Débutée dans les années 1930 et bien partie pour durer, la franchise des Universal Monsters a une histoire unique typiquement hollywoodienne.
Ce que Blumhouse et Universal voulaient faire
IT’S ALIVE !
Personne ne s’attarde trop sur le sujet, mais Universal Pictures est le plus vieux studio hollywoodien, et le dernier à être présent depuis les débuts du cinéma américain. Ce statut en fait un témoin privilégié d’une industrie qui va très vite dominer le divertissement mondial. À travers son histoire, il cristallise toutes les évolutions de la production à grande échelle jusqu’à aujourd’hui, où il se défend face à Disney grâce à de multiples franchises multimilliardaires comme les Jurassic Park / World / Univers ou encore les films d’auteurs réalistes Fast & Furious.
Mais la firme reste aussi célèbre pour être l’initiatrice de ce qui est devenu depuis un cas d’école : les Universal Monsters, probablement le premier univers cinématographique étendu de l’histoire, où cohabitent des figures autrefois littéraires et désormais promues au rang d’icônes de la pop-culture. Véritable révolution à l’époque, la franchise a connu ses heures de gloire entre les années 1930 et les années 1950, mais a tant bien que mal survécu jusqu’à aujourd’hui, en plus d’inspirer tout un pan du cinéma moderne.
Bela Lugosi, le seul et l’unique
Bien sûr, il n’était pas question de saga à l’époque. En réalité, si les personnages les plus célèbres sont identifiés, les origines exactes de la franchise font débat. La plupart des cinéphiles considèrent Carl Laemmle de dépenser 1,5 million de dollars dans le projet, une certaine somme à l’époque.
Très vite culte, il vaut pour ses décors spectaculaires, reconstituant le Paris du XVe siècle, mais aussi l’interprétation de Lon Chaney en Quasimodo, performance qui fait de lui une star. L’idée est moins de créer une figure horrifique que d’adapter un classique littéraire, comme c’est souvent le cas à l’époque. Néanmoins, le soin apporté au personnage s’avère très neuf et surtout une des clés du succès du long-métrage.
La figure du monstre, collatérale ici, commence à prouver son intérêt économique et, mine de rien, à trotter dans la tête de Carl Laemmle. Ainsi, il décide de poncer les œuvres classiques mettant en scène des personnages difformes ou mis à l’écart, de véritables monstres de foire jetés en pâture au spectateur sous le prétexte de l’adaptation.
Forcément, Victor Hugo ree à la moulinette avec une version de L’Homme qui rit en 1928, où on suit un homme dont le visage est défiguré. Plus évocateur encore, Laemmle commence à lorgner du côté du cinéma d’épouvante.
Ces protagonistes particuliers sont-ils à proprement parler des Universal Monsters ? En tout cas, ils marquent l’apparition d’un certain type de cinéma particulièrement bien adapté au public hollywoodien. Plus que de grandes histoires romanesques, le spectateur concerné rêve surtout de figures spectaculaires, le confortant dans sa position.
D’ailleurs, lors du lancement du Dark Universe évoqué plus loin, la firme s’est lancée dans la production d’un nouveau Carl Laemmle n’embrassent pas totalement leur nature horrifique. Ce sont des retranscriptions cinématographiques d’œuvres cultes avant d’être des films d’épouvante. Et surtout, aucun de ces personnages n’est lié à un univers partagé.
LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS
En 1929, L’Étrange Créature du lac noir (1954). C’est une véritable révolution qui part encore une fois de l’adaptation d’un roman fantastique ultra-célèbre : le Dracula de Bram Stocker. Il est suivi par l’adaptation d’un autre chef d’œuvre littéraire gothique, Frankenstein ou le Prométhée moderne. Les longs-métrages de cette période ne sont pas tous forcément des chefs d’œuvres.
Certains souffrent d’une maladie assez déplaisante : après un prologue génial montrant le monstre en question dans son habitat naturel, ils s’évertuent à le faire exister dans notre monde bien plus académique et franchement moche. Dracula n’y échappe pas non plus, en dépit du culte absolu dont il fait l’objet. Après une sublime première partie, voir le comte évoluer dans des décors victoriens très classiques relève de la déception. Qu’importe, la plupart des films qui composent cette salve sont devenus très vite cultes grâce à un processus d’iconisation de leurs personnages.
La mise en scène n’y est pas pour rien : James Whale, faisant baigner son scénario dans une ambiance impressionniste spectaculaire. Le nombre de visions immortelles que le cinéaste au sommet de son art a su générer est juste impressionnant.
Selon Dave Kehr, historien du cinéma interrogé par Télérama en 2016,L’Étrange Créature du lac noir.
Virtuose, la séquence cristallise le schéma narratif qui caractérise cette première salve de films : la créature en question tourne autour d’une femme qu’il ne peut atteindre sans violence à cause de sa condition. Dans L’étrange créature…, la situation est déchirante, tant le statut du monstre est ambigu (L’Homme invisible, elle interroge vraiment sur la nature humaine, capable de tout dès qu’on lui confère un peu de pouvoir.
Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup y est
Deux autres composantes achèvent le travail d’iconisation de ces œuvres. La première est sans conteste la prestation des acteurs, indissociables de leurs rôles. Gary Oldman.
La légende est désormais célèbre : le comédien, à la fin de sa vie, se serait carrément baladé dans le costume de son personnage, se prenant littéralement pour un vampire. La rumeur n’a jamais été vraiment vérifiée, mais elle en dit long sur la perception qu’avait le public de la star. Autre composante, non négligeable : les effets spéciaux. Du maquillage inoubliable de Frankenstein au costume intégral de la créature, ces monstres sont parmi les premiers à exhiber à ce point leur difformité pour le grand plaisir du public de l’époque. À cet égard, Le Fantôme de l’Opéra version 1943 pourrait prétendre faire partie de cette petite équipe.
Niveau effets spéciaux, le summum a probablement été atteint avec l’homme invisible, finalement caractérisé uniquement par ses actions. Probablement le fantasme ultime des responsables des effets visuels, le personnage est visible malgré son invisibilité dans des séquences encore très plausibles aujourd’hui, presque 90 ans plus tard. Thématiquement incroyablement mature et sombre, le film fait partie des meilleures productions de la firme et constitue la preuve que les spectateurs peuvent s’attacher à un protagoniste qui n’existe que grâce à un bon premier acte et le savoir-faire technique américain de l’époque. Ces monstres marchent, car ils résument la force d’attractivité d’Hollywood : du spectacle, du spectacle et encore du spectacle. De fait, ils vont générer un autre concept typiquement hollywoodien : les suites !
ARMY OF DARKNESS
Car ce qui a fait rentrer ces figures horrifiques dans l’histoire, c’est autant la qualité des œuvres premières que les hectolitres de suites commandées par Universal. C’est loin d’être la première fois que l’industrie cède à ce procédé. En effet, le statut de première vraie suite de l’histoire du cinéma est souvent accordé à Naissance d’une nation. Néanmoins, le cas des Universal Monsters est inédit. Non seulement les acteurs conservent leurs rôles dans leurs franchises, mais ils vont parfois faire un petit coucou aux autres bestiaux, impliquant que les épisodes de la franchise se déroulent dans le même espace-temps.
Les suites directes des chefs-d’œuvre cités précédemment s’articulent souvent autour de deux motifs : la résurrection, de façon logique, et la famille, de façon cohérente avec les valeurs qui caractérisent le Hollywood des débuts (et de la fin d’ailleurs). Ainsi, la plus célèbre de ces suites reste sans conteste James Whale de démontrer encore une fois ses talents de metteur en scène et sa propension sans précédent au romantisme gothique.
Avec des titres aussi variés que Vincent Price, en vient à baigner dans des histoires d’espionnage, à 1000 lieux de l’analyse psychologique spectaculaire originale.
Dans cette masse qui constituerait un marathon filmique pour le moins éreintant, les premiers crossovers, émanations finales du concept de franchise, font leur apparition. De fait, Bela Lugosi, décidément partout. Les univers se rencontrent à la faveur d’un simple voyage. Le village autour du château de Frankenstein appartient à l’univers de Frankenstein, la forêt du loup-garou appartient au loup-garou. Pourquoi ne pas emmener l’un chez l’autre ?
De plus en plus cyniques, les derniers films de cette période finissent par n’être que des parodies dans les années 1950. La première d’entre elles est probablement la plus célèbre. Le duo de comique Lon Chaney Jr..
L’homme invisible version L’Étrange Créature du lac noir, Universal cesse d’exploiter son catalogue et les amateurs de gothique se tournent vers la toute puissante Hammer. Mais les monstres n’ont pas dit leur dernier mot.
Abbott d’Universal
DES FILMS À LA (H)AUTEUR
Comme toutes figures hollywoodiennes qui se respectent, les monstres devenus cultes ont fasciné les cinéastes les plus aguerris, impressionnés par les thématiques convoquées par chacun d’entre eux ou encore leur résonnance dans l’imaginaire collectif. Toutefois, à partir de là, il est difficile de parler de franchise. Loin d’être interconnectés comme l’étaient les monstres originaux, ces films indépendants s’inspirent parfois plus des romans dont ils sont tirés que des classiques des années 1930 et 1940.
Ainsi, le somptueux Joe Dante n’ont rien à voir avec le monstre torturé détaillé plus haut.
Hurlements, pas grand-chose à voir avec le loup-garou classique
Pourtant, certaines de ces réadaptations s’imposent comme de belles héritières des films initiés par James Whale.
D’une part, sa vision des personnages permet aux Tipett studios de se livrer à différentes expérimentations visuelles définitivement en avance sur leur temps. Ici, on pense à la séquence de la piscine ou bien sûr les scènes incroyablement ambitieuses d’Invisibilisation et de désinvisilibation. D’autre part, le discours servi est certes plus actuel, mettant forcément en scène un scientifique à qui le pays en tant que tel a donné un pouvoir, mais identique dans les grandes lignes. Il est toujours question d’un homme rendu ivre par son invention et le pouvoir du voyeurisme. L’essence même du cinéma américain, en somme.
Quelles réinterprétations modernes sont donc directement produites par Universal ? En 2010, le Joe Johnston tente de refaire de la plus poilue des créatures un monstre humain à part entière en suivant son parcours grâce à une réalisation gothique aussi sobre qu’efficace. À ce jour, il s’agit peut-être d’une des seules vraies résurgences des premiers longs-métrages à l’iconographie forte. Pas de bol : c’est un bide exceptionnel puisqu’avec 150 millions de dollars investis, la firme n’en récoltera que 139,7 millions. Le constat est amer, mais logique. Aujourd’hui, les grosses franchises fédérant l’esprit hollywoodien ne sont plus horrifiques, mais super-héroïques.
Wolfman, lacéré par le box-office
La Momie, transgression du mythe original sous forme de film d’aventure. Le cinéaste n’a pas choisi le personnage au hasard : comme expliqué plus haut, la version initiale souffre de la frustration apportée par sa deuxième partie.
En faisant du monstre en question le méchant d’un vrai récit d’aventures et de Brendan Fraser un sous-Indiana Jones attachant, il s’éloigne de plus en plus de l’ambiance délicieusement gothique de ses prédécesseurs, mais fait honneur à son sujet tout en faisant un pas de plus vers l’exploitation contemporaine de ces icônes. Les deux suites seront du même acabit.
Le premier vrai personnage tiré des Universal Monsters à se rapprocher dangereusement du statut de super-héros n’est même pas un personnage principal. L’idée n’est pas si bête. Si Van Helsing connait les monstres et a participé à la chute de Dracula, pourquoi ne serait-il pas le héros d’un film d’action ? Malheureusement, l’exécution est loin d’être à la hauteur et les CGI approximatifs n’auront pas sauvé un film tombé depuis dans les limbes de l’exploitation des années 2000. Ce sera la dernière contribution de Sommers à l’univers, laissant place à un règne monstrueux moderne, mais bancal.
Kate Beckinsale, toujours dans les bons coups
MCU : MONSTER CINEMATIC UNIVERSE
Ce n’est un secret pour personne : le modèle Marvel, faisant de chaque film une bande-annonce extrêmement efficace pour le suivant, est devenu un crédo qu’il faut respecter à tout prix pour les majors hollywoodiennes. Warner possède les droits des personnages DC et s’est donc cassé les dents en essayant de s’y conformer. Universal ne possède pas ou peu de franchises super-héroïques. Les monstres classiques feront l’affaire. Après tout, cet article ne vient-il pas de démontrer que la franchise est précurseur dans le domaine ? Les exécutifs en sont arrivés à la même conclusion.
En 2014, Lionsgate, Metropolitan et Hopscotch Pictures avaient déjà tenté de faire de Frankenstein un super-héros avec l’abominable Docteur Frankenstein, à peine plus regardable. Les deux films sont des bides. Il est temps pour la maison mère de s’occuper elle-même du problème, histoire de capitaliser de nouveau sur ses gloires d’antan.
McAvoy se la joue Docteur Frankenstein
À la même période, le studio décide de relancer la machine, encore une fois, avec Dracula. La décision est prise : ce sera Gary Shore. Le long-métrage traite littéralement le personnage de Dracula comme un super-héros, au point qu’on se demande s’ils n’ont pas confondu son histoire avec celle de Batman. Rien ne nous est épargné. Vlad est un gentil homme qui se voit contraint de céder à un pouvoir pas si empoisonné, son origin story aboutira à la révélation de sa vraie puissance et bien sûr à un cliffhanger en bonne et due forme.
Le résultat est en réalité loin d’être totalement honteux, mais néanmoins fortement oubliable, voire carrément anodin. C’est en tout cas l’avis de la presse qui n’est pas vraiment élogieuse. Pourtant, contre toute attente, c’est un petit succès. Doté d’un budget de 70 millions, le film en amassera 217,1 millions, un score honnête.
Mais ça ne suffira pas pour Tom Cruise. Bien plus friqué (125 millions), il déborde d’ambition.
Déterminé à reconstituer une équipe originale iconique, Universal dépense sans compter et dégote des acteurs qu’ils le sont déjà, iconiques. Sofia Boutella, interprète de la momie en question. Incapable de trancher entre film d’épouvante, film catastrophe et film de super-héros, le résultat n’emballe pas plus le monde. Encore une fois, les résultats au box-office sont corrects (409,2 millions), mais pas suffisants aux yeux des exécutifs de la firme, pas franchement heureux des retombées critiques, pour changer.
Une troupe qu’on ne (re)verra jamais vraiment
L’idée n’est pas que ces monstres sont incapables de fédérer autant que les super-héros ; ce n’est d’ailleurs pas le cas. Les logiques d’attractions qui faisaient leur succès au bon vieux temps n’ont pas tant changé. Le vrai problème de cette tentative de reconsidération de l’univers étendu monstrueux au sein de la culture hollywoodienne, c’est le manque de temps.
Universal a souhaité tout de suite créer un super-univers connecté avant même la réintroduction de leurs personnages. C’est oublier que le Monster Cinematic Universe original s’est surtout construit avec les suites, la première d’entre elles étant Avengers : Endgame, une preuve de patience que ne partagent pas les exécutifs d’Universal. Même les produits les plus hollywoodiens possible ont besoin de temps.
COMING SOON
Cela devrait avoir servi de leçon à Universal. À l’instar de Warner, le studio semble ne plus vouloir singer directement la formule mise en place par Disney et avoué l’échec du Dark Universe.
Les nouveaux Universal Monsters coûtent moins cher, comme le Invisible Man, prévus pour lundi, devraient encore une fois conditionner le destin de cette nouvelle stratégie.
Ça n’interdit par ailleurs pas la possibilité d’un nouveau crossover ou autre joyeuseté du genre. Au-delà des essais auteuristes de comédie musicale rassemblant la petite troupe.
Les monstres seront-ils incarnés par les mêmes acteurs ? Les longs-métrages seront-ils imbriqués ? Impossible de le prévoir, mais une chose est sûre : Universal n’a jamais vraiment renoncé à l’héritage de la franchise. La preuve : ils seraient également en train de La Fiancée de Frankenstein. La boucle est bouclée.
Pour tester vos connaissance sur le sujet, on a concocté un petit quiz à propos de l’homme invisible.
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Ecranlarge
Vous auriez put preciser que les universal monsters ont depuis été largement remplacés et déer par une autre troupe : celle des slashers, freddy, michael myers, pinhead, jason, ash, chucky, le tall man ou encore candyman sont les dignes heritiers de dracula, le loup garou, van helsing et consorts. Il y a un peu de van helsing dans Ash, il y a un peu du fantome dans candyman, il y a un peu de quasimodo ou du frankenstein chez leatherface. Les slashers ont clairement pris leur chemin.
@Drachiam
En effet, j’ai honte d’avoir laissé er une telle coquille. Merci je corrige.
« Fraudon », ça pique un peu les yeux… 😀
Excellent dossier
Super article, merci ecran large de nous faire de beau dossier comme cela. La momie était vraiment une bonne surprise, super film.
Super article, merci ecran large de nous faire de beau dossier comme cela.
Et je rajouterais également que « Penny Dreadful » a parfaitement bien adapté et rendu hommage à tous ces monstres et oeuvres littéraires. Une petite pépite que tout le monde devrait posséder dans sa DVDthèque.
Très tès très bon article ! J’ai adoré du début à la fin, c’est vraiment un sujet ionnant. En tant que fan de cinéma de genre et surotut d’épouvante, c’est un vrai régal que de lire des dossiers du genre ! J’ai vraiment hâte de voir Dark Army et Monster Mash, en espérant que cela se concrétise. Ces deux projets ressemblent plus à ce que doit être le parti pris de ces personnages : Gothiques, horrifiques, poétiques et singuliers.
C’est pour cela même que je ne suis pas forcément impatient de voir le nouvel Invisible Man, film ressemblant beaucoup trop à un essai de science-fiction planplan sans vraiment de patte artistique et de poésie macabre. Rien à voir avec un film de monstre. Heureusement qu’il nous reste Guillermo del Toro ! Si il faut un héritier du genre, c’est bien lui !