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Terminator Genisys sur Netflix : pourquoi cette catastrophe industrielle doit servir de leçon

Par Geoffrey Crété
4 juillet 2021
MAJ : 21 mai 2024
Terminator : Genisys : Affiche

Terminator Genisys avec Arnold Schwarzenegger, Emilia Clarke et Jai Courtney : un échec spectaculaire, et un cas d’école ionnant.

C’était le grand retour d’Terminator 3 : Le soulèvement des Machines, et le début d’une nouvelle trilogie espérée par les producteurs. Ça a été un désastre à peu près absolu, avec un box-office loin des attentes, des rumeurs d’une production compliquée confirmées par l’équipe depuis, et un accueil glacial côté critique et public.

C’est Byung-hun Lee en nouveau méchant Terminator. C’est un désastre, et c’est un cas d’école qui mérite d’être rediscuté.

Car même si depuis, l’ultime frontière de la nullité de la saga, ce Genisys reste à part tellement il a accumulé les problèmes.

 

photo, Linda Hamilton, Mackenzie Davis« C’est Genisys le plus nul » « Non c’est nous »

 

DU DROIT D’AVOIR LES DROITS 

En 2003, Terminator 3 : Le soulèvement des Machines ouvrait pour de bon les portes post-apocalyptiques avec sa fin. En 2009, Terminator : Renaissance s’y est engouffré, et vautré. S’il mérite d’être Christian Bale a été un petit échec financier, avec environ 371 millions récoltés au box-office pour un budget officiel de 200 millions (sans compter le marketing). 

Un facteur qui a joué dans l’annulation des suites programmées puisque la société The Halcyon Company, qui avait acheté en 2007 tous les droits de la saga à James Cameron a alors été remise sur le marché. En 2010, c’est Pacificor qui remporte la mise, au nez de Sony (distributeur de Renaissance) et Lionsgate, et pour moins de 30 millions. Pourquoi ? Parce que Pacificor était le principal créancier de Halcyon, qui effaçait ainsi sa lourde dette, et gagnait même un pourcentage sur les futurs films. Les concurrents énervés ont tenté de contrer la vente, mais la justice l’a validée.

Pacificor remet les droits en vente, et le futur de la saga reste flou. En 2010, après une annonce en fanfare, le film d’animation Terminator 3000 est enterré par Pacificor, qui cherche à relancer la saga.

 

photo, Christian Bale « On m’avait parlé d’une suite »

 

En 2011, la carcasse est réanimée. La rumeur parle d’un cinquième Terminator avec Schwarznegger, réalisé par Chris Morgan. Universal serait en pleines négociations. Les mois ent et il se murmure que Pacificor tente de vendre le package du film à toute l’industrie, et notamment à Sony, Universal, Lionsgate et CBS Films. 

Surprise : c’est Annapurna Pictures, la société de James Cameron récupèrera forcément les droits en 2019, pour des raisons légales, 35 ans après le premier film. Les étoiles s’alignent : Annapurna, Skydance (tenu par le frère, David Ellison) et Paramount se partagent la poire métallique en trois.

 

photo, Sam WorthingtonLe vrai visage du business

 

RASSEMBLER LES PIÈCES DÉTACHÉES

Fin 2012, tout est signé et lancé, ou presque. Justin Lin est parti sur Hell Driver). Ils refusent trois fois, mais Cameron les convainc.

En juin 2013, la Paramount officialise le retour d’Denis Villeneuve auraient été approchés. Tout semble avancer, sauf que…

 

Photo , Terminator 6Une production simple, une équipe sereine

 

En janvier 2014, Annapurna se retire. Megan Ellison annonce que sa société ne produira plus le film, et qu’elle restera simplement productrice exécutive. S’envole alors la magie Annapurna, dont l’investissement était aussi étrange qu’intrigant. Megan Ellison lâche un beau communiqué de presse pour chanter les louanges de l’équipe, et préciser que sa société se concentrera sur des projets indépendants.

Skydance, qui a enchaîné The Ryan Initiative, récupère ainsi 2/3 du budget de Genisys. Le signal n’est pas très positif.

D’autant que les fans ont capté un message dans ce cirque : c’est Megan Ellison qui avait personnellement promis sur Twitter, en janvier 2012, que ce nouveau Terminator serait Rated R. Promesse d’un spectacle non mignon et familial fait par elle, et personne chez Paramount ou Skydance.

« Surprise » : Terminator : Genisys ne sera pas Rated R, mais PG-13, avec simple avertissement. De là à imaginer qu’Annapurna a quitté le projet à cause de différends artistiques à ce niveau, il n’y a qu’un pas.

 

Photo Arnold Schwarzenegger Quand tu découvres ton plan d’attaque, et n’y crois déjà plus

 

FUTUR IMPARFAIT 

Terminator : Genisys a coûté 158 millions (plus de 170 avec l’inflation). C’est moins que Le Soulèvement des machines (dans les 170 en 2003, soit plus de 230 avec l’inflation), et Renaissance (200 millions en 2009, soit près de 240 avec inflation).

John Connor revient donc, ici incarné par Die Hard : Belle journée pour mourir. Sur le papier, c’est un duo gagnant qui ratisse large.

Le retour d’Arnold Schwarzenegger étant un argument de vente massif, l’équipe trouve avec James Cameron une astuce : puisque le Terminator est recouvert de tissu vivant, le Terminator peut avoir l’air d’être un vieux de presque 70 ans.

 

photoI’ll be back, for ever 

 

Pour la première fois de la saga, un épisode en zappe d’autres. Exit le Jugement dernier inévitable de Terminator 3, et le post-apocalyptique de Terminator 4. Grâce au gimmick du voyage dans le temps et de réalité parallèle, Genisys créé son propre monde, et pioche dans la mythologie comme dans les rayons d’un supermarché. Pourquoi avancer si on peut reculer ?

Prequel, remake, reboot : Genisys bouffe à tous les râteliers. Il montre la rencontre entre John Connor et Kyle Reese, et ce qui a mené à Terminator (en 2029, Skynet envoie un T-800 pour tuer Sarah Connor, et John envoie Kyle protéger sa mère, provoquant lui-même sa naissance). Mais avec une différence, puisque John est lui-même attaqué par une machine, ce qui change l’histoire. Alan Taylor remet même en scène quelques scènes du film de 1984 (impossible de réutiliser les vraies, pour des questions de droit).

 

photo, Emilia ClarkeOn ne brûle plus ses idoles : on leur marche dessus

 

Bienvenue dans Genisys, le futur é alternatif, où Sarah Connor vit avec un Terminator alias Pops depuis son enfance, qui abat le T-800 envoyé pour tuer l’héroïne, et où Kyle est accueilli par un Terminator évolué dès son arrivée en 1984. C’est Sarah qui sauve Kyle, lequel a de soudains souvenirs de son enfance en partie réécrite, et c’est Genisys qui piétine le premier épisode pour s’y installer confortablement. « La fille pour qui tu as remonté le temps, elle n’existe plus », explique Sarah.

Mais ce petit manège moderne est bien une mascarade. Genisys n’est qu’un nouveau nom pour Skynet, le T-1000 laisse place à un T-3000, et le Jugement dernier est simplement déplacé de 1997 à 2017. Une vague histoire de nœud temporel dans le continuum arrange tout le monde, et sert de joker. L’imaginaire est tellement épuisé que John Connor est ici le Terminator nouveau modèle, dans un vain effort pour surprendre.

Savoir que ce Genisys a été présenté comme une suite directement rattachée aux deux premiers volets, exactement comme Terminator : Dark Fate, provoque un certain vertige du vide. L’équipe évacue toute idée de simple suite, reboot ou remake, et parle de « réimagination« . Alan Taylor parade même en disant que le scénario est plus complexe que tous les autres épisodes, puisque centré sur divers voyages dans le temps.

 

la série Terminator

 

PROMO pour les mous

La machine déraille vite en public. En octobre 2014, les premières photos promo deviennent une source de blagues, puisque toute la bande est montrée sur un parking, en train de hurler avec de gros guns en main. Tout le monde, sauf Schwarzenegger, la vraie star du film.

En avril 2015, deux mois avant la sortie, une bande-annonce et une affiche dévoilent le twist du film : John Connor est un Terminator. Une idée marketing absurde, qu’Alan Taylor déplore publiquement… avant la sortie du film.

Genisys n’est même pas encore en salles que le réalisateur explique sans sourciller à Uproxx qu’il n’a absolument pas validé et apprécié les photos d’Entertainment Weekly, et qu’il y a bien eu des tensions sur la manière de vendre le film. Qu’il tacle Marvel et son mauvais Thor : Le Monde des ténèbres a en plus détourné l’attention.

Le rire arrive aussi sur le nouveau titre. Terminator : Genesis devient Terminator : Genisys, et tout le monde se demande pourquoi. Lors d’une des premières grandes projections du film, le producteur David Ellison, de Skydance, reconnaît l’erreur : « Ça ne marche pas. C’était un jeu de mots et ça n’a pas marché. »

 

photo« What the fuck » a été la réaction d’Alan Taylor face à ça (selon ses dires)

 

Fin juin, au dernier moment donc, les premières critiques tombent : au mieux, ce n’est pas aussi terrible que redouté, et au pire, c’est un ratage en bonne et due forme. Genisys récolte la pire note de la saga sur Metacritic et Rotten Tomatoes (26%, contre 33% pour Renaissance). Lorsque publiquement en dire du bien, juste avant la sortie, c’est trop gros pour être honnête.

Les studios y croient et sortent le film sur 3700 écrans (bien plus que les 2500 de Renaissance). Le réveil est difficile : Jurassic World, pourtant en salles depuis plusieurs semaines. Il dégringole semaine après semaine au box-office américain, et s’incline sous la barre des 90 millions, soit le pire score de la saga.

Dans le reste du monde, quelques étincelles, notamment en Corée du Sud et Russie. Et la Chine leur évite le désastre total avec plus de 113 millions (une première pour la saga, inédite dans les salles chinoises). Avec environ 440 millions au final, le film s’en sort relativement bien (mieux que les 371 de Renaissance, plus cher à produire).

 

Photo Jason ClarkeJohn bad Connor

 

FUTUR BRÛLÉ

Avant la sortie, Terminator : Genisys est vendu comme une renaissance. Paramount annonce deux suites (censées revenir sur la métamorphose de John Connor), tournées en même temps, qui sortiront en mai 2017 et juin 2018. Sans oublier un projet de série, censé être lié à cette trilogie. Quelques mois après la sortie, tout est suspendu. Skydance se justifie (« Ce n’est pas vraiment suspendu, mais plutôt en plein réajustement« ) tout en reconnaissant poliment que le score du film n’a pas été à la hauteur côté domestique.

Début 2016, ces suites disparaissent purement et simplement du calendrier de Paramount.

Peu de temps après, Emilia Clarke répond sans hésiter qu’elle ne reviendra pas en Sarah Connor. Ce sera le début du pire service après-vente, puisque deux ans après, l’actrice remet une couche et se dit soulagée de ne pas avoir à reprendre son rôle grâce au bide de Genisys. Elle explique à Les 4 Fantastiques, filmé en même temps, était une rigolade en comparaison. Les techniciens portaient apparemment un t-shirt « Au moins, on n’est pas sur Terminator », pour réagir au bad buzz.

 

photo, Emilia Clarke Jeter les bébés avec l’eau du bain

 

La blague continue puisque James Cameron revient finalement sur ses paroles en défense de Genisys, et affirme avoir uniquement dit ça par amitié pour Arnold. Car en réalité, il méprise toutes les suites de ses films – sauf Dark Fate, mais possible qu’il change d’avis vu le désastre en salles.

En 2019, pour vendre son Terminator : Dark Fates’en prend à son tour au film : « J’en avais marre avec le dernier film, quand le studio a décidé d’en faire un PG-13 juste parce qu’ils pensaient ramasser plus d’argent comme ça. Je leur ai dit : « Les mecs vous êtes stupides… » (…) J’étais tellement énervé qu’ils essaient de couper tout le sang et le gore. »

Chacun a mis un clou dans le cercueil de Genisys et l’enterrement a officiellement lieu lorsque Terminator : Dark Fate est annoncé, et qu’il le piétine pour exister.

 

photoDans la prison des egos

 

Genisys a voulu relancer la saga en grand, et avait discrètement écarté les deux précédentes suites au age. L’échec a été tel que Terminator : Dark Fate zappe officiellement et brutalement tous les films (y compris Genisys) depuis Terminator 2 : Le Jugement dernier. Triste ironie du sort pour un film qui s’est cru trop malin.

Guerre pour les droits, tir rectifié en cours de route, scénario qui ree sur la mythologie, promo proche du désastre et reniée par le réalisateur, flop au box-office domestique, grands projets de suite enterrés en silence, équipe qui tacle le film et le studio… c’est un anti-guide du blockbuster moderne.

Seule lumière dans ce tunnel d’enfer : Dark Fate, qui a redéfini le pire de la saga en marquant une série animée sur Netflix.

 

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Morcar
Morcar
il y a 3 années

Je suis toujours surpris de voir à quel point ce volet est détesté, alors qu’il reste quand même bien plus intéressant que « Renaissance » qui n’avait rien compris à l’intérêt de la franchise : la véritable guerre ne se e pas dans le futur, mais de nos jours.
A choisir, si je ne devais garder que 2 films (en dehors des 2 premiers qui font l’unanimité, je pense), je préfère garder Genesys et Dark Fate que Le Soulèvement des Machines et Renaissance.

Wolfram
Wolfram
il y a 3 années

J’ai remarqué que Genisys avait repris des éléments de la série Sarah Connor Chronicles de 2009, comme le déplacement dans le futur de Sarah, John et la terminato (trice?) qui le protège

banban
banban
il y a 3 années

Dark Fate est bien supérieur à Genisys, aucun doute là desus.

Ca aurait même pu être une suite digne de ce nom à T2.

SAUF QUE…

….transformer SkyNet en Legion n’a strictement aucun interêt, au contraire ça ne fait que déplacer le problème sans le renouveler, ni le faire évoluer.

….nous rejouer le coup d’une fin du monde imminente ne sert à rien vu que T2 nous a déjà raconté cette histoire (et avec tellement plus de justesse).

…la plupart des séquences (le méchant dans un gros camion, etc) et des enjeux de Dark Fate (le personnage principal à protéger) sont une pâle copie de ce que T2 à déjà fait (encore fois avec plus de justesse…).

…Schwarzenegger a un bien meilleur rôle que dans T3 et Genisys, mais on y croit plus du trop vu que c’est son troismième come back dans le même rôle, avec toujours dans l’idée que « cette fois c’est la bonne » et que ses autres apparitions post-T2 sont a oublier.

….Schwarzenegger est un Terminator repenti qui sert des Coronas citronnées et entretien une relation platonique avec une humaine. PARDON ?

Maintenant si la catastrophe Genisys doit vraiment servir de leçon, j’ai presque envie de dire « vous avez The Tomorow War » ? Lol…

Xbad
Xbad
il y a 3 années

Une saga que j’adore depuis enfant, jusqu’au 4 j’ai du plaisir à la regarder. Les deux derniers je n’ai toujours pas compris ce qu’ils ont voulu faire, pourquoi ne pas avoir continuer la Time Line dans le futur, l’idée était bonne, dommage.

RiffRaff
RiffRaff
il y a 3 années

@kyle reese: la comparaison entre genysis et dark fate c’est un peu le concours de l’étron qui sent le moins mauvais. La saga Terminator telle qu’on la connaît est morte et enterrée, il faut soit la rebooter ou pourquoi pas, er à autre chose.

Gemini
Gemini
il y a 3 années

Émilia C. est une bonne actrice pour les téléfilms de TF1 à 15h

Kyle Reese
Kyle Reese
il y a 3 années

Genisys:
Metascore 38
s 5.8
IMDb 6,3

Dark fate
Metascore 52
s 3.9
IMDb 6,2

Faites vos jeux.
Dark fate est bien plus cohérent que Genisys.
Impossible de revoir ce dernier pour ma part.
Jay Courtney en Kyle Reese … rédhibitoire.
L’équipe de scénaristes a du vouloir faire comme Cameron en prenant des exctasy mais cela leur a moins réussi.

Ethan
Ethan
il y a 3 années

Un terminator qui devrait paraître le même âge qu’avant

Endor
Endor
il y a 5 années

on a hélas la réponse, la leçon n’a pas été retenue, Dark Fate est la même catastrophe industrielle, en pire encore. Les gros studios sont les skynet d’Hollywood : ils ne s’arrêtent jamais jusqu’à l’arrivée de la faillite, et on ne les pleurera pas.

Eowya
Eowya
il y a 5 années

Patrice 21/10/2019 à 08:28
Genisys est une bouse et c’est du en grande partie à Emilia Clarke qui a le charisme d’un veau et n’est absolument pas convaincante dans le rôle de Sarah Connor.

Emilia Clarke est une bonne actrice mais une très mauvaise Sarah Connor. Elle n’est pas faite pour ce genre de rôle, tout simplement. Et elle n’est pas la raison du fiasco, tout est mauvais :
Le scénario est horrible, le twist ridicule, Schwarzy plus parodique que jamais avec ses blagues bien lourde. L’acteur qui joue John Connor et l’acteur et celui qui joue Kyle Rease sont désastreux. Genre 1000 fois pire qu’Emilia Clarke, a qui ont impute une grande partie de l’échec comme si les autres avaient « bien joué » alors qu’ils sont désastreux.

Quand a Dark Fate… Faut croire qu’Hollywood n’apprend jamais de ses erreurs, vivement qu’ils perdent des millions pour enfin se remettre en question !