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Black Panther 2 : Wakanda Forever – critique du deuil de Marvel

Par Déborah Lechner
13 avril 2025

Après la mauvaise blague de Chadwick Boseman. Alors est-ce que Marvel a réussi à sauver les meubles et à conclure sa Phase 4 mieux qu’il ne l’a commencée ?

© Marvel

MISSION : IMPOSSIBLE

Difficile d’appréhender Black Panther : Wakanda Forever sans revenir sur le défi qui s’est imposé à lui après la mort de Chadwick Boseman, l’acteur qui incarnait T’Challa depuis Captain America : Civil War.

Ce n’est pas la première fois que Marvel fait ses adieux à un Avenger et aborde la question de son héritage et de sa mémoire. Spider-Man : Far from Home l’a notamment fait pour Iron Man, qu’Avengers : Endgame a d’abord iconisé et immortalisé auprès du public, tout comme Black Widow était le baroud « d’honneur » de Natasha Romanoff après son sacrifice héroïque.

Le long-métrage sur Captain Marvel a quant à lui rendu un bref hommage à Stan Lee, un des créateurs légendaires de la Maison des Idées décédé pendant la production. Mais le cas de Black Panther 2 était infiniment plus complexe et ne pouvait pas se contenter d’un simple carton de remerciements ou d’un générique dédié.

Étant donné l’émotion qu’a provoquée la disparition de l’acteur, Kevin Feige avait en plus annoncé peu de temps après que T’Challa ne serait pas recasté et que Chadwick Boseman ne serait pas recréé en images de synthèse. Même si Marvel avait voulu bricoler une séquence cache-misère ou deux, le studio n’avait de toute façon pas de prises en réserve, contrairement à Lucasfilm pour la Leia de Carrie Fisher dans Star Wars : L’Ascension de Skywalker.

Black Panther : Photo Chadwick BosemanChadwick Boseman dans le premier Black Panther

Le film devait donc pallier une triple absence – celle de la tête d’affiche, celle du roi T’Challa et celle de son homologue en costume –  tout en étant forcé de la traiter en hors champ. Il s’agissait d’un casse-tête scénaristique sans précédent dans le MCU et l’industrie du blockbuster, la mort de Paul Walker (un des exemples qui s’en rapproche le plus) étant survenue peu de temps avant la fin du tournage de Fast & Furious 7.

Avant même de découvrir le film, on savait donc que le scénario serait pris en tenaille, celui-ci ne pouvant pas trop s’attarder sur la disparition de T’Challa, ni la balayer d’un revers de main ée la scène d’introduction. Le public devait ainsi faire preuve d’une certaine indulgence, le but étant de sauver les meubles du mieux possible en dépit d’un traitement inévitablement maladroit et incomplet. Et même si le compromis semblait impossible, Ryan Coogler et le coscénariste Joe Robert Cole se sont plutôt bien tirés d’affaire.

Black Panther : Wakanda Forever : photoUne des rares apparitions de Chadwick Boseman dans le film

MOINS D’HERBE, PLUS DE COEUR

Si Black Panther 2 est une sorte de reboot de la franchise, le film a transformé une contrainte en plus-value narrative, tout en créant un pont logique avec le premier volet. Le film de 2018 s’articulait déjà autour de la transmission et de la remise en question des traditions et valeurs du Wakanda, mais la suite donne plus d’ampleur à ces problématiques qui sont naturellement reprises.

De la même façon que la mort de T’Chaka a permis l’avènement d’un nouveau souverain et d’un nouveau Black Panther, celle de T’Challa entraîne une nouvelle succession, bien que le film opte pour une approche méta plus pertinente. Étant donné que Killmonger (Michael B. Jordan) a brûlé toutes les herbes-coeur qui permettaient au Black Panther d’obtenir ses pouvoirs, le Wakanda se retrouve dans une ime, tandis que les personnages se questionnent sur la nécessité d’avoir une autre incarnation du super-héros à l’heure où la super technologie rivalise avec la plupart des super pouvoirs magiques.

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Danai Gurira, Letitia WrightLa nouvelle garde du Wakanda

Une façon habile d’élever le propos et de greffer l’hommage à Chadwick Boseman au scénario au-delà du parallèle évident entre leur mort. C’était également une manière plus inattendue de se détourner de la recette Marvel de plus en plus indigeste. Black Panther 2 est au final un film de super-héros sans super-héros qui présente une forme plus inhabituelle d’héroïsme. Le scénario a en effet donné plus de place au reste de la distribution et principalement aux personnages féminins (Shuri, Nakia, Okoye et la Reine Ramonda) qui étaient jusqu’ici éclipsés par T’Challa.

Par répercussion, chacune a gagné en nuance et en épaisseur avec une caractérisation plus étoffée. On retient ainsi quelques beaux moments et beaux échanges entre ces femmes qui sont marquées par le deuil et tentent de le surmonter à leur façon. La scène post-générique reste cependant le point culminant de ce double hommage et représente bien l’équilibre émotionnel de la production. En plus de se démarquer en contournant les pitreries et effets d’annonce en vue d’un prochain film ou d’une prochaine série, la simplicité de la scène et la sensibilité palpable des deux actrices qui y prennent part permettent de conclure sur une note mélancolique tout en s’ouvrant sur l’avenir.

Black Panther : Wakanda Forever : photoOh, des gens !

En plus de ces réflexions de fond, les enjeux politiques sont également une extension de ceux du premier volet avec l’arrivisme occidental qui freine à nouveau les relations diplomatiques du Wakanda. Namor remplace quant à lui Killmonger dans le rôle de l’anti-héros qui se bat trop violemment pour une cause légitime. Le fond reste assez schématique et rudimentaire, tout comme la façon dont le scénario cultive la ressemblance entre les habitants de Talokan et les Wakandais, mais leur conflit a le mérite d’avoir plus d’ampleur, du simple fait qu’il s’agit d’une guerre à plus grande échelle qui oppose et ravage deux peuples initialement pacifiques.

Après s’être reposé sur quelques bribes de mythologie, le Wakanda est davantage cartographié. Le pays fictif qui était jusqu’ici dépeuplé est devenu un lieu vivant et habité, ce qui fait que les scènes de destruction et les dégâts humains ont un vrai impact et plus de crédibilité comparée à la baston finale du premier film qui se déroulait dans le désert et n’a pas eu de réelles conséquences.

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Tenoch HuertaNamor

DEUX PAS EN AVANT, un en arrière

Black Panther : Wakanda Forever reste un film estampillé Marvel et n’échappe donc pas aux défauts inhérents à la majorité des productions de l’univers étendu. Le dernier acte, qui replonge dans tout ce qu’il y a de plus conventionnel et lassant, vient ainsi contredire ce que le récit a entrepris pendant plus d’une heure et demie. Après avoir porté une réflexion intéressante sur la place des super-héros et leur intérêt dans un monde où n’importe qui peut le devenir, le costume de Black Panther est renfilé pour des questions pratiques (pas de spoiler, c’est dans les bandes-annonces) et tout le reste du casting ou presque se met une super-armure pour devenir des super-héroïnes à part entière.

Le scénario n’a pas non plus échappé à l’intertextualité forcée avec la présence dispensable de Valentina de Fontaine (Julia Louis-Dreyfus), le retour d’Everett Ross (Martin Freeman) qui cherche désespérément une raison d’exister et l’introduction baclée de Riri Williams alias Ironheart. Comme America Chavez, Monica Rambeau ou Love (la gamine dans le dernier Thor), le personnage est un énième MacGuffin qui se balade dans le scénario et dont la personnalité reste embryonnaire, le but du film étant simplement de lui ouvrir une porte d’entrée vers le MCU avant la série qui s’intéressera réellement à elle.

Black Panther : Wakanda Forever : photoUne bascule finalement peu marquante 

Mais le plus dérangeant reste ce scénario à deux têtes qui en plus d’être très dense et de subir quelque baisses de régime (le film est le deuxième plus long du MCU derrière Endgame), est surtout inégal d’un point de vue émotionnel. Si la mort de T’Challa est le point de départ du cheminement de Shuri, un autre drame sert de pivot narratif pour l’arc sur Namor. Sauf que cet événement qui devait initialement être central et traumatiser les personnages s’apparente de fait à une simple péripétie puisqu’il perd une grande partie de sa charge sentimentale, entièrement allouée à la mort de T’Challa.

Malgré cet équilibre plus bancal, Marvel a cependant évité le pire (ou presque) avec un film qui n’aurait pas été aussi encombré sans la mort de Chadwick Boseman, mais n’aurait pas été si délicat et riche sur d’autres aspects.

Black Panther : Wakanda Forever : affiche officielle

Rédacteurs :
Résumé

On peut reprocher à Black Panther : Wakanda Forever ce qu’on peut reprocher à n’importe quel Marvel, mais aussi saluer la façon dont le scénario a intelligemment traité la mort de Chadwick Boseman. 

Autres avis
  • Antoine Desrues

    Pour une fois que le fantasme marvellien est parasité par la réalité, l'émotion que tisse Black Panther : Wakanda Forever permet à ses personnages de prendre de l'épaisseur, et de ne pas être de simples pancartes qui font des blagues. Dommage que le soufflet retombe bien vite sur les rails du blockbuster confortable.

  • arnold-petit

    Black Panther : Wakanda Forever est moins désagréable que les autres productions de Marvel Studios et parvient à donner de l'émotion à son récit à travers la disparition de Chadwick Boseman, mais le film est trop long pour ce qu'il veut raconter et retrouve malheureusement une formule trop classique dès qu'il doit retomber sur ses pattes.

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Ropib
Ropib
il y a 1 mois

Non seulement je trouve que Black Panther a été une occasion manquée (mais peut-on reprocher à Disney d’éviter toute prise de conscience politique ?), mais Black Panther 2 est une double occasion manquée. Tout l’intérêt de cette figure héroïne c’est qu’elle n’est pas attachée à un individu, qu’elle se transmet à travers la mort. Ici la mort de l’interprète a entraîné la mort du personnage, très bien (pour une fois), mais il n’y avait pas de mort de la figure héroïque, il fallait en profiter. Et on n’en sait pas plus sur la structure sociale du Wakanda (sans doute des USA fantasmés, mais justement, autant expliciter ce fantasme, sûrement un peu débile et ultra naïf comme on l’a senti dans le 1er). Sauf qu’en effet, à la base, l’héroïsme existentiel Marvel est en contradiction avec l’héroïsme essentialiste Disney. Comme d’habitude, un film moins fabriqué pour un public enfantin que par une production enfantine.

dutch
dutch
il y a 1 mois

J’ai essayé de le regarder mais vu la durée…

anthonyprossen
anthonyprossen
il y a 1 mois

C’est quoi ces avatars là en commentaire?? C’est un troll ou?

klam69x
klam69x
il y a 1 mois

Pour moi, le plus mauvais des Marvel. Je pense que la production aurait dû attendre de faire le deuil de Chadwick Boseman (qui était vraiment excellent dans le rôle) et de recaster un autre acteur pour le rôle. Cela s’est déjà fait dans d’autres production du MCU suite à la disparition de certains acteurs.
Là on a eu droit à un film pleurnichard avec une Shuri insipide et peu crédible dans le rôle. Quand à Riri Williams, jamais vu un personnage aussi sur côté et vide de sens. Un navet pour moi
La seule bonne surprise est l’apparition de Namor, et encore, vite oubliable.

Petit proton
Petit proton
il y a 2 années

Un des pires Marvel.
Trop long, personnage principale inintéressant et des messages pas du tout subtils enfoncés à coup de marteau.
Bref, quand on compare avec le premier que j’avais adoré celui là fait vraiment pale figure.

Neji .
Neji .
il y a 2 années

Bien mieux que le premier tellement surcoté pour un nanar juste able.
La narration mieux géré pour un film Marvel.
Malgré ironheart personnage bancal dont on ce fout globalement.
Le Monde aquatique beaucoup plus sombre que celui de DC que j’ai détesté.
Le peuple de Nanor aquahaïtienne-maori plutôt sympa et cohérent.
Bon Namor ne ressemble pas à celui de mon enfance de ma collection de Strange mais bon le type a un minimum de charisme ça e…
C’est pas trop mal filmé, la musique et sympa, bon la photo c’est un Marvel faut pas trop en demander et la mise en scène combat et age plus lyrique sont très correct.
Une ou deux idées originales dans le récit.
Un divertissement honorable, un Marvel mieux que la plupart des purges du moment et pour un moment.
Agréable surprise je m’attendais a rien, vraiment a que dalle

Marre
Marre
il y a 2 années

Fth

Twister
Twister
il y a 2 années

N’importe quoi cette critique, 3 étoiles pour Wakanda Forever et 2 étoiles pour Black Panther…Alors que le 2 est clairement un recyclage du un au niveau des thèmes avec la mort de Chadwick Boseman en plus.

Laurent SFN
Laurent SFN
il y a 2 années

Impossible d’éditer, mais je voulais bien entendu écrire « pré Endgame » plus bas

Laurent SFN
Laurent SFN
il y a 2 années

J’ai bien aimé ce film. Outre l’hommage plutôt réussi à Chadwick Boseman, j’ai l’impression d’avoir retrouvé du Mcu a l’ancienne (post endgame donc), avec des enjeux géopolitiques, des super héros un peu « anti », pas d’humour lourdingue même si on s’autorise quelques moments de légèreté.