. Premier jour et on vous sort déjà la carte du suspens. Il faut dire qu'ici aussi, on joue avec nos nerfs. Et ce dès l'aéroport puisque l'équipe d'Ecran Large (soit votre serviteur et Nicolas notre photographe) a vu son arrivée plus que retardée. Un escabeau de perdu par Easyjet et une bonne heure à tenter de localiser le précieux objet qui permettra à Nico de shooter les stars (au pays des géants photographes, le petit Nico en a bien besoin). Ouf, on a fini par le retrouver.

Direction le bateau (vaporetto que ça s'appelle ici pour ceux qui n'ont pas suivi les épisodes précédents, on en profite pour rappeler qu'Ecran Large couvre la Mostra depuis 4 ans). Un transport inédit pour cette année, bien plus classe que notre traditionnelle arrivée en bus. Sauf qu'on nous avait pas dit que cela allait nous prendre juste 1h 30. Soit le temps exact pour nous faire rater la projection de presse de Rec 2. Panique à bord surtout qu'on a presque réussi à caler une interview avec Balaguero et Plaza le lendemain. Il faut voir le film. On est venu pour ça, enfin pas que pour mais quand même, la suite d'un des meilleurs films d'horreur de la décennie en cours, on veut voir ce que cela donne. Pour le moment, on peut vous dire que les deux compères ont l'air bien contents d'eux. Car à défaut de voir le film, on a assisté de loin (devant des écrans de TV) à la conférence de presse qui se déroulait en espagnol et italien. Autant vous dire que comme j'ai fait allemand première langue (merci à mon cousin allemand que je ne vois plus depuis 20 ans au age), vous pouvez aller d'ores et déjà chercher ailleurs ce qu'ils ont bien pu dire. Ecran Large au top de l'information !

 

 

 

Alors en attendant de savoir si, ce soir, le public prioritaire à l'ultime projo de Rec 2 me laissera un bout de strapontin, j'ai pris la décision de rester à l'heure espagnole et de commencer le début des festivités filmiques en allant voir le nouveau film de Daniel Monzon, Cell 211. Déjà auteur d'un sympathique Kovax Box en 2005, Monzon nous entraîne dans l'univers sombre et violent d'une prison espagnole où un jeune maton pour son quasi premier jour au boulot (il fait du zèle le monsieur en visitant les lieux un jour avant) se retrouve pris au piège quand une émeute éclate laissant la prison aux mains des détenus. Pour survivre, il va devoir se faire er pour un des leurs. Un pitch des plus prometteurs que Monzon a du mal à sublimer par la faute d'une envie de trop en faire. Des rebondissements grossiers, trop de personnages secondaires n'ayant pas vraiment le temps d'exister nuisent à l'impact d'un récit qui puise sa force dans l'amitié virile qui va se lier entre le jeune garde et le leader des détenus.  D'autant plus que les deux acteurs (Alberto Ammann et Luis Tosar) sont totalement habités par leur rôle. Mais à l'image d'un final frustrant et bâclé, Cell 211 n'arrive pas à être le choc émotionnel voulu. Dans le genre films de prison, la barre est depuis longtemps haute et Monzon n'y apporte qu'un chapitre modeste.

 

 

 

Il est bien gentil le chroniqueur mais nous, on s'en fout un peu grave de son film espagnol qui sortira (peut être) que sur quelques copies françaises dans un avenir bien lointain (d'ailleurs, on ne lit même pas ce qu'il met et il peut vous dire en toute impunité qu'il a déjà dormi dix minutes pour cause d'absence totale de clim dans l'une des nouvelles salles de la Mostra, et donc de température avoisinant les 40 degrés). Nous, on veut savoir ce que ça donne Rec 2 ! Ben moi aussi mais en attendant le verdict ce soir…peut être, le chroniqueur, il va aller se préparer à prendre the road. Ah, tout de suite, je retrouve votre attention. A dans quelques longues heures pour le verdict d'un des autres films les plus attendus d'une Mostra commencée en douceur mais commencée tout de même !

 

 

lire la critique)

Yonfan (Chine/Taïwan/Hong Kong)

 

Nicolas Winding Refn (Danemark)

 

Rec 2

 

 

La Route 

 

Valhalla rising

 

Bad lieutenant 

 

 

Capitalism : a love story

 

 

Survival of the dead

 

 

The Informant

 

 

 

 

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