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Le Dernier Rempart : le baroud d’honneur inespéré du gouverneur Schwarzenegger

Par marvin-montes
27 mai 2023
MAJ : 24 mai 2024

Le retour aux affaires du gouvernator, moins spectaculaire mais plus sincère que jamais.

Le Dernier Rempart : photo, Arnold Schwarzenegger

Après quelques années ées loin des plateaux de cinéma, Le Dernier Rempart. Loin de prétendre à une éternelle jeunesse, le chêne autrichien mise sur la force de son vécu pour continuer d'écrire sa légende.

En janvier 2011, Arnold Schwarzenegger achève son second mandat de gouverneur de Californie. Après plus de sept années de bons et loyaux services à la tête de son état d'adoption, l'acteur-culturiste-homme politique (et on en oublie) tire un trait sur un gouvernorat émaillé de controverses tout en prenant ses distances avec la pensée républicaine. Pourtant, la retraite n'est pas pour tout de suite.

De son côté, le réalisateur coréen Kim Jee-woon est à la recherche de son premier projet américain, après l'exportation réussie de ses deux précédents longs-métrages, J'ai rencontré le diable. Repéré par le producteur Lorenzo Di Bonaventura pour son habilité à faire des miracles en sus de moyens limités, Kim est rattaché dès 2010 au projet Le Dernier Rempart, pitché par le scénariste Andrew Knauer, auteur au préalable des oubliables Piège de métal et Senior Year.

L'éternel vétéran Liam Neeson est un temps envisagé, mais c'est finalement Schwarzenegger qui se voit confier par Lionsgate Films l'interprétation du policier Ray Owens. À la suite de deux (timides) apparitions dans les premiers volets de la saga Terminator 3 : Le soulèvement des Machines.

 

Le Dernier Rempart : photo, Arnold SchwarzeneggerL'âge de la retraite ? Ne lui en parlez pas.

 

EHPAD quartiers

L'intrigue du Dernier Rempart tient, sans trop de surprise pour une production de ce type, sur un demi-timbre poste. Tranquillement installé à la tête des forces de l'ordre (qualificatif un brin flatteur) de la petite ville de Sommerton – située à quelques encablures de la frontière mexicaine –, le shérif Ray Owens compte bien profiter d'un repos dominical amplement mérité. Ancien officier de la brigade des stups de Los Angeles, Ray coule des jours paisibles dans une bourgade sans histoires, n'ayant à gérer que de petits tracas de stationnement ou de livraison de lait retardée.

Malheureusement, le narcotrafiquant Gabriel Cortez – désigné comme le criminel le plus impitoyable depuis Pablo Escobar – échappe à la surveillance du FBI et compte bien filer vers l'Amérique du Sud en ant par Sommerton. Rien ne semble en mesure d'arrêter le trafiquant de drogue international (et ancien pilote de course, tant qu'à faire), lancé à toute vitesse au volant d'un bolide surgonflé. Rien, à l'exception du shérif Owens et de ses adts à la bruyante incompétence. Le week-end ne sera peut-être pas si tranquille qu'espéré.

 

Le Dernier Rempart : photo, Johnny KnoxvilleOn va faire ce qu'on peut hein.

 

Vous l'aurez compris, Le Dernier Rempart ne brillera pas par son écriture relativement convenue lorgnant largement du côté du Western classique. Nous pourrions même assumer de nous trouver face à un énième ersatz du fameux Rio Bravo, la frontière américano-mexicaine remplaçant le détenu du chef-d'oeuvre d'Howard Hawks. La formule n'ayant toutefois pas pris une ride, faudrait-il réellement s'en priver ?

Car évidemment, tout ceci n'est qu'un véhicule efficace pour celui vers qui l'ensemble des regards sont braqués : Schwarzenegger Himself. Difficile en 2013 d'anticiper l'état (et les intentions) de l'ancien bodybuilder autrichien pour son retour à l'écran. Emblème absolu du rêve américain sous sa forme la plus pure (et fantasmatique), ce cher Arnold revient auréolé d'une carrière qui lui a tout donné. Mais de quelle manière aborder le dernier chapitre d'une légende écrite d'avance, alors que le ridicule guette à chaque instant ? Le Dernier Rempart nous donne la réponse de fort belle manière.

 

Le Dernier Rempart : photo, Johnny Knoxville, Arnold SchwarzeneggerOn a connu plus tranquille.

 

Il ne suffira que de quelques plans pour nous rassurer : loin d'un grotesque Seagalien ou de la plastique éternelle d'un Stallone, Schwarzy porte avec assurance le poids des ans, sans jamais chercher à dissimuler le déclin physique qui nous rattrape tous, y compris le plus imposant des héros d'action. Déambulant dans les rues de Sommerton en short et chaussures bateaux du plus bel effet, Ray Sommers penche bien plus du côté de la présence autoritaire, mais débonnaire que de celui du justicier impitoyable, et c'est beaucoup mieux comme ça.

Trainant laborieusement sa carcasse vieillissante, conscient de sa gloire ée, mais aussi des limites de sa condition de presque septuagénaire, le héros sur le retour fait le choix de ne pas mentir, en misant sur son capital sympathie (toujours intact) plutôt que sur des prouesses qui se feront finalement rares. Bien loin des standards agressifs dans lesquels l'icône s'illustrait autrefois, Le Dernier Rempart s'affirme en tant que western tendu, portant son regard vers des protagonistes perpétuellement déés par les événements, et ne pouvant miser que sur leur détermination pour accomplir un acte aussi ridicule que noble.

 

Le Dernier Rempart : photo, Luis GuzmánPas sûr d'avoir signé pour ça.

 

I'll be back (again)

Même s'il ne fait probablement pas partie de la caste des cinéastes ayant réussi à sublimer le culturiste Schwarzenegger de manière parfois flamboyante (coucou James Cameron et John McTiernan), le travail effectué par Kim Jee-woon autour de son sujet principal reste en tout point remarquable. Visiblement peu impressionné par l'aura de son premier rôle, Kim résiste à la tentation de la contre-plongée flatteuse pour replacer son héros à la juste place : celle d'un homme ordinaire au é révolu, désormais à la hauteur de ses semblables (et même parfois un peu vouté).

Fait remarquable, le réalisateur de Deux Soeurs ou de A Bittersweet Life ne semble pas avoir perdu son identité en traversant le pacifique. Dans la grande tradition de la nouvelle vague coréenne – dont il est l'une des figures de proue – Kim Jee-woon prend toujours autant de plaisir à illustrer une certaine maladresse policière, perdue entre la figure d'autorité hésitante et l'incompétence manifeste. Pour ce faire, le réalisateur peut compter sur une flopée de seconds rôles efficaces et dévoués aux ruptures de ton épargnées au gouvernator, dont le sérieux suffira à déclencher quelques sourires complices.

 

Le Dernier Rempart : photo, Arnold SchwarzeneggerPas le temps de vanner.

 

De Luiz Guzman à Johnny Knoxville, en ant par les Bad Guys Eduardo Noriega et Peter Stormare, tout le monde semble tenir l'équilibre entre implication et semi roue libre (le propre d'une série B un tantinet luxueuse). Nous aurons même droit à l'une des dernières apparitions du regretté Harry Dean Stanton et de sa bougonnerie légendaire en prime. 

Enfin, et parce qu'il se pourrait que nous soyons tout de même la pour ça, Le Dernier Rempart ne démérite pas lorsqu'il convient de laisser enfin filer l'action dans son dernier tiers. Après une bonne heure destinée à préparer les événements et à bien appuyer l'immensité de la tâche à venir, l'irruption des hommes de Cortez dans Sommerton nous permet de constater que les 45 millions de budget du film seront bel et bien employés à bon escient.

 

Le Dernier Rempart : photo, Arnold SchwarzeneggerRetour aux affaires.

 

Jamais avare en saillies graphiques de toutes sortes (J'ai rencontré le Diable pourra vous en convaincre), Kim Jee-woon est tout à fait à son aise au cours de la bataille finale du Dernier Rempart. Le réalisateur, accompagné de son chef-opérateur Kim Ji-yong (que l'on retrouvera sur le Decision To Leave de Park Chan-wook) n'hésite jamais à libérer ses mouvements de caméra, quitte à sur-ab du débullage et de travellings incroyablement poseurs. L'enthousiasme peut soulever des montagnes, et même nous pousser à pardonner quelques punchlines approximatives.

Mais le réalisateur est pleinement conscient de l'espace (plutôt limité) accordé à son climax et maximise l'emploi de chaque centimètre de décor, quitte à faire basculer les règles du Western pour ramener ses fusillades horizontales sur le plan vertical. Un jeu de changements de niveau perpétuels franchement ludique qui permet au film de nous offrir son plan le plus marquant, avec une caméra accrochée à Schwarzy durant sa chute de plusieurs étages sur un tireur embusqué.

Quelques scènes plus tard, le véritable duel au soleil aura lieu sans armes à feu, après une course-poursuite impliquant deux bolides, un champ de maïs et un tracteur négligemment déposé sur la trajectoire des véhicules. Le bonheur n'est pas si inaccessible : une Chevrolet Camaro s'encastre joyeusement dans un engin agricole, et le tour est joué. 

 

Le Dernier Rempart : photo2 Fast 2 Maïs

 

Finalement, le retour aux affaires d'Arnold Schwarzenegger est une réussite. Pas nécessairement par sa flamboyance artistique, mais parce que Le Dernier rempart transpire la sincérité et la pleine conscience de soi-même. À contre-courant de ses camarades des grandes années, l'acteur laisse derrière lui les rémanences de sa gloire ée et se refuse à un cinéma d'action en forme de fontaine de Jouvence cruellement artificielle. Probablement le choix le plus sage.

Alors qu'il entamait le volet crépusculaire d'une carrière riche de tous les succès possibles, Arnold regardait dans la direction des monstres sacrés partis avec les honneurs, plutôt que dans celle de ceux refusant frénétiquement de disparaitre. Du côté de Clint Eastwood ou de John Wayne, sans le prestige d'Impitoyable ou du Dernier des Géants, mais avec la même volonté : celle de saluer une dernière fois la légende, tout en la laissant reposer pour de bon, après un dernier baroud d'honneur. Juste parce que l'on ne pouvait pas se quitter comme ça, sans un ou deux derniers démembrements enthousiastes.

Et peu importe que la suite soit moins belle, que les apparitions de l'acteur dans des séries B ou dans des itérations médiocres de Terminator entachent quelque peu la fin du voyage. Le véritable clap de fin aura été délivré en 2013, pas sous les applaudissements unanimes, mais dans la sincérité la plus pure. Ce n'était qu'un au revoir, qui aurait certainement mieux fait d'être un adieu.

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Hasgarn
Hasgarn
il y a 2 années

Une petite pépite B bien torchée et largement au dessus du tout venant qui sait ménager ses effets.

Franchement, je suis déçu que ce film honnête et sincère n’ait pas eu le succès qu’il mérite.

Un film que je regarde régulièrement parce qu’il me donne la patate et me donne à voir un de mes acteurs préférés revenir de fort belle manière.

alulu
alulu
il y a 2 années

Je pensais qu’il était mauvais, que son flop témoignait mais vu les retours, je vais le visionner.

RobinDesBois
RobinDesBois
il y a 2 années

J’en attendais beaucoup avec Kim Jee-woon à la barre et quelle deception. On dirait un direct to video moyen des années 90.

trop vieux pour ces conneries
trop vieux pour ces conneries
il y a 2 années

surtout un gros flop BO pour Schwarzy , pourtant vu les daubes qu’ila tourné par la suite on peut dire que c’est un tres « bon » petit film qui n’a aucune pretention aucune et qui ne meritait pas un tes crash au BO,
à noter le ton binaire du film entre l’univers bleute des flics et le monde jauni de Schwarzy

Altaïr Demantia
Altaïr Demantia
il y a 2 années

Un bon Schwarzenegger, une bonne série B.
Schwarzie vieillie bien dans sa tête, il a toujours eu une grande confiance en lui, c’est un mec tranquille qui a conscience de qui il est et de ce qu’il est capable de faire et qui n’a plus rien à prouvé ni à lui ni aux autres. En plus, contrairement à Stallone, il tente de jouer la comédie plutôt que de faire semblant qu’il a encore un corps de jeune homme.

Justement je viens de voir le premier épisode de Fubar.

Bon.

C’est pas que c’est pas bon, c’est juste que c’est pas très intéressant. Entre situations rocambolesques vues mille fois, l’équipier/hacker accroc aux sucreries qui peut faire tout et n’importe quoi en fonction des besoins du scénario, les effets spéciaux et notamment les doublures numériques pas raccord avec la manière de bouger de Schwarzenegger, on est dans le contenu moyen de Netflix. Le quiproquo père/fille qui rappelle True lies. Je ne regarderai pas les autres épisodes.

Ray Peterson
Ray Peterson
il y a 2 années

Pas le meilleur de Kim Jee-woon assurément, mais le Mr fait vraiment, vraiment bien le taf!
Heureusement qu’Arnold a eu le flaire avec ce réal pour (un de ses) retour.
J’adore la séquence de course poursuite dans les champs (ça a dût être chiant à préparer et filmer) et le combat final contre Noriega est assez malin.
Un bon western urbain un peu loufoque pas forcément subtil avec de belles trognes comme on les aime : Peter Stormare, Luis Guzman et Harry D Stanton.

Flash
Flash
il y a 2 années

Le dernier bon film de Schwarzi.
Ça fait un bail.

Saiyuk
Saiyuk
il y a 2 années

@Geoffrey Créteil
Merci bien

Hocine
Hocine
il y a 2 années

Le Dernier Rempart est l’un des seuls films convenables d’Arnold Schwarzenegger, depuis son retour dans l’industrie du film. Malheureusement, en tenant compte de tout ce qu’il a fait depuis son retour, on ne peut pas dire qu’il aura véritablement réussi à réintégrer le milieu du cinéma.

Un temps, il était censé faire son retour au cinéma avec Cry Macho, projet qui sera finalement récupéré par Clint Eastwood en 2020. C’était pourtant un projet que Schwarzenegger s’était réservé depuis le début des années 2000 et qui lui aurait permis d’aborder un registre plus dramatique. Cependant, il aurait définitivement renoncé à Cry Macho, à cause d’éléments du scénario rappelant sa vie privée de l’époque, selon son autobiographie Total Recall.
Je me demande bien ce qu’aurait donné Cry Macho avec Arnold Schwarzenegger.

Geoffrey Crété
Geoffrey Crété
il y a 2 années

@Saiyuk

C’est prévu, Déborah a commencé à regarder, on n’a pas eu de screeners donc impossible d’écrire dessus en 48h avant le week-end. Rdv la semaine prochaine.