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Ballerina : critique du sous-John Wick post-John Wick

Par Mathieu Jaborska
4 juin 2025
MAJ : 4 juin 2025

Autrefois un spec script (un scénario écrit par quelqu’un dans son coin, par opposition à une commande de studio) acheté et rattaché en 2017 à la saga Ana de Armas, ce qui en dit long sur la confiance accordée à l’héroïne de ce spin-off. Autant dire qu’on attendait le 4 juin 2025 comme on attend une coloscopie. Mais figurez-vous que certaines expériences sont beaucoup plus agréables que prévu.

© Metropolitan FilmExport

Juste une dernière danse

« Nous allons à Budapest, et ce ne sont pas des reshoots, mais de nouvelles séquences. C’est un nouveau tournage. Vous savez, ils doivent protéger la franchise« , racontait l’acteur Ian McShane dans The One Show en février 2024, un an après le tournage principal de Ballerina. Quelques mois plus tard, un article de The Wrap révélait l’ampleur du désastre : les acteurs et les équipes techniques auraient été réquisitionnées pendant 3 mois supplémentaires (!)… à l’exception de Wiseman, accusé selon des sources de ne pas être à la hauteur sur le plan de l’action.

L’estimé Chad Stahelski, réalisateur attitré de la saga qui a pris en charge ce tournage additionnel, a eu beau rassurer la presse américaine avec toute la force de persuasion promotionnelle dont il est capable, le long-métrage a eu droit à un sacré ravalement de façade. Difficile de dire s’il a « protégé » une saga qui a de toute manière viré au grand n’importe quoi grandiloquent depuis belle lurette. Mais elle a effectivement préservé un peu de son pouvoir divertissant, voire de son capital sympathie.

Ballerina Ana de Armas
Après la 8e semaine de reshoots

Le scénario, en tout cas, est dans la lignée du dernier John Wick, c’est à dire cataclysmique. Les plus cyniques rétorqueront que tout le monde s’en contrefout, mais ce n’est visiblement pas l’avis des scénaristes de la franchise, qui persistent à tartiner sur l’écran leur mythologie débile avec ses sociétés secrètes d’assassins à peu près aussi discrètes qu’un enfant de 14 ans à une projection de Minecraft.

Ballerina
Mais que fait la police ?

Dancer in the Dark

Comme dans les deux précédents volets, les assassins constituent un bon 60 % de la population occidentale, les 40 % restant faisant office de figurants qui ont pour seul réflexe de s’accrocher à leur verre quand une demi-dizaine de gorilles s’entretuent dans leur boite de nuit. On s’habitue à tout, il faut croire. La palme du ridicule étant remportée par l’entrée… design du nouveau Continental de Prague, monument de sobriété.

Blague à part, dommage que Wiseman et/ou Stahelski n’aient pas profité de ce pas de côté pour explorer d’autres aspects de leur univers pseudo-étendu, définitivement allergique aux anti-héros depuis le troisième opus. La cruelle Ruska Roma devient une énième agence secrète, meurtrière et bienveillante (un concept en soi) à la philosophie pour le moins caricaturale, luttant contre un nouveau clan d’hommes de main anonymes. Les dialogues tentent pourtant de donner un peu le change en évoquant une secte crypto-fasciste. Une vague diversion tout au plus.

Ballerina Ana de Armas
Le dernier rôle de Lance Reddick, malheureusement là pour le fan-service

Les méchants menés avec ferveur par Gabriel Byrne ne sont que des antagonistes génériques de plus dans la liste d’Ana de Armas, embarquée dans une histoire de vengeance ahurissante de lourdeur où surnagent des personnages ahurissants d’inutilité. Mention spéciale à Catalina Sandino Moreno, Sharon Duncan-Brewster et surtout à Norman Reedus, qui a presque autant de temps d’écran dans les bandes-annonces que dans le film.

Bonne nouvelle toutefois : Ballerina a le mérite de rester sous la barre des deux heures et surtout de garder un rythme soutenu, nous empêchant de piquer du nez entre deux bastons.

Ballerina Ana de Armas
« Look at me : it’s my movie now »

Danse macabre

Miracle : les séquences d’action de Ballerina sont assez amusantes pour rattraper les velléités narratives de plus en plus racoleuses de la saga. Certes, les chorégraphies ne sont pas au niveau des meilleurs morceaux de bravoure de Stahelski et les auteurs manquent là aussi l’opportunité de diversifier un peu la formule.

Forcément moins assurée et puissante que son modèle, Eve (appréciez la subtilité de la référence, soulignée à l’oral dans le film…) n’a pas un style martial foncièrement différent pour autant. La note d’intention : quand on lui conseille de jouer de ses faiblesses et de « se battre comme une fille », elle se contente d’envoyer un gros coup de pied dans les valseuses de son adversaire. Subtil. Cette héroïne en construction n’est qu’une sous-John Wick parmi d’autres, qui restera d’ailleurs dans son ombre durant tout le climax.

ana de armas ballerina
Le saviez-vous : ne pas mettre une scène de boite de nuit dans un film d’action américain expose à 50 000 euros d’amende

Heureusement, les séquences de bastons sont à peu près aussi débiles que le reste et les chorégraphies un poil moins inspirées sont compensées par une pluie de gimmicks impromptus. Eve se bat à coups de marteaux, de patins à glace, de grenades, de lampe… Bref de tout ce que les scénaristes ont placé sur son chemin. Tant et si bien qu’elle est forcée de se battre à deux reprises dans deux armureries différentes !

À chaque arme improvisée sa petite idée de mise en scène, son gag visuel. Une générosité inattendue culminant dans un climax qui ose enfin changer un peu de décor. Le clou du spectacle : un duel au lance-flamme franchement jouissif, le sound design transformant le rôtisseur de saucisses en lance-roquette à bout portant.

Ana de Armas s’en sort pas trop mal en dépit de son personnage vide

On est loin, très loin du parfum de série B efficace qui se dégageait des deux premiers opus. Même amusants, les set pieces sont parasités par les clins d’œil forcés et les renvois respectueux aux codes sacrés de l’Église Wick (l’inclusion du Baba Yaga plombe vraiment le dernier acte, malgré une bonne idée). Mais une fois accepté qu’il s’agit désormais d’une franchise hollywoodienne comme une autre, on reconnaît volontiers qu’elle reste bien plus décomplexée que ses semblables.

Ballerina
Rédacteurs :
Résumé

À condition d’ignorer le scénario atroce, ce qui ne devrait pas être trop difficile pour qui a survécu à John Wick 4, Ballerina comporte assez de gimmicks rigolos pour assurer le divertissement.

Tout savoir sur John Wick Presents: Ballerina
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Pseudo1
Pseudo1
il y a 5 heures

Les premières bastons ont un goût de déjà vu dans la première partie, mais celles de la 2e partie rattrape le tout (mention à celles au lance-flammes, en effet).
.
(ALERTE SPOILER)
Par contre, question svp :
Est-ce que qqun saurait m’éclairer sur quand se déroule la baston de fin par rapport à John Wick 3 / 4 ?
Dans Ballerina, on voit Wick au début pendant JW3, puis Wick à la fin avec son doigt coupé, donc ca se déroule forcément après la scène du désert de JW3 où il se coupe le doigt.
Mais par rapport à la fin de JW3 où il finit un poil éclopé, puis aux événements de JW4 où Wick a fort à faire avant de clamser, je ne vois pas quand il aurait eu le temps de faire ce détour par le village de Ballerina.
Ou alors, Ballerina se déroule pendant un encore hypothétique JW5.
.
Du coup, soit l’équipe de Ballerina a délibérément pété la chronologie juste pour le clin d’œil/fan service, soit Ballerina vient de confirmer John Wick 5, soit il y a un truc qui m’échappe…

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 17 heures

La séance de 18h nous étions 3 dans la salle. Si vous voulez er 2h D’ACTION NO STOP dans l’univers de JOHN WICK Foncer le voir. ANA DE ARMAS 💘 ⛸️ 🗡️

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 1 jour

Juste excellent. 2h pas vu le temps é. 
ANA DE ARMAS qui interprète EVE figh au couteau , patin à Glace , flingue, tout ce qu’elle trouve pour aller jusqu’au bout de sa vengeance ⛸️🪓🔥🗡️
☆☆☆☆

Berlingo
Berlingo
il y a 2 jours

Ok, vu il y a quatre heures, déjà oublié. C’est complètement crétin, mais finalement pas plus que John Wick 4, voire moins. Le scénario est aux abonnés absents, c’est juste une banale histoire de vengeance déjà vue un million de fois. Le génial Gabriel Byrne est malheureusement cantonné à un rôle de parrain totalement creux. Anjelica Huston est un peu plus présente… Mais on y va avant tout pour les gunfights et le gros délire du jeu de massacre, et là on en a pour notre argent.
On a un peu de peine pour Ana de Armas venue se fourvoyer dans ce foutoir débile mais bon, finalement c’est grâce à elle que le film e bien! On ne se lasse pas de la regarder cogner et dézinguer tout ce qui bouge, et son joli minois fait le reste. On pense sans arrêt à Nikita et d’ailleurs Anne Parillaud vient faire un petit caméo!
A part ça, presque tout a déjà été vu dans les quatre films précédents. Bon moment quand même avec le duel nawak au lance-flammes (avec une Ana qui ne se grille même pas un cil), les fights dans les armureries et certaines morts jubilatoires et burlesques qui n’ont rien à envier à Destination Finale!

Prisonnier
Prisonnier
il y a 2 jours

Wiseman est assez place. Un yesman juste dans la moyenne.

cielbleu
cielbleu
il y a 2 jours

Le meilleur dans le film est son affiche.

L'inquisiteur
L'inquisiteur
il y a 2 jours

Vous etes durs Ecran Large; Allez écrire un scénario dans le métro sur votre tel portable à 15min de votre rdv avec la prod, j’aimerais vous y voir.

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 2 jours

Prochainement ma critique qui va faire mal 💘🔪

grift
grift
il y a 2 jours

Perso je l’avais pas :
Un spec script (ou speculative screenplay) est un scénario écrit à l’initiative de l’auteur, sans commande ni garantie d’achat. Il est rédigé dans l’espoir qu’un producteur, un studio ou une société de production le lira, l’aimera et décidera de le financer ou de l’acheter.