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Les pistolets en plastique : critique d’une parodie ratée de l’affaire Dupont de Ligonnès

Par Alexandre Janowiak
27 juin 2024

Les pistolets en plastique. Et si l’histoire ressemble à un fait réel, ce n’est pas du tout fortuit. En salles depuis ce 26 juin 2024.

ça arrivera près de chez vous

Le 11 octobre 2019 à 20h44, la retenait son souffle : Xavier Dupont de Ligonnès, suspect n°1 du meurtre de sa femme et ses quatre enfants depuis 2011, avait apparemment été arrêté à l’aéroport de Glasgow. Les médias s’emballaient avec des éditions spéciales, les experts se succédaient sur les plateaux pour imaginer la suite des évènements… Sauf que finalement, tout ça n’était qu’une erreur : mauvaise personne au mauvais endroit au mauvais moment. Un sujet en or pour le cinéma dont personne ne s’était pourtant emparé.

Tout du moins, avant que Jean-Christophe Meurisse décide de s’appuyer sur cette histoire rocambolesque pour en réaliser une sorte de parodie avec Les pistolets en plastique. Et ce n’est pas franchement étonnant venant de la part du cinéaste. Son œuvre s’est toujours amusée à décortiquer le réel, à le pervertir… tout en démontrant que la réalité était en vérité suffisamment timbrée pour que son humour caustique ne soit que l’extension d’un monde malade.

Un interrogatoire ubuesque dans Les pistolets en plastique
Un monde vide de sens

Ainsi, Les pistolets en plastique suit Léa et Christine (duo tordant formé par Delphine Baril et Charlotte Laemmel), deux femmes obsédées par l’affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Après avoir reçu un prix honorifique (enquêtrice Facebook de grade 4), elles partent donc enquêter dans la maison où a eu lieu la tuerie… sauf qu’au même moment, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d’être arrêté dans le Nord de l’Europe.

Un joli projet en perspective pour Meurisse puisqu’avec l’affaire de Xavier Dupont de Ligonnès (alias Paul Bernardin ici), il a trouvé le matériau parfait pour continuer à moquer les dérives d’une société en perdition. Durant sa première partie (disons jusqu’à l’arrivée de l’arc du « vrai » Paul Bernardin), le film déroule donc avec humour et décontraction son programme.

Un voyage qui n'est pas de tout repos dans Les pistolets en plastique
Les voisins, un terreur en toute circonstance

la classe française

En jouant habilement avec l’absurdité dudit réel, il livre des scènes hilarantes (moquant les enquêteurs amateurs pullulant sur Internet, ridiculisant un inspecteur célèbre face à sa femme…), mais aussi particulièrement inquiétantes. C’est notamment le cas lors de l’interrogatoire de Michel Uzès (excellent Gaëtan Peau) au Danemark avec le Commissaire Hammer, où malgré la confusion évidente, tout devient sujet à justification sans raison. Judicieusement, Meurisse n’a pas besoin d’amplifier les inepties qui nous entourent et laisse, in fine, la situation dégénérée d’elle-même.

Cela dit, cela marche uniquement dans un premier temps, car au fur et à mesure du récit, le film se perd totalement en chemin. Alors que les scènes exposaient naturellement le non-sens du monde, Meurisse en fait trop en tombant dans les mêmes travers que son Oranges sanguines. La bascule des personnages dans la pure folie-stupidité-démence comme pour matérialiser la « bête dégueulasse » qui se trouve dans chacun d’entre eux est d’une gratuité malvenue (une scène avec des yeux ou un flashback meurtrier franchement inutile).

Delphine Baril dans Les pistolets en plastique
Une société à deux visages

Alors bien sûr, on peut imaginer que cela vient corroborer une statistique balancée en introduction du métrage. En effet, le film s’ouvre par un dialogue à la mitraillette entre deux médecins légistes (dont un incarné par Jonathan Cohen) racontant tout et n’importe quoi. À ce moment-là, l’un des deux affirme que « désormais, il faut 30% de dégueulasseries pour qu’un film marche sur le public ». Voir Les pistolets en plastique prendre une tournure trash et macabre n’a donc rien de surprenant.

Mais en vérité, éviter ce déferlement de violence aurait été le bon moyen de prouver que, justement, les bons films peuvent s’en er. Que les grands cinéastes peuvent faire mieux en la suggérant, en la décortiquant. Le choix de Meurisse sonne ici presque comme un aveu d’échec, comme s’il n’avait pas encore les épaules pour faire sans. Vu le mystère entourant toute l’affaire au cœur de son projet, c’est un petit acte manqué.

Affiche de Les Pistolets en plastique
Rédacteurs :
Résumé

Si Les pistolets en plastique démarre en fanfare en décryptant l’absurdité du réel avec un humour décapant, Meurisse choisit encore (comme Oranges sanguines) de finalement basculer dans le trash gratuit pour plonger dans une parodie bien futile.

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Domo
Domo
il y a 11 mois

@Ari, ben non c’est une bonne idée en soit en fait… Votre avis n’est pas universel.

Ari
Ari
il y a 11 mois

Dire à haute voix « tiens, j’ai une idée géniale, si on faisait une parodie de l’affaire Dupont de Ligonnés » devrait suffire pour réaliser que c’est une idée débile. Fascinant de voir que de toutes les personnes impliquées dans le projet, personne n’y aie y trouvé à redire.